Small & Mid Caps suisses: pas du tout marginales

Marc Hänni, Vontobel

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De nombreuses PME suisses sont leaders sur leur marché mondial. Pourtant, sur le marché des actions, elles sont souvent éclipsées par des géants mondiaux comme Nestlé, Roche ou Richemont.

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Une plus-value de 701% sur un peu plus de deux décennies! Cette performance, le segment des valeurs secondaires de la Bourse suisse l’a réalisée depuis le début de l’année 2003 jusqu’à fin février 2025. Au cours de cette période, le SPI Extra – l’indice mesurant la performance de l’ensemble des 185 valeurs secondaires cotées à la Bourse suisse, également appelées Small & Mid Caps compte tenu de leur petite à moyenne capitalisation boursière – a enregistré une hausse annuelle moyenne de pas moins de 9,9%. Il a ainsi surpassé le marché des actions suisse dans son ensemble, représenté par le Swiss Performance Index (SPI), dont la progression annuelle sur ces presque 22 années a été de 7,5%.

En revanche, sur les presque six et demie dernières années, entre fin septembre 2018 et fin février 2025, le SPI, avec un rendement annuel de 7,5%, a été plus de deux fois plus performant que le SPI Extra, avec 3,6%.

Pourquoi cette sous-performance depuis 2019?

La raison principale de cette faiblesse récente des petites et moyennes entreprises (PME) suisses est qu’elles dépendent généralement beaucoup plus du cycle économique et du rythme des exportations que les grandes entreprises. Les actions de ces dernières appartiennent au segment boursier des larges capitalisations, également connues sous le nom de blue chips, et dont les 20 plus grandes sont représentées dans le Swiss Market Index (SMI). Parmi celles-ci, les entreprises du secteur alimentaire et pharmaceutique telles que Nestlé ou Roche dominent. Comme leurs produits et services sont toujours nécessaires, ils résistent généralement bien aux ralentissements et aux crises économiques. Cela confère au marché suisse des actions dans son ensemble son caractère typiquement défensif.

Small & Mid Caps suisses: un caractère cyclique affirmé

C’est pourquoi, ces dernières années, les PME suisses du segment des valeurs secondaires ont davantage souffert de la succession des événements qui ont affecté la conjoncture mondiale. Après la première correction de cours au début de la pandémie, par exemple, le SPI Extra a gagné plus de 55% entre mars 2020 et juin 2021, dépassant ainsi largement les 35% enregistrés par le SPI. Sur un horizon d’investissement à long terme, les valeurs secondaires suisses offrent donc un potentiel de rendement bien supérieur à celui du marché des actions suisse dans son ensemble, et ce avec une volatilité moins marquée. Car la majorité des investisseurs dans ces actions typiquement moins liquides gardent la tête froide même en cas de fortes fluctuations de cours, convaincus de la qualité des entreprises sous-jacentes et faisant confiance à leurs dirigeants prévoyants. L’évolution passée de l’indice mondial des directeurs d’achat (PMI) montre à quel point les petites et moyennes capitalisations suisses dépendent de l’économie mondiale (graphique 2). Lorsque cet indicateur avancé, utile pour évaluer l’état présent de l’économie, a baissé, les Small & Mid Caps suisses (SPI Extra) ont sous-performé le marché des actions suisse dans son ensemble (SPI). En revanche, une hausse du PMI a généralement précédé de peu une surperformance du SPI Extra par rapport au SPI.

Allègement des coûts financiers et récupération des partenaires commerciaux

La Suisse a été épargnée d’une inflation trop prononcée au cours des dernières années, facilitant un assouplissement rapide de la politique monétaire. Ainsi, la Banque nationale suisse (BNS) a abaissé son taux directeur pour la première fois en mars 2024 afin de contrer la force du franc. Recherchée comme valeur refuge, la devise suisse s’est de nouveau renforcée en mai. En conséquence, la BNS a abaissé une seconde fois son taux directeur en juin afin de ne pas mettre en péril les exportations. Des taux d’intérêt plus bas réduisent les coûts de financement. Cela revêt une importance particulière pour les PME, dont le bilan est typiquement plus lourd en matière d’endettement, car elles disposent de moins de fonds propres que les grandes entreprises.

