Marché haussier: il est trop tôt pour sonner le glas

Philippe G. Müller, UBS

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La Fed n'est pas aussi stricte que les réactions des marchés le suggèrent.

Les marchés haussiers ne meurent pas de vieillesse: le plus souvent, c'est la surchauffe de l'économie, la hausse des taux d'intérêt et les conditions financières restrictives qui y mettent un terme. Par conséquent, l'un des principaux risques à surveiller est la possibilité que la vigueur de l'économie américaine incite la Réserve fédérale à relever plus rapidement ses taux d'intérêt.

Les récentes dynamiques de marché témoignent de l'inquiétude face à ce risque. La hausse des rendements obligataires suscitée par la bonne tenue des indicateurs économiques aux États-Unis n'est pas étrangère à la sévère correction essuyée par les actions en début de mois. 

Et la semaine dernière, après la publication du procès-verbal de la réunion du Federal Open Market Committee (FOMC) du mois de septembre, les rendements obligataires ont grimpé et les actions ont chuté. En effet, les investisseurs se sont focalisés sur la volonté de certains responsables de la Fed de porter les taux à un niveau restrictif.

Néanmoins, même si ce risque est à surveiller de près, il est prématuré de décréter la fin du marché haussier.

Le rendement des bons du Trésor américain
à dix ans ne devrait guère augmenter.

Même si certains membres de la Fed plaident pour une politique restrictive, le dernier procès-verbal mentionne également que d'autres membres s'opposent à ce que les taux soient portés à des niveaux restrictifs. Ils ont en outre réaffirmé que le retrait de la référence à une politique «accommodante» n'est pas un signal d'inflexion des orientations de politique monétaire. 

D'après UBS, la hausse des rendements dans le sillage de la publication du procès-verbal de la réunion du FOMC est le reflet d'un rattrapage du marché par rapport à la Fed, plutôt que d'un changement dans la réflexion de la banque centrale.

Il est probable que d’ici fin 2020, le taux des fonds fédéraux culminera à 3,25% – 3,5% avec à la clé une courbe des rendements plate ou légèrement inversée. Les marchés ont désormais largement intégré la totalité du cycle de relèvement des taux de la Fed.

La surchauffe est un risque, mais pas encore une réalité

L'inflation est conforme à l'objectif de la Fed et le taux de chômage est inférieur au niveau duquel, historiquement, la Fed s'attendrait à voir l'inflation s'accélérer. Néanmoins, la pression inflationniste ne s'est pas encore nettement accentuée. Le taux d’abandon, mentionné dans le rapport JOLTS relatif au mois d'août publié la semaine dernière, qui est un indicateur important de la pression salariale, est resté inchangé par rapport au mois précédent.

Hors secteur immobilier, peu de signes que la hausse
des taux pèse sur l'économie américaine.

Bien que les mises en chantier et les prix des logements donnent quelques signes d'essoufflement, l'indice Chicago Fed National Financial Conditions, qui s'élève actuellement à -0,88, indique que les conditions financières demeurent nettement plus souples que la moyenne.

La croissance des bénéfices compense la hausse des rendements

La forte croissance des bénéfices aux États-Unis a fait augmenter la prime de risque sur actions, un indicateur qui permet de comparer la valorisation des actions par rapport à celle des obligations. À 3,8%, cette prime reste supérieure à son niveau médian de 3,2% depuis 1960.

La Fed devrait continuer à relever ses taux régulièrement et UBS ne voit guère ce qui pourrait l'amener à accélérer le resserrement monétaire. 

UBS privilégie une surpondération des actions mondiales.

UBS prévoit que les actions américaines seront en mesure de surmonter ce resserrement graduel grâce à la forte croissance des bénéfices des entreprises, qui devrait atteindre 23 à 24% au troisième trimestre. Cela dit, malgré les perspectives encourageantes aux États-Unis, les actions ne sont pas à l'abri des corrections. Aussi, UBS surpondère le profil risque / rendement des actions mondiales.

La hausse des taux d'intérêt conjuguée à l'appréciation du dollar américain a créé un environnement défavorable aux marchés émergents et il serait prématuré d'accroître l'exposition aux actions ou aux devises émergentes. Cependant, les obligations souveraines émergentes libellées en dollars américain (indice EMBIGD) semblent intéressantes compte tenu de leur rendement de 6,5% et de la bonne diversification de cet indice, c'est pourquoi UBS les surpondère.

UBS surpondère également les bons du Trésor américain à dix ans, dont les rendements reflètent désormais largement le cycle de relèvement des taux de la Fed. Cette position présente des avantages du point de vue de la diversification et bénéficie aussi d'un portage positif. 

Les bons du Trésor surperformeront probablement si les risques qui pèsent sur les actions – possibilité d'un ralentissement économique en Chine ou d'une escalade des tensions commerciales entre Washington et Pékin – se matérialisent.

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