Rémunération: aligner actionnaires et dirigeants

Giuliano Bianchi, EHL Ecole hôtelière de Lausanne

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La gratification des PDG: de quoi s'agit-il, à quoi cela sert-il et que faire à ce sujet?

La rémunération des PDG fait toujours encore couler beaucoup d’encre, certains dirigeants ayant bénéficié de salaires, de primes, d'options d'achat d'actions et d'autres formes de gratifications impressionnantes, même lorsque leurs entreprises n'étaient pas performantes.

Entre 1996 et 2010, le nombre d'articles de presse consacrés à la rémunération des PDG a presque été multiplié par sept aux Etats-Unis, reflétant de réelles préoccupations portant sur la répartition des revenus et la possibilité que certains PDG soient surrémunérés. Le nombre d'articles publiés dans des revues universitaires sur ce sujet a également augmenté de manière significative, passant de 1’250 pages en 1996 à 10’400 en 2010, selon Google Scholar.

Malgré une mauvaise presse et des inquiétudes exprimées par les actionnaires, les entreprises - et leurs conseils d'administration - continuent d’indexer les primes aux performances afin de motiver leurs principaux dirigeants.

Les dirigeants ont souvent accès à des informations que les actionnaires
n'ont pas et peuvent ainsi les exploiter à leur propre avantage.

En théorie, les actionnaires engagent des dirigeants afin qu'ils représentent au mieux leurs intérêts. Cependant, les intérêts personnels de certains dirigeants d’entreprise peuvent ne pas être totalement en accord avec ceux des actionnaires. En réalité, ils ont souvent accès à des informations que les actionnaires n'ont pas et peuvent ainsi les exploiter à leur propre avantage.

Trois grands camps académiques s'opposent sur cette question

Tout d’abord, il existe le modèle de négociation sans lien de dépendance («arm’s-lengthbargaining model»), selon lequel les conseils d'administration tentent de maximiser les intérêts des actionnaires, sous réserve des contraintes imposées par la rémunération des dirigeants.

Ensuite, il y a le modèle de coût perçu («perceived-cost view»). Il suppose que les dirigeants réfractaires aux risques ne peuvent pas couvrir le risque des options et sont donc systématiquement dissuadés.

Enfin, le dernier modèle est celui du pouvoir des dirigeants («managerial-power model»), selon lequel les conseils d'administration cherchent à obtenir la rémunération la plus favorable pour les dirigeants, sous réserve des pénalités et des coûts éventuels du marché. D’un point de vue tout à fait personnel, je trouve que ce modèle explique plus facilement la question de la rémunération des PDG car les dirrigeants chercheront toujours à augmenter leurs revenus.

En documentant l'évolution de la rémunération des PDG aux Etats-Unis entre 1996 et 2010, mon étude montre, à l'aide de deux séries de données, que la rémunération des PDG a augmenté pendant la bulle Internet pour atteindre un pic en termes nominaux en 2000, après quoi elle a diminué jusqu'en 2004, puis a recommencé à augmenter.

En particulier, j'ai constaté que la rémunération des PDG a augmenté en moyenne de 2,7 millions de dollars entre 1996 et 2010. Comme on pouvait s'y attendre, l'évolution de cette rémunération a beaucoup varié en fonction de l'état du marché boursier et de l'économie.

L'antidatage a disparu lorsque la SEC a renforcé les règles de déclaration.

Les composantes de la rémunération ont également changé au cours de cette période, avec une augmentation considérable de la rémunération à base d'actions. Les options d'achat d'actions sont devenues la composante la plus importante de la rémunération en 2000-2001, la plupart des options ayant des périodes d'acquisition d'un à trois ans.

En 2010, les actions constituaient près de 35% de la rémunération totale, tandis que les options prévues ont augmenté de près de 25% entre 1997 et 2010. Au cours de cette période, la rémunération en espèces a connu une augmentation plus modeste.

La majeure partie de l'augmentation de la rémunération en actions entre 1996 et 2001 est due à l'augmentation des attributions d'options sur actions, mais celles-ci sont devenues moins populaires pendant la bulle Internet, les entreprises passant à l'attribution directe d'actions.

L'étude montre également l'évolution de certaines pratiques utilisées pour gonfler la valeur des incitations. Par exemple, la pratique de l'antidatage des options, qui avait proliféré dans les années 1990, a diminué après la loi Sarbanes-Oxley de 2002. L'antidatage a disparu lorsque la «Securities and Exchange Commission (SEC)» des Etats-Unis a renforcé les règles de déclaration de sorte que cette pratique est devenue presque impossible à mettre en œuvre.

Quelle que soit la combinaison des compensations, que ce soit le salaire, les bonus, du capital ou des options, lorsque des conseils d'administrations souhaitent motiver leur direction générale et améliorer la performance de l'entreprise, ils devraient peser le coût marginal de chaque forme de compensation contre les bénéfices tirés à encourager la direction à prendre des décisions qui servent les intérêts de l'actionnariat. 

Peu importe la valeur des compétences des dirigeants, les conseils d’administrations doivent toujours aligner les intérêts des actionnaires sur ceux du PDG.

 

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