Temps ensoleillé sur les marchés, avec quelques averses éparses

Chris Iggo, AXA IM

4 minutes de lecture

Pour les places financières, la plus grande menace immédiate pourrait provenir d’un sentiment impacté, ce qui entraînerait une augmentation de la prime de risque.

Le tableau général n’a pas changé. La croissance mondiale est positive, et les attentes sont placées plus haut. L’inflation recule, mais le dicton selon lequel «les derniers kilomètres d’un marathon sont les plus durs» est utilisé abondamment à propos de la désinflation. Et il existe une divergence entre les perspectives concernant les taux aux Etats-Unis et en Europe. Les rendements américains ont d’ailleurs progressé par rapport aux revenus obligataires européens. Dans les prix pratiqués, les marchés n’ont pas encore anticipé toutes les baisses de taux attendues cette année de la part de la Réserve fédérale (Fed), mais ils sont en passe de les intégrer. Les investisseurs obligataires haussiers aimeraient que le président de la Fed, Jerome Powell, déclare qu’il ne relèvera pas les taux d’intérêt, mais cela dépendra grandement des données proposées. Il convient toutefois de noter que le Japon montre qu’en termes d’évolution de l’inflation, il est possible d’assister à des baisses inattendues.

Un temps pour les actions

En 2024, les rendements produits jusqu’à présent par les marchés montrent que l’environnement macroéconomique a été, et reste, plus favorable aux actions qu’aux titres à revenu fixe. Les marchés ont évolué de manière à exclure désormais une prise en compte de la plupart des baisses de taux d’intérêt initialement envisagées pour cette année, ce qui a affecté les segments des marchés obligataires les plus sensibles aux taux d’intérêt. En revanche, la croissance est plus forte, et l’inflation reste plus tenace que ce que l’on souhaiterait, ce qui veut dire que la croissance nominale reste saine. Les bénéfices des entreprises ont tendance à s’accroître lorsque les économies se renforcent en termes nominaux. En 2023, les Etats-Unis et l’Europe ont tous les deux connu une croissance nominale du PIB d’environ 6,5%, et 2024 se présente également comme une année de croissance nominale acceptable. La croissance nominale est une bonne chose pour les actions, mais un peu trop bonne pour que les banques centrales se laissent tenter d’abaisser leurs taux d’intérêt dans la mesure espérée.

Les obligations reprennent des couleurs

Si l’on fait abstraction des relèvements de taux opérés par la Fed, les marchés des titres à revenu fixe offrent des rendements attrayants. Au cours des quatre premiers mois de l’année, les prix des obligations ont chuté en raison du changement d’avis sur la position de la banque centrale, mais à partir de maintenant, les rendements totaux devraient devenir plus encourageants, car les revenus prédominent. Un rendement total de 3 à 4% généré sur le reste de l’année par le crédit de première qualité ne serait pas surprenant, avec un rendement avoisinant les 5% pour le segment du haut rendement. Si Powell excluait explicitement un relèvement des taux, les rendements s’en trouveraient stimulés. Bien entendu, il faudrait pour cela que les données chiffrées remplissent les conditions définies par la banque centrale, ce qui n’est pas encore le cas.

D’agréables surprises

Les résultats produits durant le premier trimestre par le marché américain des actions semblent solides. Alors que près de la moitié des entreprises n’ont pas encore publié leurs résultats, la croissance moyenne des bénéfices se situe autour de 6% et, dans l’ensemble, les bénéfices se sont avérés supérieurs de 10 % à ceux pronostiqués. Tous les secteurs affichent des surprises agréables en termes de bénéfices, en présentant une croissance positive sur ce plan (à l’exception des domaines de l’énergie, des matières premières et des soins de santé). Dans le secteur technologique, les résultats ont été bons, et tant Alphabet (Google) que Microsoft ont publié des chiffres qui ont dépassé les attentes. Les actions de ce secteur ont récemment perdu une grande partie de leur plus-value réalisée depuis le début de l’année, mais les bénéfices affichés et les nombreuses annonces de dépenses d’investissement importantes prévues dans les domaines de la technologie et de l’intelligence artificielle devraient stimuler les performances à attendre d’ici les élections américaines.

