Le prêt de titres, une source de revenus bienvenue pour les investisseurs

Yves Hulmann

4 minutes de lecture

Stanislav Kostyukhin, CEO de Saxo Bank Suisse, souligne que l’offre de «securities lending» proposée depuis juillet est étroitement encadrée et permet aux détenteurs d’actions et d’ETF de réduire leurs frais.

Depuis juillet, la filiale suisse de Saxo Bank donne la possibilité aux clientes et clients helvétiques de pouvoir prêter de manière temporaire des actions et des ETF à d’autres acteurs du marché, comme l’établissement l’a annoncé au début du mois dans un communiqué1. Pourquoi l’établissement basé à Copenhague lance-t-il maintenant ce service de prêt de titres, ou «securities lending» en anglais, en Suisse? Lors d’un entretien, Stanislav Kostyukhin, CEO de Saxo Bank Switzerland, évoque à la fois des raisons liées au cadre réglementaire helvétique, à la nécessité d’offrir davantage de transparence dans ce domaine et souligne les avantages qu’il y a pour les clientes et clients de pouvoir bénéficier de revenus supplémentaires, tout en ayant la possibilité de réduire leurs frais dans le domaine du trading.

«La Suisse dispose d’une régulation tout à fait robuste et d’un système de taxation qui est adapté pour faire face aux innovations. Cet environnement fait que le processus de prêt de titres est désormais très bien encadré par des règles permettant d’éviter les erreurs qui avaient été commises durant la crise financière globale de 2008», met en perspective le CEO.

Une répartition «50/50» des revenus obtenus grâce au prêt de titres

Quelles sont justement les mesures prévues dans l’offre proposée par Saxo Bank à même de garantir une sécurité suffisante aux clients qui prêtent leurs actions ou ETF à d’autres acteurs qualifiés du marché? Stanislav Kostyukhin cite plusieurs mesures. Tout d’abord, Saxo Bank gère elle-même le processus de prêt et agit en tant que contrepartie directe en collaboration avec un partenaire suisse en tant que dépositaire. Ensuite, la banque détient à tout moment des garanties couvrant au moins 102% de la valeur du prêt et s’assure de leur disponibilité en cas d’un défaut de l’emprunteur. «Pour des prêts de titres d’une valeur de 100 francs, un montant de 102 francs placé dans des obligations liquides est conservé à tout moment», illustre-t-il.

Les clients participants sont exonérés des droits de garde tant que le service de prêt de titres reste activé, ce qui réduit leurs frais. Certains clients perçoivent en outre un revenu passif supplémentaire, similaire à des intérêts, grâce au prêt de titres qu’ils détiennent déjà si ceux-ci sont empruntés. Un emprunteur paie en effet un intérêt sur les titres empruntés, lequel est réparti à parts égales entre le prêteur et Saxo Bank. Stanislav Kostyukhin insiste sur cette répartition «50/50» en soulignant aussi l’importance que ce processus s’effectue en complète transparence ce qui assure que les clients soient rémunérés pour le prêt de leurs titres. «Auparavant, il arrivait que certaines banques ou gérants prêtent des titres appartenant à leurs clients sans que ceux-ci ne soient correctement rémunérés, ni même parfois informés de cela. Chez Saxo, c’est très différent. Nos clients gardent le contrôle sur leurs titres et ils sont rémunérés pour cela», souligne-t-il.

La possibilité de percevoir des dividendes est préservée

Quant au profil des clients intéressés par cette solution, Saxo Bank ne peut pas encore dresser leur portrait détaillé étant donné que le service de prêt de titres a été lancé il y a moins de deux semaines. Le CEO évoque différentes motivations possibles. Cette solution devrait intéresser les clients attentifs aux coûts qui ne souhaitent plus devoir payer des droits de garde. D’autres clients sont davantage intéressés au potentiel de pouvoir obtenir des revenus supplémentaires de la part des titres qu’ils détiennent. Cela peut être, par exemple, le cas des personnes qui détiennent des actions qui ne versent pas ou peu de dividendes et qui souhaitent améliorer leur rendement grâce au prêt de titres.

