Que reste-t-il de l’inflation?

Gilles Moëc, AXA IM

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L’évaluation de la pression concernant l’inflation reste difficile. Il est peu probable que la Réserve fédérale se laisse influencer par ce développement.

Les prix à la consommation des Etats-Unis nous ont surpris en avril avec une hausse significative. Toutefois, l’évaluation de la pression concernant l’inflation reste difficile. Il est peu probable que la Réserve fédérale se laisse influencer par ce développement. Dans la zone euro, la BCE doit répondre à une question importante: Quel est l’avenir du Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP)?

Tous parlent de l’inflation: va-t-elle se confirmer?
  • La forte hausse de l’indice sous-jacent des Etats-Unis ne peut être due qu’à trois points: Véhicules d’occasion (+21% par rapport à l’année précédente), coût des vols (+9,6%) et location de véhicules (+81%). Si l’on élimine ces composants, il apparaît que la progression de l’inflation sous-jacente reste au niveau d’avant la pandémie. Il est alors évident que les variations des prix reflètent la reprise de l’économie ou les goulots d’étranglement exogènes (comme la pénurie actuelle de micropuces).
  • Pour ce qui est de l’avenir, nous pouvons constater, au regard des niveaux de prix toujours bas de certains composants de l’indice, qu’il pourrait y avoir des augmentations dans certains domaines qui ne reflèteront pas nécessairement une véritable modification endogène du régime inflationnaire. Les faucons de l’inflation qualifient le développement salarial d’indicateur, en insistant sur la «pénurie de la main d’oeuvre». Nous ne croyons pas que cette tendance sera significative, même dans les statistiques du développement salarial sur le long terme.
  • Nous sommes d’avis qu’il n’y a pas encore de «smoking gun», indiquant avec fiabilité que l’inflation augmentera durablement aux Etats-Unis. Selon nous, les leaders d’opinion adoptent ici deux positions extrêmes: Les uns considèrent l’inflation comme un «monstre mort» comparable aux années 2012 à 2019, les autres craignent une spirale inflationnaire incontrôlable comme en 1972. Pour stabiliser l’inflation à une valeur de 2%, les preneurs de décision politiques ne doivent pas céder à la panique mais surveiller étroitement les facteurs qui ont une influence significative sur l’inflation, comme les négociations salariales.
Le fossé inflationnaire européen
  • La zone euro est dans une toute autre situation. Certes, les prix à la consommation se sont accélérés ici aussi. Mais cela est loin d’être suffisant pour compenser l’agrandissement additionnel du fossé inflationnaire déclenché par la pandémie.
  • A l’heure actuelle, le principal problème de la BCE réside moins dans le risque de consolidation des attentes concernant l’inflation rapide et à un niveau trop élevé comme aux Etats-Unis, mais plutôt dans la difficulté à protéger efficacement le marché obligataire européen d’une contamination aux Etats-Unis.
  • Entre-temps, la thèse selon laquelle les rendements des obligations souveraines dans la zone euro se sont détachés des rendements pour les obligations souveraines des Etats-Unis ne décrit plus correctement la situation sur le marché. L’augmentation du rythme des dépenses à réaliser dans le cadre du programme PEPP prévue par la BCE ne semble pas vraiment efficace.
  • A l’heure actuelle, nous ne sommes pas persuadés que la BCE réduira son rythme d’achat à compter de la réunion de juin. Dans les prochains mois, l’inflation devrait avoir atteint son maximum, ce qui suscite encore plus d’inquiétude et promeut les attentes inflationnistes des Etats-Unis. Les rendements des Etats-Unis devraient subir une pression à la hausse additionnelle et peut-être influencer ainsi les marchés européens. Nous qualifions de «courageuse» une éventuelle réduction du rythme en juin qui pourrait forcer la BCE à faire un retour en arrière au mois de septembre. Nous pensons qu’il serait plus judicieux d’attendre l’évolution du marché avec un été compliqué pour la FED avant de changer le cours actuel.
  • Par ailleurs, nous estimons que la baisse du rythme d’achat en juin devrait tenir compte d’un fait majeur, à savoir que la pandémie est loin d’être surmontée. En Europe, les progrès en matière de vaccination continuent. Mais il est possible qu’ils soient confrontés au dernier moment à des défis comparables à ceux qui sont observés aux Etats-Unis, à savoir les opposants à la vaccination.

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