Des valeurs injustement ignorées

De nombreuses PME suisses sont leaders sur leur marché mondial. Pourtant, sur le marché des actions, elles sont souvent éclipsées par des géants mondiaux comme Nestlé, Roche ou le groupe de produits de luxe Richemont. À tort, selon nous. En effet, tant au niveau de la comparaison des performances à long terme avec ces poids lourds du SPI que de leurs qualités propres, elles peuvent être considérées comme hautement attractives. Être en tête du marché mondial exige une marque forte, une stratégie claire à long terme et une direction compétente. De nombreuses PME suisses que nous favorisons en disposent. Nombre d’entre elles se distinguent également par une capacité d’innovation impressionnante, un bilan solide avec un faible endettement et une culture d’entreprise exemplaire qui motive le personnel – se traduisant par une offre de produits et des services de qualité exceptionnelle, très appréciés dans le monde entier. Grâce à cet ensemble de caractéristiques qualitatives, de nombreuses entreprises suisses à la capitalisation boursière initialement faible et issues de différents secteurs ont conquis le leadership mondial au cours des 30 dernières années: par exemple, Schindler Aufzüge AG, qui existe depuis 1874, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG, fondée en 1845, Chemie Holding Ems AG, créée en 1962, et Straumann Holding AG, qui a vu le jour en 1954 et aujourd’hui est spécialisée dans l’implantologie dentaire. Au départ, la plupart des entreprises d’origine suisse exerçaient leur activité exclusivement sur leur marché domestique, ou au mieux dans les pays voisins. Leur succès grandissant les a encouragées à exporter globalement. Elles ont souvent non seulement établi une présence commerciale locale, mais également implanté leurs propres sites de production à proximité de leurs clients. Cette stratégie leur a été bénéfique pendant les interruptions des chaînes d’approvisionnement mondiales dues à la pandémie. Désormais, de nombreuses entreprises des pays occidentaux industrialisés rapatrient près d’elles leur production délocalisée en Extrême-Orient. Cette tendance dite de «nearshoring» offre aux PME suisses également de bonnes opportunités de gagner de nouveaux clients et davantage de parts de marché, à condition qu’elles produisent à des coûts compétitifs.

Notre proximité aux entreprises nous permet d'obtenir plus d'informations

Tous ces éléments font des valeurs secondaires suisses un segment d’investissement intéressant à nos yeux. Pour notre maison d’investissement Vontobel, elles constituent en outre une niche intéressante. En effet, il ne reste que peu de prestataires «sell-side» dans le secteur de la recherche en actions sur les valeurs locales – activité, dont la rentabilité a fortement diminué au cours des deux dernières décennies – et ils fournissent encore moins de recherche sur les Small & Mid Caps suisses depuis l’entrée en vigueur de la législation plus stricte MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive). En revanche, les sociétés internationales de recherche en actions «sell-side» se concentrent principalement sur les valeurs suisses dont le volume de transactions est le plus important, à savoir les 20 titres du SMI. En moyenne, 25 analystes «sell-side» se consacrent actuellement à une société représentée dans le SMI, mais seulement deux analystes à une société représentée dans le SPI Extra. Il en résulte souvent des estimations de consensus imprécises pour les petites et moyennes capitalisations suisses, ce qui nuit à l’efficacité du marché, car les cours reflètent ce déficit en informations.

Combinaison gagnante: recherche interne et gestion active

En tant que société de gestion d’actifs internationale «buy-side», nous gérons activement nos portefeuilles sur la base de nos propres analyses fondamentales, modèles de valorisation et systèmes de risque au sein de Conviction Equities. Notre équipe, spécialisée dans les actions suisses, a en moyenne plus de 18 ans d’expérience en matière d’investissement. Trois d’entre nous ont autrefois été des analystes «sell-side». Au fil des ans, nous avons développé un solide réseau au sein de notre secteur. Nous entretenons des contacts étroits avec les quelque 120 PME suisses que nous analysons en détail. Régulièrement, nous rencontrons des représentants de la direction de ces entreprises, tels que le CEO, le CFO ou les directeurs de division, pour des entretiens et visitons les sites de production sur place (voir Viewpoint: Visiter des entreprises – leur culture en dit long). Pour être toujours au fait des dernières innovations et de la concurrence, nous nous rendons également sur les salons spécialisés, lieux de rencontres de beaucoup d’entreprises du même secteur. Avec toutes les entreprises dans lesquelles nous investissons finalement, nous organisons en outre des téléconférences régulières consacrées à la gouvernance, auxquels participent des représentants des Conseils d’administration concernés, et notamment le plus souvent leur président. Avec une fortune gérée activement d’environ 2,9 milliards de francs suisses dans les Small & Mid Caps suisses à la fin février 2025, nous faisons partie des leaders du marché en Suisse. La performance que notre équipe a généré sur ce segment sur le long terme atteste qu’une gestion active de portefeuille des valeurs secondaires suisses peut s’avérer très fructueuse, à condition qu’une analyse rigoureuse de la qualité des titres, préalable à leur sélection, ne soit jamais marginalisée.

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