Une récession imminente, mais pour quand?

Christopher Smart, Barings

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Les risques augmentent mais ils pourraient se matérialiser plus tard que prévu.

© Keystone

Depuis quarante ans, le rythme de hausse des taux n’avait pas été aussi rapide, vient ensuite une chute brutale des marchés et une courbe de rendement inversée qui rend les emprunts à court terme plus coûteux que les emprunts à long terme. Si l'on ajoute la crise des banques de taille moyenne, il ne faut pas être un génie pour prédire une récession aux États-Unis.

Pourtant, s'il existe une économie capable de résister à cette tempête, c'est bien celle où tant de patrons ont encore désespérément besoin de main-d'œuvre, où tant de familles disposent d'une épargne abondante et excédentaire et où si peu d'entreprises éprouvent des difficultés à refinancer leur dette. Tout cela peut changer si de nouvelles faillites bancaires ou par un autre choc de l'offre qui provoquerait une nouvelle flambée des prix. Mais avec la fin du cycle de resserrement qui se profile à l'horizon, la prochaine récession n'a pas l'air d'en être une pour l'instant.

Avant d'être trop enthousiastes, il faut se préparer à deux autres hausses de taux potentielles. Les salaires et les prix sont orientés à la baisse, mais la trajectoire n'est pas encore totalement convaincante. Même si l'indice le plus récent des dépenses de consommation personnelle est supérieur de 5,0% à celui de l'année dernière, la Réserve fédérale (Fed) voudra s'assurer que l'inflation est en train de baisser de manière décisive avant de commencer à relâcher.  Cela pourrait ne pas se produire avant l'année prochaine.

L'économie ralentit à mesure que les taux d'intérêt augmentent et que le crédit se resserre. Le chômage ne manquera pas d'augmenter. La question qui se pose aux investisseurs est de savoir si l’on se dirige vers un léger ralentissement ou vers quelque chose de plus grave.

Les vents contraires provoqués par l'effondrement de banques régionales de premier plan représentent un véritable défi si un vaste resserrement du crédit s'ensuit.
Prédire la récession

La définition la plus courante d'une récession est simplement deux trimestres de croissance négative. Les économistes s'accordent à dire que l'économie américaine connaîtra une croissance de 1,5% au deuxième trimestre par rapport à l'année précédente, qu'elle ralentira de moitié au troisième trimestre et qu'elle sera à peine positive au cours de l'hiver prochain. Les prévisions moyennes commencent à se redresser au printemps prochain.

Pourtant, pas plus tard qu'à l'automne dernier, on prévoyait que l'économie américaine toucherait le fond au cours du premier trimestre de cette année, alors qu'il est désormais probable qu'elle enregistre une croissance annuelle supérieure à 1,5%.

Le National Bureau of Economic Research (NBER), le groupe de réflexion qui mesure et date les cycles économiques depuis 1929, propose une lecture plus sophistiquée. Il définit la récession comme «une baisse significative de l'activité économique qui s'étend à l'ensemble de l'économie et qui dure plus de quelques mois». Son comité prend en compte «la profondeur, la diffusion et la durée» de la récession.

Bien que le NBER examine une série de mesures, il attire l'attention sur six ensembles de données en particulier: le revenu personnel réel, l'emploi salarié non agricole, les dépenses de consommation personnelle réelles, le commerce de gros et de détail réel, l'emploi tel que mesuré par l'enquête auprès des ménages et la production industrielle. En examinant les graphiques aujourd'hui, les lignes pointent principalement vers le haut et vers la droite, ce qui suggère une économie qui reste dynamique malgré tout.

Mais, comme le reconnaît même le comité de datation du cycle économique du NBER, ces données sont rétrospectives et sujettes à d'importantes révisions. Les chiffres du chômage, en particulier, peuvent baisser alors même qu'une récession se dessine, et continue à augmenter longtemps après qu'une reprise vigoureuse se soit installée. Les dépenses de consommation personnelle représentent une part importante du produit intérieur brut, mais ne reflètent historiquement qu'une petite partie de la contraction économique au cours des récessions réelles.

S'il est difficile de prédire les taux de croissance futurs, la résistance de l'économie aux tensions actuelles est rassurante. Voici un douloureux cycle de hausse des taux et l'indice composite des directeurs d'achat aux États-Unis est maintenant en hausse après plusieurs mois de contraction. Le nombre d'offres d'emploi est plus élevé aujourd'hui qu'il y a six mois et le moral des consommateurs aussi.

Les vents contraires provoqués par l'effondrement de banques régionales de premier plan représentent un véritable défi si un vaste resserrement du crédit s'ensuit. Mais jusqu'à présent, au moins, les taux de croissance hebdomadaires des prêts bancaires ont rebondi depuis la faillite de la Silicon Valley Bank. L'engagement de la Fed à financer les retraits de dépôts contre des garanties au pair contribuera grandement à amortir le choc.

Si les lois de la gravité et de l'économie exigent que toutes les périodes d'expansion soient entrecoupées d'au moins quelques brefs intervalles de contraction, il est clair qu'une récession est attendue. Mais l'élan actuel de l'activité économique et la volonté de la Fed d'endiguer de nouvelles turbulences bancaires nous confortent dans l'idée que la récession ne sera peut-être pas si terrible lorsqu'elle surviendra.

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