Ces dernières années, l’attention accrue portée à l’investissement durable a conduit la communauté des investisseurs à rechercher des données ESG plus complètes, fiables et comparables. Pour évaluer une entreprise sous l’angle de la durabilité, un certain niveau de transparence («disclosures») est essentiel. Faute de quoi, les investisseurs doivent recourir à des approximations ou des estimations - souvent inadéquates – faites par des tiers.
Heureusement, la réglementation en matière de disclosures ESG progresse, notamment dans l’Union européenne (UE), leader en la matière. Cependant, face à l’évolution politique et à une opposition croissante à la réglementation, ces exigences risquent d’être diluées ou reportées.
Depuis 2014, l’UE a renforcé la transparence des entreprises sur les enjeux environnementaux, sociaux et liés au personnel, avec la directive sur l’information non financière (Non-Financial Reporting Directive - NFRD) puis, en 2022, la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive - CSRD). Les premières déclarations en matière de durabilité sont attendues pour l’exercice 2024.
Aux Etats-Unis, les entreprises risquent de n’être soumises à aucune exigence de reporting ESG.
Toutefois, des retards semblent se profiler. Le gouvernement allemand, soutenu par une large coalition politique, propose un report de deux ans de la mise en œuvre de la CSRD, ainsi qu’une augmentation des seuils de conformité: chiffre d’affaires minimum porté de 50 à 450 millions d’euros et effectif de 250 à 1000 employés. La réduction du nombre des indicateurs à communiquer et la suppression d’obligations de reporting lié à la taxonomie, comme le ratio d’actifs verts pour les institutions financières, figurent aussi dans cette proposition. Ces ajustements limiteraient considérablement le nombre d’entreprises concernées et assoupliraient les exigences pour celles encore visées.
Cette remise en question dépasse la CSRD. L’ambition de la directive sur le devoir de diligence des entreprises (Directive on Corporate Sustainability Due Diligence - CSDDD), visant à promouvoir des comportements responsables dans les chaînes d’approvisionnement, a également été réduite sous la pression de l’Allemagne, de l’Italie et, plus récemment, de la France.
Aux Etats-Unis, les entreprises risquent de n’être soumises à aucune exigence de reporting ESG. Bien que la SEC ait approuvé des règles de disclosure climatique en mars 2024, elles ont été édulcorées pour exclure le reporting des émissions de scope 3. Les grandes entreprises n’y seront tenues qu’en 2026, et les petites en 2028. Malgré ce faible niveau d’exigence, des recours juridiques ont suspendu leur mise en œuvre. Vingt-cinq Etats contestent l’autorité de la SEC en la matière. Même si la SEC s’engage à défendre ces règles, leur avenir reste incertain, notamment sous une administration américaine opposée à l’intégration des critères ESG.
En revanche, d’autres régions progressent. La Chine a annoncé de nouvelles lignes directrices applicables dès 2025 aux entreprises publiques et aux secteurs fortement polluants. Cela marque une amélioration bienvenue, car les données ESG chinoises étaient jusqu’ici médiocres. Au Japon, des règles similaires ont été adoptées en 2023, tandis que le Canada et d’autres marchés suivent les normes mondiales de l’International Sustainability Standards Board de l’IFRS Foundation.
Pour les entreprises, la collecte des données ESG reste un défi: complexité, coûts, multiplicité des normes. Bien que nous comprenions leurs difficultés, la transparence en la matière est cruciale pour permettre aux investisseurs d’évaluer les risques liés au développement durable et la compétitivité des entreprises. En tant qu’investisseurs, nous devons disposer de ces données pour prendre des décisions éclairées en matière d’investissement durable.
Nous espérons que les gouvernements continueront à avancer sur ce sujet, en résistant aux pressions visant à diluer ou reporter ces réglementations essentielles.