Rebond ou réelle rotation

Marc Craquelin, Groupe Eric Sturdza

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Plus que la reprise depuis les bas niveaux de l’été c’est la rotation sectorielle qui a marqué la première quinzaine de septembre.

Le bombardement par des drones d’installations pétrolières d’Arabie Saoudite mettra-t-il fin au retour d’optimisme observé depuis la rentrée sur les marchés?  Difficile à dire mais – à ce jour – les indices américains et européens restent proches de leurs plus hauts niveaux de l’année. Comme le disent parfois les investisseurs «Ca se tient très bien».

Plus que la reprise depuis les bas niveaux de l’été c’est la rotation sectorielle (ou factorielle puisque désormais le quant est partout!) qui a marqué la première quinzaine de septembre. Le «value», les titres cycliques, en un mot tout ce que les investisseurs devaient éviter depuis des années semble se réveiller. L’indice bancaire gagne 10,4% sur les deux premières semaines de septembre (indice Euro Stoxx Banks) comme celui des équipementiers automobiles. A la source de ce mouvement une timide remontée des taux d’intérêt long terme. Un mouvement favorable aux banques on le comprend bien mais aussi aux valeurs automobiles ce qui est peut-être moins immédiat. Le lien provient de la nature cyclique du secteur et d’un comportement désormais systématique des investisseurs: les taux montent = j’achète du cycle et de la value, les taux baissent= j’achète au contraire de la croissance et des titres dits «quality» ( cad ayant une grande visibilité dans leurs revenus).

Depuis la crise de 2008 les banques centrales
ont agi inlassablement pour faire baisser les taux.

Depuis la crise de 2008 les banques centrales ont agi inlassablement pour faire baisser les taux. Les mouvements de reprise ont été de faible amplitude et les rebonds du «value» comme celui auquel on vient d’assister ont toujours été de courtes durées. A ce jour value et valeurs cycliques sont encore dans un long canal baissier alors que les valeurs de croissance sont allées de record en record.

Si le rebond de ce mois de septembre est de même nature que les précédents il est déjà terminé et cette chronique s’achève par un modeste RAS.

Un paragraphe supplémentaire pourtant car si la phrase «cette fois c’est différent» peut coûter cher à l’investisseur assurons nous tout de même que rien n’a changé.

Une première hypothèse, celle d’une modification prochaine des politiques de banques centrales, peut aisément être écartée. S’il y avait quelque chose de résigné dans l’attitude de Mario Draghi lors de la dernière réunion de la BCE il a maintenu le cap: taux encore plus négatifs, Quantitative Easing.… Ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher une inflexion susceptible d’expliquer le mouvement sectoriel observé.

Mais oublions un peu les taux (l’exercice n’est pas facile tant ils sont à la source de la valorisation des actifs!) pour observer la rotation sectorielle avec un autre regard: celui de l’industriel voire de l’industriel allemand. Il est à craindre que le moral de cet industriel et de son directeur financier ne soient en berne. Le ZEW (qui mesure l’optimisme ou le pessimisme ambiant en Allemagne) a affiché un plus bas à -44 le mois dernier, un niveau atteint seulement en 2011 et 2008!

Première victime de la guerre commerciale Amérique/Chine l’industrie allemande et celle de l’automobile en particulier ont eu peu d’occasion de se réjouir au cours des derniers mois. Alors qu’est-ce qui aurait échappé aux industriels et aurait été identifié par les investisseurs?

Ce que dit le marché depuis quelques jours ne dérive pas d’une lecture particulière
des taux d’intérêt, mais sans doute d’un pari plus direct.

Deux pistes à nos yeux: la première est que pour la première fois les autorités allemandes cessent de s’arc-bouter sur l’orthodoxie budgétaire pour (timidement) évoquer une relance budgétaire. Mario Draghi les y encourage d’ailleurs fortement: «les gouvernements qui ont une marge de manœuvre doivent agir rapidement».

La deuxième raison tient au compte à rebours des élections américaines. Si Donald Trump est parfois imprévisible en revanche deux chiffres occupent immuablement son fonds d’écran: le niveau du Standard and Poor’s et celui de sa popularité. Alors que les électeurs voyaient d’un bon œil la guerre commerciale le consensus a changé, certaines populations commencent à souffrir des combats menés à coup de taxations supplémentaires. Faire fléchir l’inébranlable Xi Jinping parait soudain plus difficile, plus couteux aussi… Quant aux marchés ils réagissent mal aux salves et aux tweets rageurs de Donald Trump qui – on vient de le vérifier une fois encore cet été – adoucit son discours dès que le recul du Standard and Poor’ excède 5%.

Ce que dit le marché depuis quelques jours ne dérive pas d’une lecture particulière des taux d’intérêt, mais sans doute d’un pari plus direct: le cycle économique freiné par la guerre commerciale au cours des derniers mois est peut-être en train de trouver un second souffle. En somme l’économie – son pan industriel – pourrait aller un peu moins mal. Compte tenu de la valorisation famélique de certains secteurs industriels le timide «moindre mal» économique peut avoir des effets de revalorisation significatifs.