La BCE prend-elle un risque inutile?

Axel Botte, Ostrum AM

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La BCE abaisse son taux de dépôt à 3,75%. La hausse de ses prévisions d’inflation ravive l’incertitude sur sa politique.

© Keystone

La Banque Centrale Européenne (BCE) a procédé à une première baisse des taux de 25pb la semaine passée. Ce mouvement télégraphié depuis plusieurs semaines par les Banquiers centraux semble pourtant à contre- courant des données indiquant une embellie économique en zone euro et des prévisions d’inflation de l’institution pour 2025. Aux États-Unis, le FOMC devra composer avec l’inertie des prix et les premiers signes d’affaiblissement du marché du travail. La Banque du Canada a pris les devants en abaissant son taux de 25pb. Dans ce contexte, la volatilité reste significative sur les marchés de taux. Le Bund oscille autour de 2,50%, alors que le T-note est revenu de 4,62% fin mai à 4,30% actuellement. Les spreads restent en revanche sans direction, tant dans la sphère souveraine que sur les dettes d’entreprise. Les actions saluent l’action des Banques centrales. Le calendrier électoral (Mexique, Afrique du Sud) engendre une volatilité élevée sur les devises émergentes. 

La baisse des taux de 25pb en juin semble, avec le recul, incompatible avec les données.

BCE et Fed face à une inflation persistante 

Christine Lagarde avait un exercice de communication difficile à réaliser. La baisse des taux de 25pb en juin semble, avec le recul, incompatible avec les données. L’inflation est remontée à 2,6% en mai. Les prévisions de la BCE sont aussi revues en hausse à 2,2% pour 2025. Les pressions salariales (+5,1% au premier trimestre) vont en effet alimenter une accélération de la demande au second semestre, ce qui devrait alerter les banquiers centraux quant aux risques internes d’instabilité des prix. En outre, l’action de la Fed ne pourra être ignorée. Les créations d’emplois restent solides selon l’enquête auprès des entreprises (+272k en mai dont +229k dans le secteur privé). Le taux de chômage poursuit, toutefois, sa hausse régulière à 4% (mai) et d’autres enquêtes (QCEW, ADP) décrivent une situation moins favorable que les données du Bureau of Labor Statistics. À l’instar de la zone euro, le taux de salaire horaire remonte à 4,1% sur un an. Au Canada, l’emploi et les salaires jettent aussi un froid. 

La volatilité financière reste concentrée sur les taux. Le rendement du T-note est tombé sous 4,30%, avant un sursaut de plus de 10pb après la statistique d’emploi qui tempère les anticipations de ralentissement et de baisses de taux associées. Cela retarde le réemploi des quelque 5’500 milliards de dollars parqués dans les fonds monétaires américains. Néanmoins, le biais de la Fed restera accommodant, de sorte qu’un retour vers 5% sur le 10 ans semble improbable. Le Bund semble plus vulnérable à un éventuel faux départ du cycle monétaire. L’emprunt allemand renoue avec le niveau de 2,60%. Le swap spread se resserre (26pb à 10 ans). Le crédit comme les spreads souverains ignorent encore la volatilité des taux sans risque. Le crédit européen de bonne qualité s’échange à 79pb contre swap. Le high yield (308pb) est aussi stable, malgré des valorisations tendues au regard des métriques historiques. Le spread de crédit compense l’inversion délétère des courbes de taux. La classe d’actifs continue d’attirer les flux selon JP Morgan.

Les actions s’inscrivent en hausse d’environ 1,5% aux États-Unis dans le sillage de Nvidia qui capitalise désormais 3’000 milliards de dollars. La technologie américaine s’adjuge 3,6% sur la semaine. Les ventes de TSMC profitent aussi au secteur, y compris en Europe. Le repli du pétrole s’atténue en fin de semaine, mais pénalise le secteur de l’énergie. Les bancaires évoluent en lien étroit avec les taux longs.

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