Un projet fiscal 17 acceptable

Denis Boivin, BDO

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Les mesures adoptées par le Conseil des Etats le 7 juin 2018 représentent un paquet global équilibré, apte à maintenir l'attractivité fiscale de la Suisse.

 

Les mesures adoptées par le Conseil des Etats le 7 juin 2018 représentent un paquet global équilibré, apte à maintenir l'attractivité fiscale de la Suisse. Les cantons conservent des prérogatives pour réagir à ces modifications fiscales.

L'abrogation des règles pour les sociétés à statuts fiscaux cantonaux n'a pas été contestée par le Conseil des Etats. Est-ce que la Suisse continuera à rester attractive pour les entreprises étrangères, sans que les compensations pour l'abrogation des statuts ne se réalisent à l'encontre de l'économie locale? Sous l'angle de la technique fiscale, l'exercice semble réussi.

Le Conseil des Etats propose un dispositif global constitué des quatre éléments principaux suivants. Outre les mesures de compensation sociale dans l'AVS, il s'agit de l'imposition partielle des dividendes, de l'adaptation du principe de l'apport de capital et de la déduction pour autofinancement.

Le bénéfice net provenant de brevets et de droits comparables
est pris en compte dans le calcul du bénéfice net imposable.
Paquet équilibré

Le Conseil des Etats a approuvé la mise en place de la Patent Box et des déductions additionnelles pour la recherche et le développement. Ces deux instruments fiscaux ne sont applicables qu'à l'échelon cantonal. Concrètement, à la demande du contribuable, le bénéfice net provenant de brevets et de droits comparables est pris en compte dans le calcul du bénéfice net imposable en proportion des dépenses de recherche et de développement éligibles par rapport aux dépenses totales de recherche et de développement par brevets ou droits comparables. Avec une réduction de 90%. Les cantons peuvent prévoir une réduction moindre. Sur demande également, les cantons peuvent autoriser la déduction des dépenses de recherche et de développement que le contribuable a engagées en Suisse directement ou par l'intermédiaire de tiers, à raison d'un montant dépassant de 50% au plus les dépenses de recherche et de développement justifiées par l'usage commercial. Beaucoup de PME en Suisse sont fortement ancrées dans la recherche et le développement. Elles vont ainsi retirer des avantages de cette nouvelle déduction.

Du fait que ces deux instruments fiscaux ne sont pas idéaux pour tous les cantons en matière d'optimisation fiscale et que tous les cantons ne peuvent se permettre de baisser de manière attractive leur taux d'impôt sur le bénéfice, le Conseil des Etats a ajouté une déduction pour autofinancement. Les cantons sont libres de l'introduire. Celle-ci ne peut toutefois être mise en place que pour autant que dans le chef-lieu du canton le taux cumulé de l'impôt du canton, de la commune et d'éventuelles autres corporations publiques comme les églises se monte à 13,5% au moins pour l'ensemble du barème. Le taux cumulé de l'impôt de 13,5% et le taux de l'impôt fédéral de 8,5% correspondent à une charge fiscale statutaire de 22% et donc à une charge fiscale effective de 18,03%. Concrètement et selon les informations fournies par l'AFC, seul le canton de Zurich devrait qualifier pour une telle déduction. Cette déduction correspond aux intérêts notionnels sur le capital propre de sécurité. Le taux des intérêts notionnels sur le capital propre de sécurité se fonde sur les rendements des obligations de la Confédération sur 10 ans.

Flexibilité cantonale garantie

Les déductions précitées peuvent être cumulées. La réduction fiscale totale fondée sur la Patent Box, sur les déductions supplémentaires pour la recherche et le développement et sur la déduction pour autofinancement ne doit pas dépasser 70% du bénéfice imposable avant compensation des pertes et avant déduction des réductions effectuées. Les cantons peuvent prévoir une réduction moindre. Ils peuvent ainsi réagir de manière flexible en tenant compte des spécificités de leur système fiscal.

La part des cantons à l'impôt fédéral direct
est relevée de 17% à 21,2%.

L'imposition partielle des dividendes a fait l'objet d'une discussion nourrie au Parlement. Conformément à la réglementation en vigueur, les dividendes sont imposés partiellement, pour autant que les droits de participation correspondent à 10% au moins du capital-actions ou du capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative. Le Conseil fédéral avait proposé, comme contre mesure pour le financement du PF17, que l'imposition partielle des dividendes pour les personnes physiques soit augmentée à 70% pour les participations qualifiées, tant au niveau fédéral que cantonal. Une augmentation significative par rapport au régime actuel, introduit il n'y a pas si longtemps par la réforme de l'imposition des entreprises II. Cette proposition pourrait entraîner des conséquences négatives en particulier pour les PME familiales détenues par quelques actionnaires seulement. Le Conseil des Etats a dès lors décidé, au niveau cantonal, de prévoir une imposition partielle à hauteur de 50% au lieu de 70%. Les cantons peuvent néanmoins prévoir une augmentation plus importante et conservent ainsi un instrument important de la concurrence fiscale dans leurs mains.

La part des cantons à l'impôt fédéral direct est relevée de 17% à 21,2%, ce qui amène un peu plus de marge de manœuvre financière aux cantons qui décideront de procéder à une baisse de leur fiscalité des entreprises pour rester compétitifs.

Correctif pour les entreprises cotées en bourse

Un compromis acceptable a été trouvé sur le principe de l'apport de capital (PAC). Le Conseil des Etats a ainsi introduit un correctif pour les entreprises cotées. Concrètement, celles-ci ne pourront procéder à des remboursements francs d'impôt de réserves issues d'apport de capital (RAC) que si elles distribuent des dividendes imposables pour un montant équivalent (règlementation en matière de remboursement). En cas de rachat de leurs propres actions, les sociétés doivent dissoudre autant de RAC que de réserves issues du bénéfice (règlementation en matière de liquidation partielle). Afin d'éviter qu'après l'entrée en vigueur de ces réglementations, des RAC puissent être converties en capital nominal en exonération d'impôt pour être ensuite remboursées en exonération d'impôt également, la nouvelle règle s'appliquera par analogie à l'émission d'actions gratuites et aux augmentations gratuites de la valeur nominale provenant de RAC.

Encore un dernier obstacle

Avec les autres mesures fiscales, comme l'adaptation de l'impôt sur le capital, la déclaration des réserves latentes, l'adaptation de la transposition et l'extension de l'imputation forfaitaire, le Conseil des Etats a ficelé un paquet global acceptable, que cela soit pour les entreprises étrangères ou locales. Les cantons conservent une marge de manœuvre importante pour mettre en place leurs propres réformes fiscales.

Quelques détails en lien avec le principe de l'apport de capital et l'imposition des dividendes feront l'objet de tractations au sein du Conseil national, qui délibérera sur le PF17 lors de la session d'automne 2018. Mais le chemin vers la réalisation de règles fiscales acceptables pour notre économie locale et pour l'UE semble bien tracé.