La révolution de l’industrie de la viande est menée par l’entreprise californienne Beyond Meat. Pour les investisseurs, cette transition vers un avenir plus durable représente une opportunité de générer des performances intéressantes sur le long terme. En revanche, pour les acteurs historiques du secteur de la viande, cette transition équivaut à une remise en question d’ordre structurel. Pour les uns, elle revient à réviser des modèles d’affaires basés sur des hypothèses qui ne sont plus valables. Pour les autres, leurs succès passés deviennent des talons d’Achille et ils sont freinés dans leur évolution par la pesanteur bureaucratique, des immobilisations anciennes, des intérêts cachés ainsi que par les exigences à court terme des actionnaires.

Il existe heureusement une alternative: la destruction créatrice, essentielle à la dynamique du capitalisme, permet aux entrepreneurs de remodeler complètement d’anciennes industries. Bien que ces derniers ne disposent pas de ressources abondantes, ils sont ambitieux et prêts à prendre des risques. Par ailleurs, et ceci est particulièrement important, ils peuvent faire preuve d’une grande agilité et de capacités d’innovations importantes parce qu’ils n’ont pas à se préoccuper de protéger des actifs immobilisés ou de défendre des intérêts établis. Libres des contraintes qui freinent l’évolution des acteurs historiques, ils peuvent proposer les innovations qui, comme les véhicules électriques ou la viande végétale, la banque en ligne ou les nouveaux agents thérapeutiques, contribuent à forger un avenir meilleur. L’entreprise Beyond Meat en est une parfaite illustration.

Au vu de ses caractéristiques actuelles, l’élevage est une industrie mûre pour la disruption. Elle est en effet particulièrement inefficiente puisqu’il lui faut 1187 Pcal (un Pcal correspondant à 10¹² kcal) d’aliments pour animaux pour obtenir 83 Pcal de protéines comestibles pour l’homme par an, ce qui correspond à un rendement de conversion de l’ordre de 7% seulement¹. Par ailleurs, cette industrie est fortement concentrée: quatre entreprises contrôlent 85% du marché américain de la viande bovine². Or, les effets combinés de l’inefficience et de la concentration de l’industrie de la viande, cette dernière conduisant fréquemment à des politiques de prix abusifs, se sont traduits par une faible propension à l’innovation ainsi que par l’augmentation constante des prix. Aux Etats-Unis, le prix du bœuf haché a enregistré une hausse de 167%³ depuis 2000, par rapport à une augmentation cumulée de 55%⁴ pour l’indice des prix à la consommation. Parallèlement à cela, les goûts des consommateurs ont évolué. La prise de conscience grandissante de l’impact de la consommation de viande sur l’environnement, le bien-être animal et la santé amène un nombre toujours croissant de personnes à rechercher des alternatives aux protéines animales.

Un des leaders de la production de protéines d’origine végétale, Beyond Meat, est précisément parti de l’idée que les composants de la viande étant connus, cette dernière peut être fabriquée à partir d’ingrédients d’origine végétale plutôt qu’en recourant au processus inefficient de l’élevage. Après des années de recherche et développement, l’entreprise est parvenue à élaborer toute une gamme de produits protéinés, allant des hamburgers aux saucisses en passant par le hachis et les nuggets de poulet, et qui ont l’apparence, le goût et l’odeur de leurs homologues d'origine animale. Si, par le passé, les produits à base de plantes visaient essentiellement les végétaliens et les végétariens, Beyond Meat va un pas plus loin. En cherchant à encourager ceux qui consomment de la viande à se tourner davantage vers les protéines d’origine végétale, l’entreprise considère que c’est ainsi qu’elle peut avoir l’impact positif le plus important.

Nous croyons que les entreprises établies de l’industrie de la viande auront du mal à faire la transition vers un avenir durable e. Nombre d’entre eux protègent des activités traditionnelles rentables et sont freinés dans leur évolution par des intérêts propres au système existant. La commercialisation par Tyson Foods de produits contenant des ingrédients d’origine animale et végétale en est un bon exemple: si l’entreprise garantit ainsi la satisfaction de ses fournisseurs, elle le fait aux dépens de celle des consommateurs. Cette incapacité des opérateurs historiques à s'adapter rapidement à l'évolution du goût des consommateurs créera des opportunités pour des entreprises telles que Beyond Meat. Il est encore trop tôt pour affirmer que cette dernière sera la grande gagnante de la transition. Cependant, si elle y parvient, compte tenu de la taille de l’industrie, son impact sur la société dans son ensemble et les bénéfices pour ses actionnaires pourraient s’avérer très impressionnants.