L’obligataire ne devrait pas être un soutien pour les actions US sur les prochains mois

François Savary

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Les bénéfices américains et également européens semblent en mesure de prendre le relais pour limiter un repli éventuel des cours.

Qu’on le veuille ou non, les marchés actions restent sous l’influence des développements obligataires depuis quelques mois. Certes, d’autres facteurs – à commencer par une saison des bénéfices de bonne qualité d’une manière générale – ont impacté les bourses au cours des dernières semaines; ainsi, la capacité renouvelée des actions américaines à établir de nouveaux plus hauts historiques sur la première quinzaine de mai est incontestablement le résultat, au moins pour partie, des bons résultats des sociétés.

Pour autant, il ne faut pas minorer l’impact des marchés obligataires sur l’évolution des actions au cours des quatre dernières semaines. Loin de là! Ce constat semble valable aussi bien pour expliquer la phase haussière des dernières semaines que celle plus compliquée de la seconde partie de mai. En effet, les déclarations de J. Powell à l’issue de la dernière réunion de la Fed sur l’absence de volonté de relever les taux dans les circonstances actuelles a contribué à favoriser une «relief rally» sur les bourses (ce qui peut au demeurant paraître excessif car le caractère restrictif de la politique monétaire demeure entier!) et la tension sur les rendements obligataires depuis une dizaine de jours a nourri le récent repli des cours boursiers.

La faute à l’inflation me direz-vous! Ce n’est pas certain au regard des publications sur les dernières données de prix, qui ont au moins eu le mérite de mettre un terme à un trimestre de déception sur ce front.

Les investisseurs ne semblent pas presser d’accumuler de la dette de l’Oncle Sam.

Au demeurant, la publication des chiffres de la mesure d’inflation préférée de la Fed aujourd’hui nous permettra de voir si cette évolution se confirme. Dans le contexte obligataire actuel, il y a fort à parier qu’une déception sur le front de l’indice des prix PCE serait de nature à rapidement ramener les rendements américains à 10 ans sur les plus hauts de l’année.

Si l’on considère que l’inflation n’est pas le facteur déterminant des mouvements erratiques sur les taux d’intérêt, spécialement dans la phase de tension récente, il faut trouver une explication ailleurs. La plus communément évoquée est celle des mauvaises conditions qui ont prévalu sur le marché des nouvelles émissions obligataires étatiques outre-Atlantique.

Les investisseurs ne semblent pas presser d’accumuler de la dette de l’Oncle Sam, dans un contexte où ils semblent «redécouvrir» l’importante faiblesse que constitue le déficit budgétaire «abyssal» des Etats-Unis.

A cet égard, nous avons tous noté les propos récents de Bill Gross sur les dangers que fait peser une réélection de D. Trump sur les finances publiques américaines (sans que l’on doive pour autant accorder un grand satisfecit sur ce front à l’administration Biden). Les propos du «pape de l’obligataire» ont certainement représenté une piqûre de rappel bienvenu au sein de la communauté financière. Ce qui serait encore mieux c’est que les hommes politiques américains prennent conscience de la nécessité de trouver des solutions durables à cette question, mais là…il ne faut guère se faire d’illusion.

D’une manière plus générale, qui dit que la question des déficits revient sur le devant de la scène implique peut-être que celle de l’élection présidentielle (incertaine) de novembre est (enfin?) en train de faire son entrée sur la scène des marchés financiers par le biais des actifs à revenus fixes.

Si tel est le cas, il y a fort à parier que ce phénomène ne devrait pas quitter l’esprit des opérateurs au cours des prochains mois, d’autant plus si les attentes de plus en plus affirmées des membres de la Fed sur de lents progrès vers l’objectif d’inflation de l’organe monétaire au cours des prochains trimestres se confirment.

Dans un tel contexte, on voit mal comment les objectifs de 4% de certains sur les rendements à dix ans US pourraient se réaliser d’ici la fin de l’année. A moins que la tension sur les rendements réels des derniers mois ne finisse par impacter fortement la croissance américaine? A cet égard, si certaines statistiques et le récent rapport Beige Book laissent entrevoir une modération de la croissance, rien n’indique qu’un effondrement est en cours. Au demeurant, nous ne sommes pas persuadés que la chute de l’activité US serait de nature à calmer le marché obligataire, puisque les interrogations sur le caractère «insoutenable» des finances publiques serait loin de s’en trouver réduites (et c’est un euphémisme)!

D’où que l’on appréhende la question, soit de celui d’une Réserve fédérale qui semble résolue à ne pas abaisser ses taux de manière intempestive, soit du côté de l’inflation qui semble (au mieux) sur le sentier d’une amélioration lente ou encore des finances publiques, tout laisse à penser que le marché obligataire américain ne devrait pas être un soutien à une progression complémentaire des bourses au cours de la période estivale.

Est-ce une raison de réduire son exposition en actions? A priori non, car une consolidation des gains des neufs derniers mois ne serait pas une mauvaise chose, d’autant plus que les bénéfices américains et également européens semblent en mesure de prendre le relais pour limiter un repli éventuel des cours boursier au cours des prochains mois. 

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