Depuis le début de la pandémie de coronavirus, les grands centres souffrent fortement de l’absence des touristes étrangers et en partie de celle des clients suisses de l’hôtellerie. Cette situation n’a pas changé pendant la saison estivale. Ce sont surtout les communes proches des aéroports qui ont accusé les plus fortes baisses de fréquentation. En revanche, celles qui sont traditionnellement très touristiques n’ont été que faiblement affectées par le recul du nombre de visiteurs étrangers pendant les mois d’été. Dans certains cantons, l’afflux plus important de clients helvétiques a même fait augmenter considérablement les nuitées en comparaison de la même période en 2019.

Après une paralysie presque totale de l’activité touristique liée à la pandémie de coronavirus pendant près de trois mois à partir de la mi-mars, la Suisse a rouvert ses frontières à tous les États de l’UE/AELE le 15 juin, précisément au début de la saison estivale, laquelle a permis au tourisme helvétique de se ressaisir un peu. Néanmoins, la plupart des propriétaires d’hôtel redoutaient de fortes pertes pendant l’été, à juste titre pour certains et à tort pour d’autres.

En avril, la baisse du nombre de nuitées à l’échelle nationale par rapport au même mois de 2019 a été de 92%, contre 26% seulement en juillet (fig. 1). Il y a néanmoins d’énormes différences entre les régions traditionnellement touristiques et les grands centres. Dans les hôtels de ces derniers, le nombre de nuitées a chuté de plus de 60% en juillet et en août tandis qu’il n’a reculé que de 20 à 30% dans ceux des petits et moyens centres pendant ces deux mois. C’est dans les régions touristiques que la situation a été la plus favorable, avec un repli ne dépassant pas 10% sur la même période. En outre, certaines régions ont même enregistré une augmentation significative du nombre de clients, comme le révèle un regard sur les différents cantons.

Sur les 26 cantons suisses, sept ont même enregistré une augmentation du nombre de nuitées pendant les mois d’été (juillet et août 2020) (fig. 2). Ceux d’Appenzell Rhodes-Intérieures (+27%) et d’Appenzell Rhodes-Extérieures (+15%) ont attiré principalement des Suisses romands, lesquels ont plus que compensé les autres groupes de touristes. Les cantons du Jura (+28%) et de Neuchâtel (+24%) ont également bénéficié du fait que beaucoup de Suisses ne soient pas partis en vacances à l’étranger. Étant donné la préférence de bien des touristes pour les régions plus reculées et proches de la nature, leur nombre a fortement augmenté au Tessin (+8%) et dans les Grisons (+7%) également. En revanche, les trois cantons citadins de Bâle-Ville (-57%), Zurich (-70%) et Genève (-72%) ont été les plus boudés. Quant aux cantons de Vaud (–31%), avec la ville de Lausanne, et de Berne (–28%), ils ont été moins fortement affectés, car ils possèdent tous deux des régions touristiques renommées qui ont accueilli davantage de touristes que leurs centres. Ces grandes différences observées entre les régions touristiques et les villes s’expliquent par la composition de leur clientèle respective étroitement liée aux pays d’origine.

Parmi les cantons, les gagnants et les perdants de la saison estivale 2020 se distinguent principalement par leur dépendance vis-à-vis des touristes étrangers, surtout non européens (fig. 3). En été 2019, des grandes villes telles que Bâle, Zurich et Genève avaient principalement accueilli des visiteurs étrangers. Or, la clientèle non européenne leur a fait presque entièrement défaut en juillet et août derniers en raison des restrictions d’entrée en Suisse. En outre, les touristes européens et helvétiques ont eux aussi été nettement moins nombreux à séjourner dans les grandes villes, ce qui s’explique notamment par l’annulation de conférences, de salons et de grands événements, ainsi que par la baisse du tourisme d’affaires. Dans les cantons touristiques en revanche, les clients nationaux ont plus que compensé le recul de la demande émanant des ressortissants européens et non européens.

Alors que le canton des Grisons a affiché une hausse globale du nombre de touristes de 7%, certaines de ses communes ont profité cet été de taux de croissance dont beaucoup rêveraient. Dans le classement des communes suisses ayant enregistré plus de 10'000 nuitées en juillet et août 2019 (143 communes au total), celles de Bregaglia (+81%), Flims (+57%) et Vaz/Obervaz (+47%) dans les Grisons occupent les premières places cette année (fig. 4). Parmi les dix communes ayant connu la plus forte augmentation, deux sont romandes, à savoir Yverdon-les-Bains (+46%) et Saillon (+45%), et deux autres sont tessinoises: Gambarogno (+37%) et Muralto (+33%) sur les rives du Lac Majeur. Les hôtels de ces communes ont ainsi pu compenser partiellement les pertes essuyées au printemps.

La situation est moins bonne pour les hôtels des grandes villes et ceux axés sur le tourisme d’affaires. Les établissements proches d’aéroports en particulier ont souffert de conditions défavorables et enregistré un effondrement du nombre de nuitées (fig. 5), notamment dans les sept communes suivantes: Meyrin (–83%), Grand-Saconnex (–83%), Opfikon (–81%), Rümlang (–78%), Kloten (–74%), Wallisellen (–74%) et Vernier (–70%). Celle de Lancy (–78%), limitrophe de Genève, et la ville de Zurich (–73%) ont été fortement affectées elles aussi. Même évolution pour Affoltern am Albis dans le canton de Zurich (–74%): bien que ce pôle régional du district d’Affoltern ne soit pas proche de l’aéroport et ne fasse pas directement partie du grand centre de Zurich, il est très prisé par les voyagistes asiatiques, qui apprécient ses hôtels à prix avantageux disposant de grandes surfaces de parking. Les touristes originaires d’Asie y ont représenté 48% des nuitées en été 2019 contre 3% seulement en été 2020.