Théorie du complot: de JFK à nos jours

Philippe Szokolóczy-Syllaba

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Quand le narratif officiel ne convainc pas...

Qui n’a pas déjà utilisé cette esquive merveilleuse, face à une explication qu’il ne peut concevoir: «Tu sais, moi je ne crois pas aux théories du complot». Ça fait quand même plus docte que de simplement avouer «je ne peux pas y croire», qui pourrait même vous classer dans la catégorie des niais incrédules. Alors que la théorie du complot fait tout de suite de celui qui l’invoque un personnage plus conséquent, capable de distinguer le vrai du faux et ne se laissant pas entrainer dans n’importe quelle divagation qu’il préfère laisser aux bonimenteurs de foire et autres gens peu sérieux. D’ailleurs, on se sent tout de suite assimilé à ces gens-là si on a le malheur de se trouver face à l’un de ces personnages, généralement peu enclin au débat, qui essaie de se débarrasser de vous et de vos idées qui le dérangent en vous assénant la fameuse réplique.

Mais ces pontifes le resteraient-ils toujours s’ils savaient-ils seulement d’où vient le terme «la Théorie du Complot»? Revenons quelque peu en arrière pour retrouver l’origine de cet aphorisme devenu presque un automatisme chez certains. 

Lorsque JFK fut assassiné en 1963, bon nombre d’américains ne parvinrent pas à croire le narratif officiel du meurtre perpétré par un tueur fou et solitaire. La suspicion d’un assassinat machiavéliquement organisé par les ennemis politique de JFK commença à faire surface.

En 1963, la CIA avait rassemblé ses têtes pensantes
pour trouver le meilleur moyen de tuer la rumeur dans l’œuf.

Comme nous le savons aujourd’hui, à la lecture des documents de la CIA et du FBI déclassifiés sur décision de Trump, le décès de Kennedy fut dû à une balle simultanément tirée de face par un deuxième tueur, atteignant Kennedy à la gorge. Le pare-brise du véhicule présidentiel fut prestement remplacé pour effacer toute trace de l’impact de la balle et J. Edgar Hoover, Directeur du FBI, se fendit d’un memo exprimant son principal souci: que le public américain croie que Lee Harvey Oswald était le véritable tueur.

A l’époque la CIA avait balisé et avait rassemblé ses têtes pensantes dans l’urgence pour trouver le meilleur moyen de tuer la rumeur dans l’œuf. Les mémos internes de la CIA de l’époque, disponibles en archives publiques, relatent par le menu la genèse et l’implémentation du projet «théorie du complot» consistant à remettre au gout du jour ce vocable peu usité afin d’en faire le fer de lance d’une stratégie de brouillage des pistes. Comment mieux décrédibiliser les réfractaires à la version officielle qu’en les ridiculisant? En se moquant ouvertement de l’imagination fertile, mais forcément déviante, de ces affabulateurs ayant eu le mauvais goût de remettre en cause le narratif autorisé. De risibles comploteurs élucubrant des théories absurdes, voilà ce qu’ils étaient et ce qu’il fallait que tout le monde sache.

L’histoire a démontré que cette stratégie astucieuse s’est révélée d’une efficacité redoutable, puisque le secret sur l’assassinat de Kennedy a pu être étouffé pendant plus de 50 ans et que même aujourd’hui, malgré le déclassement des archives d’Etat après l’expiration de la prescription cinquantenaire, la plupart des gens préfèrent encore ignorer la vérité sur sa mort. 

Mais surtout, ce qui est effarant, c’est la quantité invraisemblable de gens qui continuent toujours maintenant à faire exactement ce que la CIA voulait qu’ils fassent à l’époque, à savoir se draper d’un air de sagesse profonde et déclamer avec une bonne dose de suffisance l’adage consciencieusement implanté dans leur inconscient collectif par un battage médiatique savamment organisé. Sans réaliser que ce réflexe est le résultat d’un lavage de cerveau voulu et organisé il y a un demi-siècle pour convaincre le chaland de passer son chemin, qu’il n’y avait rien à voir. Alors que précisément il y avait quelque chose de plutôt gros à débusquer. Et vraisemblablement, le plus juteux est encore à venir puisque Trump, sous la pression de la CIA et du FBI, n’a pas entièrement déclassifié les archives Kennedy, pour des motifs de sécurité nationale. Qu’est-ce que ça pourrait bien être? Des révélations telles que les gens descendraient dans les rues pour mettre le feu à Langley (CIA headquarters) s’ils les apprenaient. Va pour le motif de sécurité, mais par contre n’y aurait-il pas un motif de salubrité qui plaiderait en faveur de révéler au grand jour des informations qui permettraient de faire un peu de nettoyage dans les rouages du système?

Plus c’est gros, plus il semble y avoir de chances
de faire passer des vessies pour des lanternes.

Ceci dit, plus c’est gros, plus il semble y avoir de chances de faire passer des vessies pour des lanternes. Un petit trou circulaire dans le Pentagone et tout le monde était prêt à croire qu’il s’agissait d’un avion, du moment que CNN l’annonçait. Pas grave qu’il n’y ait aucune trace de débris de carlingue ou que les ailes se seraient volatilisées au moment de l’impact ne laissant pas même l’ombre d’une marque sur le mur. Cependant, Trump a promis durant sa campagne inaugurale qu’il révèlerait un jour la vérité sur September Eleven. Peut-être encore un complot qui ne restera pas qu’une théorie! Cela semble d’ailleurs être à la mode ces temps-ci, dans notre nouveau paradigme de chasse aux Fake News.

En attendant, ne laissons pas vieux bougons et mégères rétrogrades tenter de nous raccrocher au wagon de leurs certitudes en invoquant la fameuse (et désormais fumeuse) théorie du complot lorsqu’ils se sentent ébranlés dans leurs convictions par des idées dérangeantes. Et s’ils ne veulent vraiment pas l’entendre votre théorie, demandez-vous s’ils n’ont pas un intérêt personnel à ce que l’on continue à la considérer un complot. Qui sait, ils en font peut-être partie…

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