Les Etats-Unis ne sont de loin pas les seuls à s’adonner au protectionnisme. Bien au contraire.
Depuis le début de l’offensive protectionniste du président Donald Trump, on entend tout et n’importe quoi. Si nous sommes convaincus (histoire à l’appui) qu’une guerre commerciale n’est jamais une bonne chose pour les marchés financiers, il convient cependant aujourd’hui (sans aucune connotation politique) de remettre les choses en perspective et de rappeler que les Etats-Unis ne sont de loin pas les seuls à s’adonner au dumping. Bien au contraire. Synthèse et analyse.
Le président américain a finalement annoncé, hier soir, qu’il taxerait les importations d’acier et d’aluminium à hauteur respectivement de 25% et de 10%. Ces tarifs douaniers entreront en vigueur dans 15 jours à l'exception du Canada et du Mexique qui en seront pour l'heure exemptés dans l’attente des négociations sur l’Alena. Donald Trump a déclaré vouloir défendre une industrie sidérurgique américaine «décimée par des décennies de commerce inéquitable».
La hausse des tarifs douaniers visera presque tous les partenaires des Etats-Unis, en particulier le Brésil (13% des importations d’acier), la Corée du Sud (12%), la Russie (9%), mais aussi l’Allemagne (3,8%) et la Chine (2,2%).
Le dispositif prévoit aussi que des négociations pourront s'ouvrir avec les pays tiers afin de déterminer des «moyens alternatifs» pour protéger la sécurité nationale et modifier de manière flexible (dans le texte) ces droits de douane.
«décimée par des décennies de commerce inéquitable».
La commission européenne vient d’annoncer en début de semaine qu’elle avait renouvelé ses droits de douane sur les importations chinoises d’aciers dont certains atteignent maintenant jusqu’à 71,9% (!!). Bruxelles justifie ce renouvellement par le fait que les producteurs français, espagnoles et suédois notamment seraient à la merci de l’importation de produits chinois «injustement» bas.
Les mesures initiales, instituées en avril 2017, avaient vu l'Europe fixer des droits antidumping sur les importations de produits laminés à chaud et acier plat en provenance de Chine à un taux plus élevé que les droits préliminaires déjà en vigueur. La commission avait alors expliqué qu'elle avait fixé des droits compris entre 18,1% et 35,9% pendant cinq ans sur des producteurs tels que Bengang Steel Plates, Handan Iron & Steel et Hesteel accusés d’avoir vendu à perte en Europe.
Selon la commission européenne, 39 mesures anti-dumping ou antisubventions avaient été mises en place contre des produits en acier, dont 17 visent la Chine. Ses Etats membres s’étaient entendus en décembre 2016 sur un texte qui autorisait Bruxelles à imposer des sanctions tarifaires plus élevées qu'auparavant en cas de dumping sur les matières premières.
provoquant un plongeon des prix mondiaux.»
On rappelle que les produits concernés – des «accessoires de tuyauterie en aciers inoxydables à souder bout à bout» – sont généralement utilisés dans l'industrie pétrochimique, la préparation des aliments, la construction navale, la production d'énergie et la construction.
Malgré le fait que la part de la Chine sur le marché européen des tubes et tuyaux sans soudure en acier inoxydable a été négligeable depuis 2013 et tourne autour de 2%, Bruxelles n'a pas de problème à poursuivre ce qu'elle considère être un «remède équitable».
À l’époque, la Chine avait officiellement déclaré: «Face aux méthodes erronées de l'Union européenne, qui enfreignent les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine prendra les mesures nécessaires pour défendre les justes droits de ses entreprises».
La Chine produit environ la moitié de l'acier mondial. Mais ses aciéries, minées par le ralentissement économique du pays, ploient sous des capacités excédentaires estimées à plusieurs centaines de millions de tonnes. Elles écoulent donc sur les marchés étrangers une partie de leurs excédents, provoquant un plongeon des prix mondiaux et poussant parfois les sidérurgistes asiatiques, européens et américains à l’agonie. Face aux critiques, Pékin a promis déjà en 2016 de réduire ses capacités de 100 à 150 millions de tonnes – sur un total de plus d’un milliard de tonnes – d'ici à 2020.
Suite à la plainte du groupement d'entreprises européennes EU ProSun (l'une sur les subventions de Pékin aux exportations de panneaux solaires chinois et l'autre contre le dumping des fabricants chinois) la Commission européenne avait annoncé, en juin 2012, l'instauration de taxes sur le solaire chinois, malgré les réticences de plusieurs Etats de l'UE et les menaces de représailles commerciales de Pékin. Ces droits, imposés pendant six mois sur les importations de panneaux solaires chinois étaient proches de 47%.
ce qu'elle considère être un «remède équitable».
En produisant beaucoup et peu cher, les entreprises chinoises avaient considérablement fait gonfler un marché jusqu'alors limité, entraînant une offre deux fois supérieure à la demande: la capacité de production s'est élevée à 50 gigawatts (GW) en 2011 pour une capacité d'installation estimée à 27 GW. Cette surproduction, à bas coût du côté chinois, avait provoqué une forte baisse des prix, de 45% en 2011, puis de nouveau de 25% en 2012, selon les calculs du cabinet IHS.
Résultat: la Chine était devenue le premier producteur mondial de panneaux, en fabricant plus de la moitié des modules commercialisés sur la planète.
Face aux prix très bas imposés par la Chine, la filière solaire européenne s’était littéralement effondrée. Rien qu'en 2012, une vingtaine de fabricants majeurs avaient été contraints de cesser leur activité, au premier rang desquels l'entreprise allemande Q-Cells, autrefois numéro un mondial des cellules. En France aussi, la reprise par EDF, en février 2012, du pionnier du photovoltaïque, la société Photowatt de Bourgoin-Jallieu (Isère), placée en redressement judiciaire, avait démontré la grande fragilité du secteur.
La guerre commerciale, le protectionnisme et le dumping sont depuis toujours une réalité économique avec laquelle il faudra vivre. Si l’Union Européenne s’insurge elle applique depuis longtemps le même type de sanctions que les Etats-Unis veulent mettre en place. Le timing choisi par le président américain n’est cependant pas opportun et pourrait apporter un peu plus de volatilité sur les marchés ces prochains mois.