LSFin: des starting-blocks à la date butoir, deux très courtes années

Frédérique Bensahel, FBT Avocats

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Les professionnels devront assimiler, implémenter et documenter les obligations nouvelles qui leur sont imposées.

Alors que les premières modifications de la Loi sur les services financiers (LSFin) seront vraisemblablement adoptées avant la fin de l’année et que l’Ordonnance sur les services financiers va être amendée pour la seconde fois, le délai d’implémentation de la LSFin s’écoule inexorablement.

Les prestataires de services financiers doivent mettre à profit les quelques six mois restants de la période transitoire pour implémenter la nouvelle loi. Dans ce délai, les professionnels devront assimiler, implémenter et documenter les obligations nouvelles qui leur sont imposées et adapter par ailleurs leur organisation, y compris leurs rapports avec des prestataires tiers.

Si les associations professionnelles et des sociétés spécialisées peuvent accompagner dans cet effort les gérants de fortune indépendants et les établissements financiers plus importants, l’expérience montre que l’adoption des nouvelles règles est coûteuse en temps pour la direction des établissements (management time), quelle que soit la qualité de l’accompagnement choisi.  

Le chantier doit être lancé avant le début de l’été pour arriver à bout de l’implémentation des règles nouvellement applicables avant la date butoir de la fin de l’année. A cet égard, il est vraisemblable, compte tenu du long délai transitoire octroyé à l’industrie – et en dépit des conséquences du COVID sur l’organisation des prestaires –, qu’aucune marge de tolérance ne sera accordée par la Finma aux auditeurs prudentiels dont les audits portant sur le respect de la LSFin seront effectués au plus tard en 2023 pour l’exercice 2022.

Le professionnel qui ne respecterait pas ces nouvelles règles court le risque de se voir refuser l’autorisation de la Finma exigée par la LEFin le moment venu.

Pour ceux des établissements financiers qui n’ont pas encore mis l’ouvrage sur le métier, la recommandation la plus pragmatique voudrait qu’ils suivent l’ordre du texte légal, soit qu’ils débutent avant toute chose par la catégorisation de leur clientèle avant d’implémenter les règles de comportement. Si le législateur leur donne la possibilité de s’épargner un échange supplémentaire avec les clients dans l’hypothèse où ils catégorisent tous leurs clients comme des clients privés, les conséquences d’une telle catégorisation, en particulier sur le choix des produits et des stratégies de placement, les conduira dans l’immense majorité des cas à procéder à un réel exercice de catégorisation. Cela leur permettra de bénéficier des allégements réglementaires dans les relations avec ceux de leurs clients qui remplissent les conditions de la qualification de clients professionnels ou de clients institutionnels.

Après un débat parlementaire très technique sur la nature des règles de comportement dorénavant imposées par le droit prudentiel, notre Parlement leur a conféré un certain effet sur les relations de droit privé entre le prestataire de services financiers et son client. En d’autres termes, outre les conséquences réglementaires du non-respect des règles de comportement, leur violation peut inciter le juge à y voir un défaut de diligence du professionnel à l’égard de l’investisseur. Par ailleurs, le législateur leur associe des sanctions pénales lorsque le prestataire n’est pas soumis à une surveillance prudentielle. En dernier lieu, le professionnel qui ne respecterait pas ces nouvelles règles court le risque de se voir refuser l’autorisation de la Finma exigée par la Loi sur les établissements financiers (LEFin) le moment venu. L’importance des règles de comportement commande donc que les prestataires de services financiers s’assurent de leur respect par ceux qu’elles visent, soit les individus qui entretiennent des relations directes avec les clients ou qui exécutent des ordres. Là également, le marché s’organise et l’offre de solutions de formation, en présentiel, en distanciel ou digitales, est déjà fournie. Tant les associations professionnelles et les organismes de surveillance que certaines sociétés privées offrent d’ores et déjà des solutions convaincantes à des coûts modérés.  

Les conséquences liées au non-respect de LSFin couvrent un large spectre.

La LSFin intervient encore dans la relation documentaire entre le prestataire de services financiers et le client. En plus de l’obligation d’adresser au client un certain nombre d’informations dont la communication peut se faire sous une forme standardisée, le prestataire est soumis à des contraintes en termes de conservation et mise à disposition de documents aux clients qui les demandent. Dans certains cas, les mandats de gestion de fortune et de conseil en placement devront par ailleurs faire l’objet d’une mise à niveau – les règles prudentielles codifiant par certains aspects une jurisprudence civile bien établie mais souvent ignorée – et la perception de rétrocessions devra faire l’objet d’un consentement éclairé du client, même dans les relations execution only.

Enfin, et c’est souvent là que le bât blesse, il ne suffit pas aux prestataires de comprendre les règles et de les respecter, encore faut-il qu’ils s’organisent aux fins de pouvoir s’y conformer sur le long terme et qu’ils documentent cette organisation dans des prescriptions internes. Dans le domaine, one size does not fit all et chaque prestataire doit s’organiser et documenter son organisation en fonction des produits et services qu’il propose, de la taille de son organisation et de la clientèle à laquelle il s’adresse.

En dernier lieu, si l’offre d’instruments financiers – et notamment la distribution des fonds de placements – s’est par certains égards libéralisée, de nouvelles règles s’imposent en cas de publicité et d’offre d’instruments financiers avec, en définitive, des règles certes moins contraignantes mais portant sur tous les instruments financiers.

Conséquences réglementaires, incidence sur la capacité à obtenir une autorisation sous la LEFin, sanctions pénales dans certains cas et impact sur la relation prestataire-client, les conséquences liées au non-respect de LSFin couvrent un large spectre. L’implémentation est à la portée de ceux qui y investiront le temps nécessaire. 

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