Le 60/40 fait bonne figure

L’année dernière, les rendements des actions ont prédominé dans les stratégies de portefeuille de type 60/40, représentant une configuration d’allocation classique. Cette situation pourrait devenir un peu plus équilibrée à mesure que les revenus assurent à nouveau leur rôle dans la part allouée aux titres à revenu fixe. Ce qui n’a pas encore été mis à l’épreuve dans ce nouvel équilibre, c’est la capacité des obligations à compenser toute baisse significative des marchés d’actions. Un ralentissement cyclique normal, déclenché par une croissance plus faible et un recul des bénéfices, entraînerait des abaissements significatifs des taux d’intérêt, ce qui permettrait alors aux revenus fixes de surperformer. La dernière fois que cela s’est produit, c’était lors de la grande crise financière de 2008. En 2022, les actions et les obligations avaient enregistré des rendements négatifs au moment même où la politique monétaire faisait l’objet d’un réajustement. Or, il y a peu de chances que cela se reproduise, de sorte que les obligations devraient constituer une couverture plus classique si les marchés boursiers se repliaient suite à des perspectives de bénéfices peu encourageantes.

Une menace planant sur le sentiment des marchés

Pour l’heure, les perspectives fondamentales sont solides. Pour les marchés boursiers, la plus grande menace immédiate pourrait provenir d’un sentiment impacté, ce qui entraînerait une augmentation de la prime de risque (et par conséquent une baisse du ratio cours/bénéfice). Il existe bon nombre de facteurs susceptibles d’affecter ce sentiment. Le plus évident serait un relèvement des taux de la Fed, mais les préoccupations géopolitiques peuvent également saper la confiance des investisseurs. Jusqu’à présent, face aux événements géopolitiques, les réactions immédiates des marchés ont été de courte durée, comme c’est souvent le cas. Les conflits se déroulant au Proche-Orient et en Ukraine risquent de s’intensifier et de constituer une menace supplémentaire pour le commerce mondial et la lutte contre l’inflation, accroissant ainsi l’incertitude. Mais pour l’heure, la situation n’évolue pas dans ce sens.

Un resserrement par à-coups timides

Certains craignaient qu’un changement d’orientation monétaire de la Banque du Japon (BoJ) n’incite les investisseurs japonais à relocaliser leurs investissements à l’étranger, ce qui aurait exercé une pression ascendante sur le yen japonais et aurait touché des marchés tels que celui des bons du Trésor américain. Or, il n’en a rien été. La BoJ a procédé à quelques ajustements mineurs de sa politique monétaire, mais le yen vient d’atteindre son niveau le plus bas par rapport au dollar depuis 1990. A Tokyo, le renchérissement des prix à la consommation s’est élevé à 1,8% en glissement annuel jusqu’en avril, alors que les économistes s’attendaient à 2,5% et que le taux d’inflation se montait à 2,6% en mars. La BoJ prévoit une inflation moyenne de 2,8% cette année, principalement en fonction d’un affaiblissement encore plus prononcé du yen et du maintien des prix de l’énergie à un niveau élevé. Il semble que le Japon ne connaisse guère de renchérissement d’origine interne. Par conséquent, il est peu probable que la Banque du Japon ne procède prochainement à un nouveau resserrement monétaire. Elle en a commencé un, puis s’est arrêtée. Le Japan ne représente pas une menace pour les obligations internationales. Ce qu’il pourrait être, en revanche, c’est un exemple illustrant à quel point il est difficile de se débarrasser des forces déflationnistes à l’œuvre pendant la majeure partie des 20 dernières années, même après un choc inflationniste (essentiellement) transitoire.

Les états-Unis deviennent une couverture plus coûteuse

Pour les investisseurs dans les titres à revenu fixe, ayant pour base l’euro et la livre sterling, le marché obligataire américain reste attrayant en termes de revenus. Couverts en euros ou en livres, les titres à revenu fixe américains continuent d’offrir un avantage par rapport aux revenus fournis par les deux monnaies de base. Cela pourrait toutefois changer. Si la Fed maintient le gel de ses taux et que la Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre abaissent les leurs, le coût de la couverture du risque de change s’accroîtra. Pour les investisseurs qui couvrent leur exposition aux devises, obtenir un rendement supérieur en investissant dans le crédit américain pourrait bientôt ne plus être une possibilité viable.

Temps calme et ensoleillé

Les marchés sont calmes. Début avril, l’indice VIX de la volatilité des actions a connu une soudaine envolée, mais entre-temps, il s’est apaisé. Le cadre des bénéfices est favorable. Sur le court terme, des inquiétudes subsistent néanmoins quant à l’évolution de l’inflation et à la ténacité dont elle fait preuve dans le secteur des services aux Etats-Unis. C’est pourquoi les stratégies de crédit à courte duration devraient continuer à avoir la cote, conjointement avec les actions qui profitent d’une solide croissance des bénéfices. Si tant est que l’on puisse se fier aux tendances saisonnières, le mois de mai devrait s’avérer un mois tout à fait correct pour les portefeuilles équilibrés.

A lire aussi...