Par ricochet

Communiqué, Muzinich & Co

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Cette semaine à la une, Muzinich revient sur une semaine riche en données économiques, qui a révélé l'impact des droits de douane américains.

Partout dans le monde, les gouvernements et les entreprises prennent diverses mesures pour contrer les effets des droits de douane réciproques imposés par les États-Unis. Certains pays, comme la Chine, puisent dans leurs réserves financières pour en atténuer l'impact.

La semaine dernière, les investisseurs ont suivi avec beaucoup d'intérêt les dernières données manufacturières chinoises à la recherche de signes de tensions liées aux droits de douane. L'indice officiel des directeurs d'achat (PMI) dans le secteur manufacturier, qui reflète principalement l'activité des entreprises publiques, a légèrement progressé, passant de 49,0 en avril à 49,5 en mai, conformément aux attentes, mais restant en contraction.

En revanche, l'indice PMI manufacturier Caixin, plus représentatif des entreprises privées, a chuté à 48,3, son plus bas niveau depuis septembre 2022. Avec ces deux indices désormais clairement en contraction, le poids des droits de douane américains devient de plus en plus évident.

Accélération

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que le gouvernement chinois renforce son soutien. Au cours des quatre premiers mois de 2025, les dépenses publiques ont atteint leur plus haut niveau depuis au moins dix ans. Le déficit budgétaire consolidé a atteint 2700 milliards de yuans en avril, soit 22,4% de l'objectif annuel. Dans le même temps, les taux préférentiels de prêt (LPR) de la Chine restent à des niveaux historiquement bas. Le LPR à 1 an, qui sert de référence pour la plupart des prêts nouveaux et en cours, s'établit à 3,0%, tandis que le LPR à 5 ans, principalement utilisé pour les prêts hypothécaires, est de 3,5%.

La combinaison de l'augmentation des dépenses budgétaires et des taux d'intérêt historiquement bas renforce notre opinion selon laquelle des mesures de relance monétaire et budgétaire sont activement et vigoureusement mises en œuvre pour soutenir la demande intérieure. En conséquence, la prévision médiane consensuelle de Bloomberg pour la croissance de la Chine en 2025 est passée de 4,2% en avril à 4,5%. Nous prévoyons que les révisions à la hausse se poursuivront, à condition qu'il n'y ait pas de nouvelle escalade dans le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine.

À cet égard, l'optimisme s'est ravivé en fin de semaine dernière après un entretien téléphonique de 90 minutes entre le président Trump et le président Xi, qui semble avoir permis de sortir de l'impasse sur les minéraux critiques et d'autres questions urgentes, ouvrant la voie à la reprise des négociations commerciales. M. Trump a reconnu que les relations commerciales entre les États-Unis et la Chine avaient «un peu déraillé», mais a ajouté que «nous sommes désormais en très bonne posture avec la Chine et l'accord commercial».

Dernière baisse?

En Europe, les investisseurs attendaient avec impatience les nouvelles projections de la Banque centrale européenne (BCE), les premières depuis mars, qui ont été publiées avant le jour de la libération. La BCE a ouvert la réunion en abaissant son taux de dépôt de 25 points de base à 2%, sa huitième baisse en 12 mois. Cette décision a été motivée par le ralentissement de l'inflation – l'indice des prix à la consommation de la zone euro pour le mois de mai est inférieur aux prévisions, à 1,9%, son premier résultat inférieur à 2% en quatre ans – ainsi que par les pressions économiques croissantes liées aux droits de douane.

Selon le scénario de base de la BCE, les droits de douane américains sur les produits de l'UE devraient rester à 10% tout au long de la période de projection. Ce scénario table sur une incertitude accrue en matière de politique commerciale et sur un euro fort comme principaux facteurs pesant sur la croissance. Toutefois, l'activité économique devrait être soutenue par la hausse des salaires réels, les gains en matière d'emploi et des conditions de financement moins restrictives.

En outre, l'augmentation des dépenses publiques dans les infrastructures et la défense, en particulier en Allemagne, devrait soutenir une reprise progressive en 2026. La semaine dernière, le gouvernement allemand a annoncé son intention d'adopter cet été un train de mesures fiscales visant à alléger la charge fiscale des entreprises à hauteur de 46 milliards d'euros afin d'aider la première économie de la zone euro à sortir de la stagnation.

En conséquence, les services de la BCE ont largement maintenu leurs projections de croissance de mars. Les prévisions pour 2025 et 2027 restent inchangées, à 0,9% et 1,3% respectivement, tandis que la projection pour 2026 a été légèrement révisée à la baisse, de 0,1 point de pourcentage, à 1,1%. La banque centrale s'est également déclarée confiante quant à la convergence de l'inflation sous-jacente vers son objectif à moyen terme de 2%. Dans ses projections de juin, les prévisions d'inflation pour 2025 et 2026 ont été révisées à la baisse de 0,3 point de pourcentage, à 2% et 1,6% respectivement, avant de rebondir à 2% en 2027 (voir le graphique de la semaine).

S'adressant aux journalistes, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déclaré que la politique monétaire était « bien placée pour naviguer dans un environnement incertain » et a souligné que la banque centrale «arrivait à la fin d'un cycle de politique monétaire».

