Accord-cadre: le Conseil fédéral a manqué de leadership

AWP

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C’est une chance manquée de discuter sur un pied d’égalité avec Bruxelles d’un tel accord. La suite des événements est incertaine.

Le Conseil fédéral a rompu mercredi les négociations avec l’UE sur l’accord-cadre. C’est une chance manquée de discuter sur un pied d’égalité avec Bruxelles d’un tel accord. La suite des événements est incertaine.

L’Union européenne n’acceptera pas sans autres cette rupture - bien au contraire. Elle poursuivra, voire accentuera, sa politique des petites piques.

La dernière victime de cette politique a été l’industrie suisse de la technologie médicale, qui a perdu mercredi son libre accès au marché intérieur de l’UE. Bruxelles n’a pas pris en compte l’appel de la «medtech» allemande, qui avait mis en garde contre «des conséquences négatives sur les soins aux patients». Cela montre la gravité de la situation.

Une érosion de la voie bilatérale semble inévitable - et avec elle l’incertitude juridique dans certains secteurs. Il n’est pas exclu que cela ait un impact sur les décisions d’investissement des entreprises.

Otage du Brexit

Le gouvernement est conscient que sa décision aura des conséquences négatives sur l’économie helvétique. Il a annoncé des mesures unilatérales visant à maintenir la compétitivité et l’attractivité de la place économique suisse.

Le Conseil fédéral aurait en fait dû venir devant la presse avec un paquet de mesures. Même si celles-ci n’étaient pas urgentes, le gouvernement aurait ainsi créé de la confiance et fait preuve de leadership.

C’est ce qui lui a souvent manqué par le passé: la Confédération aurait par exemple eu suffisamment de temps pour conclure un accord-cadre avant la phase «chaude» des négociations du Brexit. Mais la volonté faisait défaut. En conséquence, la Suisse s’est retrouvée «otage» des négociations entre Bruxelles et Londres.

Clarifier rapidement les points ouverts

Il aurait aussi été possible de clarifier rapidement les trois points ouverts début 2018, si le Conseil fédéral avait fait preuve de plus de volonté et de leadership. Dans un tel cas, l’UE aurait dû accepter un échec de l’accord-cadre devant le Parlement ou le peuple. Car il s’agit d’un processus démocratique - un principe auquel Bruxelles accorde une forte importance.

Mais le Conseil fédéral a préféré discuter avec les partenaires sociaux, ce qui n’a abouti à aucun résultat et qui a même conduit à un conflit. L’Union européenne a en effet interprété cette attitude comme une réticence du gouvernement helvétique à conclure l’accord-cadre.

La Confédération va maintenant devoir vivre avec les conséquences de la rupture des négociations. Si tout se passe bien, cette décision apparaîtra peut-être rétrospectivement sage.

Mais si la Suisse est contrainte à frapper à la porte de l’UE parce qu’elle ne s’en sort pas sans accord-cadre, elle semblera quémander des faveurs de Bruxelles. Ce qui n’est pas une bonne position de départ pour défendre ses intérêts dans une négociation.

 

Accord-cadre: la Suisse n’a aucun atout en main face à l’UE
Suite au «non» du Conseil fédéral à l’accord-cadre, la professeure de droit européen à l’Université de Bâle Christa Tobler ne voit pas d’atout que la Suisse pourrait faire valoir face à l’UE «pour le moment». Elle estime que le gouvernement n’aurait pas dû prendre cette décision seul.
«A mes yeux, il aurait été préférable d’impliquer le Parlement et, le cas échéant, le peuple pour une décision aussi capitale», a-t-elle indiqué à l’agence de presse Keystone-ATS.
Avec cette décision, la voie bilatérale ne peut plus être poursuivie comme avant car l’UE, en tant que partie contractante, n’est pas prête à le faire, estime Mme Tobler. Et d’ajouter que le prix à payer pour le rejet de l’accord-cadre dépendra maintenant de l’UE, mais la capacité de la Suisse à amortir les éventuelles conséquences sera aussi déterminante.
Elle voit toutefois «un certain nombre» de difficultés auxquelles la Suisse doit désormais faire face - de la coopération en matière de recherche aux questions de santé en passant par l’accord sur l’électricité. Ce sont tous des facteurs décisifs pour la Suisse, relève-t-elle.

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