Un mois de crise – Et après?

Yves Hulmann

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Si l’épidémie de coronavirus poursuit ses ravages, quelques signes indiquent que le pic de la crise n’est peut-être plus si éloigné.

A quand l’embellie? C’est la question que se posaient beaucoup de gens à l’approche du week-end alors que le nombre de décès dus au coronavirus continuait d’augmenter jour après jour dans pratiquement tous les pays. Même dans un petit pays comme la Suisse, plus de 200 morts et plus de 13'000 cas confirmés étaient dénombrés. Pendant ce temps, la situation s’aggrave aussi au fil des semaines pour les petits commerces et indépendants qui ne pourront compter que sur un filet de sécurité limité ces prochains mois en dépit des mesures spectaculaires annoncées par la Confédération.

Sur les marchés, l’accalmie observée en milieu de semaine n’aura été que de courte durée. Après trois séances consécutives de hausse (vous avez bien lu) entre mardi et jeudi, les principaux indices boursiers ont à nouveau viré au rouge vendredi.
Malgré ce sombre tableau, quelques signes laissent néanmoins entrevoir le début de l’après-crise. Quelques raisons de redevenir optimiste – et d’autres qui incitent à la prudence.

1. Les achats «panique» diminuent

Depuis quelques semaines, on avait fini par s’y habituer lors de chaque visite dans un supermarché: des rayons de papiers-toilette entièrement dévalisés, des caddies remplis de denrées non périssables qui se pressaient devant les caisses. Surprise lors d’un passage vendredi dans un grand magasin appartenant à l’un des deux géants orange: les rayons de papier-toilette et autres essuie-tout étaient encore largement remplis. Et rien ne manquait non plus dans les rayons pâtes et riz. En revanche, impossible de trouver du papier pour imprimantes. Un indice que les gens ont entretemps su se réorganiser pour travailler depuis chez eux.

Lorsque des clients ouvrent un compte auprès d’un courtier en ligne,
ce n’est pas pour laisser l’argent somnoler à taux zéro.
2. L’envie d’investir n’a pas disparu 

Le krach boursier le plus rapide de l’histoire, entend-on souvent. Le décrochage des indices boursiers depuis fin février est sans précédent. Paradoxalement, l’envie d’investir ne semble pas avoir disparu. Loin s’en faut. Lors d’entretiens récents accordés à Allnews.ch, aussi bien Marc Bürki, le directeur de Swissquote, que Renato Santi, directeur de Saxo Bank (Suisse), ont évoqué une explosion du nombre de demandes d’ouvertures de comptes sur leur plateforme de négoce en ligne ces dernières semaines. Lorsque des clients ouvrent un compte auprès d’un courtier en ligne, ce n’est généralement pas pour laisser l’argent somnoler sur un compte d’épargne à taux zéro.

3. La chute du pétrole n’est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde 

L’effondrement brutal des cours du pétrole durant la première moitié du mois de mars a renforcé la panique ambiante sur les marchés. Une situation qui frappe durement à la fois la Russie, les pays du Moyen-Orient et du Maghreb et certaines régions des Etats-Unis qui ont tout misé sur le gaz de schiste. Pour autant, dans un scénario de reprise graduelle de l’économie lorsque l’épidémie de coronavirus s’essoufflera, un pétrole très bon marché sera aussi un facteur de soutien important pour la consommation aux Etats-Unis, en Chine, en Inde et dans de nombreux pays émergents.

4. L’économie mondiale au ralenti mais pas à l’arrêt

Alors que les mesures de confinement ont pratiquement mis à l’arrêt les économies du Vieux Continent, de l’Inde et que l’Amérique du Nord s’apprête à suivre le mouvement, l’inverse se produit en Chine. Dans la deuxième économie du monde, des millions de travailleurs quittent peu à peu les régions où ils étaient restés confinés depuis fin janvier pour affluer à nouveau vers les grands centres. Des premiers bouchons ont même à nouveau pu être observés à certaines heures à Pékin et à Shanghai la semaine dernière, affirment des sites spécialisés dans le suivi du trafic routier.

L’économie suisse est aujourd’hui moins
dépendante de secteurs fortement cycliques.
5. La Suisse peut s’appuyer sur des secteurs défensifs

Comparé à la situation qui prévalait lors de la dernière crise financière, l’économie suisse est aujourd’hui moins dépendante de secteurs fortement cycliques, tels que l’industrie des machines et l’horlogerie, tandis que la pharma, moins exposée aux cycles conjoncturels, n’a, elle, cessé de gagner en importance. En 2019, la part des exportations pharmaceutiques avoisinaient les 40% du total, contre 25% au moment de l’éclatement de la crise financière, a rappelé en début de semaine une étude de Credit Suisse.

6. Banques centrales: le grand saut dans l’inconnu

«Bazooka», «bombe nucléaire», «arme ultime»: les récents programmes de rachat d’actifs annoncés par les banques centrales, Fed et Banque centrale européenne en tête – ont obligé les observateurs du marché à recourir à de nouveaux superlatifs. Si la plupart des experts jugent ces mesures indispensables, du moins sur le court terme, afin d’éviter des crises de liquidités chez les banques et les entreprises, les premiers doutes apparaissent déjà quant à leurs conséquences à long terme. Certains économistes anticipent une décennie supplémentaire de taux négatifs, ou proche de zéro en ce qui concerne les Etats-Unis. D’autres, comme Philippe Waechter, redoutent au contraire l’avènement d’une ère d’hyperinflation - seul moyen pour les Etats de rembourser leur dette. 

7. Gouvernements: la tentation du contrôle

Pour les individus, les dernières semaines écoulées ont été marquées par la mise en place de restrictions toujours plus grandes à leur liberté de mouvement, y compris dans les Etats démocratiques. La population a dû accepter sans broncher des injonctions parfois passablement contradictoires. En France, il n’est ainsi plus possible de s’éloigner de son domicile de plus de quelques centaines de mètres sans être muni d’une attestation, cela une semaine après que le gouvernement ait décidé du maintien du premier tour des élections municipales. En Suisse, la population a appris mercredi que Swisscom avait désormais le droit de surveiller les téléphones portables afin de prévenir les éventuels attroupements de personnes dans un même endroit. A l’issue de la crise, les Etats accepteront-ils de renoncer aux pouvoirs de surveillance accrus qui ont été mis à leur disposition? C’est aussi l’une des inconnues de l’impact à long terme de la crise du coronavirus.

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