La BCE est désormais fermement dépendante des données, les projections de septembre de ses services devant servir d'indicateur clé pour déterminer si une pause dans les baisses de taux ou un nouvel assouplissement suivra. Les anticipations du marché, telles que reflétées par les swaps de taux d'intérêt au jour le jour, suggèrent une nouvelle baisse de 25 points de base pour mettre fin au cycle.

Emploi et droits de douane

Aux États-Unis, les investisseurs ont été principalement préoccupés par l'évolution du commerce et de l'emploi. La semaine a débuté sur une note négative avec l'annonce d'une augmentation à 50% des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium, à l'exception du Royaume-Uni. Cette mesure devrait frapper de plein fouet les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, en particulier le Canada, premier fournisseur de ces deux métaux aux États-Unis.

Par ailleurs, le dernier rapport du Trésor américain sur les devises a conclu qu'aucun partenaire commercial majeur ne remplissait les critères de manipulation monétaire au cours des quatre trimestres clos en décembre. Toutefois, la liste des pays surveillés a été élargie à neuf économies, l'Irlande et la Suisse venant s'ajouter à l'Allemagne, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, Singapour, Taïwan et le Vietnam. En réponse, la Banque nationale suisse (BNS) a déclaré: «La BNS ne manipule pas le franc suisse».

Le rapport commercial américain d'avril a donné aux investisseurs le signe le plus clair à ce jour de l'impact des mesures tarifaires réciproques. Le déficit commercial s'est fortement réduit pour s'établir à 61,6 milliards de dollars, son plus bas niveau depuis septembre 2023, contre 138,3 milliards de dollars en mars. Cette évolution s'explique par une baisse record de 16,3% des importations, notamment des produits pharmaceutiques, des fournitures industrielles, des véhicules et des biens d'équipement, parallèlement à une hausse de 3% des exportations. Le déficit commercial avec l'Irlande s'est réduit à 9,5 milliards de dollars (contre 29,3 milliards), tandis que celui avec la Chine s'est ramené à 19,7 milliards.

Étant donné que la baisse des importations stimule automatiquement le PIB, les prévisions de croissance pour le deuxième trimestre ont bondi, le modèle GDPNow de la Fed d'Atlanta tablant désormais sur une croissance annualisée de 3,8%.

Une série de rapports mitigés sur le marché du travail a donné un ton prudent avant la publication cruciale des chiffres de l'emploi non agricole (NFP). Le rapport sur les offres d'emploi et la rotation de la main-d'œuvre a montré une augmentation des licenciements et une baisse du taux de démission, ce qui suggère que les travailleurs ont plus de mal à trouver un nouvel emploi. Ce rapport a été suivi par les chiffres de l'emploi dans le secteur privé publiés par ADP, qui n'ont augmenté que de 37'000, soit le rythme de création d'emplois le plus lent depuis deux ans, bien en deçà des estimations.

Dans le même temps, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont grimpé à 247'000, leur plus haut niveau en plus d'un an. Quant au rapport NFP, les chiffres globaux ont apporté un certain soulagement, avec une hausse de 139'000 emplois, supérieure aux attentes, tandis que le taux de chômage est resté stable à 4,2%.

Toutefois, les détails sous-jacents étaient moins encourageants. La croissance de l'emploi s'est modérée en mai et les chiffres des mois précédents ont été révisés à la baisse. L'enquête auprès des ménages, qui alimente le taux de chômage, a révélé une augmentation de 254'000 du nombre de personnes passant de l'emploi au chômage, la plus forte hausse depuis le début de 2022. Dans le même temps, le taux d'activité a reculé à 62,4%. Cela suggère que le chômage est resté stable pour de mauvaises raisons, non pas en raison d'une création d'emplois robuste, mais parce que davantage de travailleurs ont quitté le marché du travail.

Définir le ton

La première semaine du mois est souvent déterminante pour définir le ton et l'orientation des prix des actifs, car elle est marquée par une vague de données économiques clés et d'annonces des banques centrales qui incitent les investisseurs à ajuster leurs anticipations. Décrypter ce flux d'informations est toujours un défi, mais cela s'avère particulièrement délicat en 2025 compte tenu du degré inhabituel de transparence et du bruit qui entourent le fonctionnement interne de l'administration américaine.

Toutefois, si l'on se base sur l'évolution des cours de la semaine dernière, plusieurs tendances se dégagent. Le sentiment des investisseurs reste constructif: les actions mondiales se sont fortement redressées depuis la faiblesse observée en avril à la suite du «Liberation Day»; le crédit high yield surperforme l'investment grade; et les inquiétudes liées à la croissance s'estompent, comme en témoignent la hausse des prix des matières premières et la surperformance des devises des marchés émergents par rapport à celles des marchés développés.

Sur les marchés des taux d'intérêt, les courbes de rendement des obligations d'État de la zone euro et des États-Unis se sont aplaties, indiquant que les banques centrales devraient maintenir leurs taux inchangés pour l'instant, même si elles restent déterminées à ancrer les anticipations d'inflation. Parallèlement, la faiblesse persistante du dollar américain par rapport aux autres devises mondiales suggère que les investisseurs considèrent les États-Unis comme la région la plus incertaine et potentiellement la plus susceptible d'entraîner un ralentissement ou une correction des prix des actifs dans les mois à venir.

Graphique de la semaine: Aucun signe de pression économique dans la zone euro 

(variation annuelle en %)


Source: European Central Bank, Macroeconomic Projections, as of June 05, 2025. For illustrative purposes only.

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