Que se passe-t-il justement si un client possède des actions versant des dividendes et qu’il décide de les prêter à des tiers? Dans ce cas, le service de prêts de titres de Saxo permet aux clients de prêter leurs titres tout en continuant de percevoir des dividendes ou des paiements équivalents au montant de ceux-ci. «Nous avons la possibilité de rappeler les actions, ce qui fait que les clients pourront recevoir leurs dividendes comme c’est le cas usuellement. Il n’y a pas du tout d’enjeux d’ordre fiscaux dans le cadre de ce service de prêt de titres», met-il en perspective.

Le service n’est pas accessible aux institutionnels

Comment Saxo Bank parvient-elle à rentabiliser cette offre de prêt de titres compte tenu du nombre d’opérations qu’un tel service implique? Oliver Buomberger, directeur opérationnel (COO) et deputy CEO de Saxo Bank Switzerland, souligne l’avantage pour la banque de pouvoir opérer avec une seule plateforme technologique, à la différence d’autres établissements bancaires qui doivent travailler avec plusieurs systèmes différents.

«Cela nous a permis de rendre cette offre accessible pour le marché de masse», observe-t-il. Depuis le 1er juillet, le service de prêts de titres est accessible à la fois à la clientèle de détail et aux sociétés mais pas au segment des clients institutionnels. «Cela entraînerait toutes sortes d’autres implications et nous n’avons pas voulu étendre ce service au-delà de ces deux segments pour le moment», précise-t-il.

Un moyen de différenciation dans un segment très compétitif

Dans un secteur très concurrentiel, la direction de Saxo Bank Suisse propose-t-elle ce nouveau service de prêt de titres avant tout comme un facteur de différenciation sur le marché helvétique? Pour Stanislav Kostyukhin, il s’agit d’une évolution qui s’inscrit dans la suite d’autres annonces effectuées cette année et l’an dernier. «Début janvier, nous avons annoncé de nouvelles améliorations dans la structure des frais. En avril de l’an dernier, nous avons commencé à verser des intérêts sur les dépôts en cash de nos clients. Maintenant, nous proposons une offre de prêt de titres qui donne la possibilité à nos clients de percevoir des revenus supplémentaires et d’améliorer la rentabilité de leurs portefeuilles, tout en réduisant certains frais», résume Stanislav Kostyukhin.

Ne pas confondre « zéro frais » et «zéro coûts»

Comment voit-il l’apparition des courtiers proposant des offres de trading gratuites, à l’exemple de Robinhood, et que pense-t-il des chances que de tels services parviennent à séduire la clientèle suisse? Le CEO de Saxo Bank Switzerland relativise la notion de gratuité de telles offres: «Ces sociétés offrent des frais de courtage de zéro mais elles se rattrapent en facturant d’autres prestations, comme par exemple en proposant à leurs clients la possibilité d’utiliser des effets de levier (leverage). Il ne faut pas confondre zéro frais et zéro coûts», souligne-t-il. En outre, Stanislav Kostyukhin doute du fait que tous les acteurs qui misent sur une stratégie «zéro frais» parviennent à atteindre la taille critique afin de pouvoir rentabiliser leurs investissements. «Il y a des limites au modèle zéro frais», estime-t-il. En outre, en ce qui concerne le marché suisse, le CEO de Saxo Bank Switzerland depuis l’automne dernier estime que la clientèle helvétique dispose d’un haut degré de connaissances en matière financière, ce qui fait qu’elle se laissera moins convaincre par des offres de type «zéro frais» que ce n’est le cas parfois à l’étranger.Pas de rapport avec la mise en faillite de FlowBank.

Au final, le lancement début juillet du service de prêt de titre, qui intervient deux semaines après l’annonce de la mise en faillite de FlowBank par la Finma, est-il aussi un moyen de tenter de gagner des parts de marché en Suisse, en récupérant une partie de sa clientèle grâce à une offre accrue de services? Stanislav Kostyukhin souligne que le timing entre les événements est une coincidence. Comme le précise CEO de Saxo Bank Switzerland, cette offre est nouvelle uniquement pour le marché suisse. L’établissement bancaire basé à Copenhague propose en effet déjà ce service sur de nombreux autres marchés et il était logique que cette offre soit un jour proposée en Suisse également.

 

 

1Lien: https://www.allnews.ch/content/corporate/saxo-bank-suisse-lance-le-pr%C3%AAt-de-titres-et-renonce-aux-frais-de-garde

A lire aussi...