Retraites: le Conseil des Etats empoigne la nouvelle réforme de l’AVS

AWP

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Le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et ses conditions sont au coeur du projet.

L’AVS aura besoin de 26 milliards d’ici 2030 pour assurer son équilibre financier. Le Conseil des Etats empoigne lundi la réforme nécessaire pour stabiliser le premier pilier. Le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et ses conditions sont au coeur du projet.

Depuis 2014, les recettes et dépenses de l’AVS sont en déséquilibre. La nécessité d’un financement additionnel afin que l’assurance puisse couvrir ses dépenses jusqu’en 2030 n’est pas contestée. Mais les avis divergent sur son ampleur. Depuis la dixième révision de l’AVS dans les années 1990, aucun projet n’a convaincu le peuple.

Dernier échec en date, le rejet en 2017 de la réforme conjointe des premier et deuxième pilier (PV 2020). Pour la deuxième fois, le peuple refusait alors un relèvement de l’âge de la retraite des femmes.

Sur le plan financier, la réforme de l’imposition des entreprises couplée au financement de l’AVS, acceptée par le peuple en 2019, permettra au premier pilier de souffler pendant un moment. Elle apporte depuis cette année 2 milliards par an au fonds AVS.

Mais d’autres mesures seront nécessaires pour répondre aux menaces de déficits qui pèsent sur l’assurance. Le projet sur la table prévoit la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Cette mesure devrait rapporter 10 milliards d’ici 2030.

Compensations controversées

Le peuple ayant déjà dit non deux fois à ce relèvement, le Conseil fédéral compte faire passer la pilule avec des mesures de compensation pour les femmes nées entre 1959 et 1967 si la réforme entre en vigueur en 2022 comme il le souhaite.

Le débat au Conseil des Etats, premier conseil à s’emparer du dossier, s’annonce déjà chaud entre la droite et la gauche. La commission compétente de la Chambre des cantons a notamment décidé de serrer la vis pour ces femmes. Seules les six premières cohortes, contre les neuf préconisées par le gouvernement, obtiendraient des compensations.

Le coût des mesures passerait ainsi de 700 à 440 millions de francs en 2030. Pas moins de six minorités ont été déposées sur ce point. Deux visent à aménager plus généreusement le modèle du Conseil fédéral, pour des coûts respectifs de 1,38 milliard et 2,65 milliards de francs.

Trois autres proposent d’octroyer aux femmes de la génération transitoire un supplément à la rente. En fonction du moment du départ à la retraite, ce dernier augmenterait, avant de se stabiliser puis de diminuer à nouveau. Ces modèles «en trapèze» impliqueraient des coûts respectifs de 430, 700 et 2600 millions de francs.

La dernière minorité souhaite combiner une perception anticipée facilitée de la rente et un supplément à la rente. Le coût de ces mesures s’élèverait à 600 millions de francs.

Seuil relevé

Par 9 voix contre 4, la commission a encore décidé que les femmes ne pourraient prendre une retraite anticipée qu’à partir de 63 ans. Le Conseil fédéral proposait de fixer le seuil à 62 ans. Si quelqu’un a gagné moins de 56’880 francs par an, la réduction en cas de perception anticipée de la rente doit en outre être de 40% moindre par rapport à ce qui serait adéquat du point de vue actuariel.

La commission propose encore, par 6 voix contre 3 et 4 abstentions, que le plafond pour les rentes des couples soit relevé de 150 à 155% de la rente maximale. Il s’agit d’atténuer une inégalité de traitement, selon elle. Les coûts correspondants s’élèvent à 650 millions de francs.

Financement par la TVA

Dans le projet porté par Alain Berset, la TVA devrait augmenter de 0,7 point, à 8,4%. Cette mesure apporterait 2,4 milliards au fonds AVS chaque année, soit 21 milliards pour la période 2022-2030.

La commission du Conseil des Etats propose une procédure échelonnée. Le taux normal serait relevé de 0,3% dans un premier temps, puis de 0,4% supplémentaire si le fonds de compensation AVS devait tomber en dessous du seuil correspondant à 90% du montant des dépenses annuelles.

Par 9 voix contre 4, la commission veut aussi lier la hausse de la TVA à la hausse de l’âge de la retraite des femmes. Il faudrait que les deux points soient acceptés lors d’une probable votation populaire. Le relèvement à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes ne se ferait que si l’augmentation de la TVA est acceptée et vice-versa.

La réforme du 1er pilier doit encore permettre à tout le monde de partir à la retraite de manière flexible entre 62 et 70 ans. La population sera toutefois incitée à travailler au-delà de 65 ans: les petits revenus continueraient d’être exonérés de cotisations (franchise mensuelle de 1400 francs) et les cotisations versées après 65 ans permettront d’améliorer la rente.

 

Retraites des femmes: plus de 300’000 signatures au Conseil des Etats

L’appel «Pas touche aux rentes des femmes» a été remis lundi au Conseil des Etats quelques heures avant le débat parlementaire sur la réforme AVS21. Signé par plus de 300’000 personnes, il demande notamment de s’opposer au relèvement de l’âge de la retraite des femmes.

Aujourd’hui encore, les femmes touchent un tiers de moins de rente vieillesse que les hommes, indique l’Union syndicale suisse à l’origine de cet appel. Or la révision AVS21 du Conseil fédéral prévoit de relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans moyennant des compensations. Mais la commission du Conseil des Etats a durci les conditions.

Ces propositions ont suscité une vague d’indignation, indique l’USS. Signe du mécontentement, les 314’187 signatures ont été récoltées en ligne en moins d’une semaine. Pas question que les femmes doivent porter le poids de l’assainissement de l’AVS.

Une retraite AVS digne pour les femmes était l’une des revendications phares de la grève en 2019. Une réforme qui ignore leurs conditions de vie n’a aucune chance. «Celui qui a travaillé toute sa vie mérite une rente qui lui suffise pour vivre. Cela vaut aussi pour elles ce qui n’est pas encore le cas», a déclaré Vania Aleva, présidente de l’USS.

La lettre ouverte aux sénateurs demande de corriger les péjorations apportées au projet de réforme et de garantir enfin aux femmes une meilleure sécurité pour leurs vieux jours. La révision ne doit pas seulement améliorer la situation des couples mariés.

La pauvreté des personnes âgées est souvent féminine, a rappelé Mattea Meyer, co-présidente du PS. «Nous avons besoin de meilleures rentes et non d’un démantèlement». «La politique n’a jusqu’à présent pas entendu les appels des femmes. Maintenant, ce signal ne peut plus être ignoré», a ajouté la conseillère aux Etats Lisa Mazzone (Verts/GE).

Dans son préavis, la commission de la Chambre des cantons a décidé de serrer la vis pour les femmes. Seules les six premières cohortes, contre les neuf préconisées par le gouvernement, obtiendraient des compensations. En outre, les femmes ne pourraient prendre une retraite anticipée qu’à partir de 63 ans. Le Conseil fédéral propose de fixer le seuil à 62 ans.

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