Fragilisé par la politique monétaire japonaise accommodante, le yen a touché mercredi un plus bas depuis 1986 face au dollar, alimentant les spéculations sur une nouvelle intervention des autorités nippones pour soutenir leur devise.
En franchissant de nouveau le palier des 160 yens pour un dollar pour tomber encore plus bas, la devise nippone évolue à des niveaux similaires à ceux qui avaient engendré les précédentes interventions de Tokyo sur le marché des changes fin avril et début mai.
La monnaie japonaise a au passage atteint des tréfonds plus vus depuis décembre 1986 et l’éclatement de la bulle spéculative immobilière et financière au Japon, à 160,82 yens pour un dollar (vers 15H35 GMT).
Après une première série d’interventions aux effets limités, certains acteurs du marché «se demandent si les autorités japonaises tenteront d’endiguer la faiblesse du yen en intervenant (de nouveau, ndlr) directement sur le marché des changes», relève Kathleen Brooks, analyste chez XTB.
Face à ces niveaux critiques, le vice-ministre japonais des Finances Masato Kanda s’est dit mercredi «sérieusement préoccupé par le récent affaiblissement rapide du yen», assurant «surveiller de près les tendances du marché avec un sentiment d’urgence élevé», rapporte l’agence Bloomberg.
Rumeurs d’intervention
«Nous sommes prêts à prendre des mesures appropriées n’importe quand en cas de fluctuations excessives basées sur de la spéculation», avait déjà prévenu lundi M. Kanda.
Fin mai, le ministère des Finances avait révélé que le Japon avait débloqué environ 62 milliards de dollars entre fin avril et fin mai pour soutenir sa devise.
Selon les observateurs, les autorités japonaises avaient agi le 29 avril lorsque le dollar a atteint 160,17 yens, un plus bas face au dollar depuis 1990, puis de nouveau le 2 mai.
A ce stade, «il est possible que les cambistes s’efforcent de faire baisser le yen afin de tester la détermination des autorités japonaises», estime David Morrison, analyste chez Trade Nation.
Certains investisseurs estiment en effet que le prochain palier suscitant une intervention japonaise pourrait s’établir à 165 yens pour un dollar, et non pas à 160 yens comme précédemment.
C’est l’avis de Kathleen Brooks, d’XTB, selon qui «si le ministère japonais des Finances considère l’intervention sur le marché des changes comme un gaspillage d’argent», qui n’a pas réussi à relever le cours de la devise, «il pourrait alors laisser le yen continuer de s’affaiblir et confier à la Banque du Japon (BoJ) le soin de stimuler le yen en resserrant sa politique monétaire» lors sa prochaine réunion fin juillet.
Grand écart de taux
Le yen reste fragilisé par la politique monétaire accommodante de la Banque du Japon (BoJ), qui n’a mis fin qu’en mars aux taux négatifs qu’elle pratiquait depuis 2016, à rebours des autres banques centrales qui relèvent les leurs depuis deux ans face à l’inflation.
Lors de sa dernière réunion de juin, l’institution monétaire a maintenu son taux d’intérêt de court terme entre 0% et 0,1%, mais annoncé qu’elle allait réduire ses achats massifs d’obligations publiques japonaises, une nouvelle étape de la normalisation très progressive de sa politique monétaire.
Avant tout changement drastique de sa politique monétaire qui pourrait pénaliser la dynamique de hausse des prix, la BoJ cherche cependant à générer une inflation stable de 2% tirée par la demande, grâce à des hausses de salaires et à un renforcement de la consommation intérieure.
Si l’inflation au Japon a accéléré en mai à 2,5% sur un an hors produits frais, elle a été légèrement inférieure aux attentes, et, en excluant l’énergie, marque un neuvième mois consécutif de ralentissement, ce qui ne joue pas forcément en la faveur d’un nouveau relèvement des taux de la BoJ, jugent les analystes.
Le billet vert est privilégié par les investisseurs «face aux devises dont la banque centrale est plus accommodante ou dont les taux d’intérêt sont nettement inférieurs à ceux des États-Unis» comme c’est le cas pour le yen, résume Fawad Razaqzada, analyste chez City Index.
Des taux d’intérêt plus élevés sont plus rémunérateurs pour les investisseurs. Et le grand écart entre les Etats-Unis et le Japon risque encore de s’accentuer.
A l’heure actuelle, le dollar bénéficie en outre d’une dynamique positive grâce aux incertitudes sur l’évolution de l’inflation aux Etats-Unis, la possibilité d’une nouvelle hausse de taux d’intérêt américains cette année n’étant pas écartée par la Réserve fédérale.
Mercredi vers 15H35 GMT (17H35 à Paris), la devise nipponne perdait 0,69% face au billet vert, à 160,82 yens pour un dollar.