Prise de dette

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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La question des dettes publiques européennes a été «mise sous cloche» par la pandémie. Mais le torchon brûle entre «cigales» et «fourmis».

 

Ils avaient déjà du plomb dans l’aile, la pandémie les aura achevés… Les critères de Maastricht en matière de convergence budgétaire et de dette (les fameux 3% et 60% du PIB), déjà si contestés par certains, sont d’ores et déjà enterrés. Les nouveaux critères feront l’objet, à n’en pas douter, d’âpres négociations l’an prochain, avant leur mise en œuvre en 2023. 

Car le torchon brûle déjà entre «cigales» et «fourmis» européennes, les premières appelant à plus de «solidarité», les seconds à plus de «discipline». La mise en œuvre d’un plan de relance européen, l’émission et la constitution d’une dette obligataire «commune» - qui devrait donner lieu à l’établissement de ressources également propres - ont été saluées par les uns comme la preuve qu’une plus grande coordination ne pouvant que profiter à tous et par les autres comme le signal d’un droit de regard et de contrôle accru sur les finances nationales inacceptables. Dans un cas comme dans l’autre, faute de clarification, le désenchantement guette.

Avec la crise grecque, il est apparu évident qu’une union monétaire s’accompagnait peu ou prou de transferts entre pays membres.

La crise grecque a constitué une première et douloureuse alerte au cours de laquelle, il est apparu évident qu’une union monétaire s’accompagnait peu ou prou de transferts entre pays membres. Clairement, la menace de sortie du système d’un membre, mettait en péril toute l’organisation. 

Les tenants de l’imperfection et de l’incomplétude de la zone monétaire unique en furent pour leurs frais, mais au prix de lourds sacrifices et de contraintes d’ajustement violents pour les pays concernés. Les séquelles de cette crise se font encore sentir, alors que la Banque centrale européenne doit encore intervenir pour assurer un accès égal à la liquidité au sein de la zone euro. Le «whatever it takes» n’a fait que se prolonger. 

Au sortir de la pandémie, la France a rejoint les «pays du club Med1» de la zone euro; ceux dont la dette dépasse les 100% du PIB. Poids lourd et moteur de la zone euro, la France se trouve ainsi aux avant-postes de la négociation, poussée par la nécessité plus que par la raison. Les pays «frugaux» auront beau jeu de pointer les défaillances de leurs partenaires, au risque de provoquer une nouvelle crise de confiance parmi les investisseurs et d’amoindrir l’union commerciale et monétaire, pilier central de la croissance et de la résistance européenne.

Plus de solidarité demandée rimera avec plus, toujours plus, de contrôle à supporter, et moins de souveraineté à exercer.

Il ne fait aucun doute que la mise à plat des critères de convergence budgétaire est une condition sine qua non de la poursuite du projet européen, et qu’il conviendra à cette occasion de se rappeler les objectifs fondamentaux de la construction européenne et les bénéfices considérables que tous ont tiré de l’union monétaire depuis plus de deux décennies, face aux fluctuations financières du monde.

Pour les pays membres en difficulté, cette renégociation ne saurait être le moyen de se soustraire aux exigences nécessaires d’une reprise en main de leurs finances publiques. S’en remettre à l’Europe, en transférant au niveau de la Commission une partie de la gestion de la dette commune, n’a de sens que et si cela permet d’alléger le poids des efforts à consentir, non pas d’y échapper. Car plus de solidarité demandée rimera avec plus, toujours plus, de contrôle à supporter, et moins de souveraineté à exercer.

Au-delà des accords techniques de quelque nature qu’ils soient, ce sont bien un arrangement et des engagements politiques solides que les Etats-membres devront trouver ensemble.

 

1 Voir l’article «La France du club Med» du 29 juin 2021

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