Les raisins de la patience

Thomas Planell, DNCA Invest

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L’attente d’un point bas risque d’être plus longue que prévu. Et ce n’est qu’à ce moment d’affliction extrême que les fruits seront mûrs.

Durant un bear market l'effondrement des prix dilapide le capital, le temps éprouve les nerfs et la patience des investisseurs. Neuf mois après cette première semaine de janvier au cours de laquelle Jérôme Powell a décidé d'enterrer l'ère des taux réels négatifs, les portefeuilles continuent de subir l'une des mises à l'épreuve les plus violentes des 120 dernières années.

Il faut remonter à la Grande Dépression des années 30, Pearl Harbour ou au choc pétrolier des années 1970 pour retrouver la mémoire d'un massacre aussi brutal du portefeuille diversifié. En 2022, une allocation 60/40 en actions du S&P500 et en bons du Trésor américain cède plus de 21%. En 2008, 14%. En 1969, 7%. A l'avènement de la guerre du Pacifique, près de 9%. Deux ans après le krach de 1929, 27,5%. Rarement en dehors de ces épisodes extrêmes les actifs à taux fixes et les actions ont été autant corrélés dans leur chute.

Et pourtant, alors que les indices enregistrent de nouveaux points bas, la prime de risque du S&P500 est étonnamment peu rémunératrice. A 2%, elle s'établit plus d'un écart type en deçà de sa moyenne de 20 ans.

Quelque 89 milliards de dollars d’actifs risqués ont été cédés en faveur d'une reconstitution des liquidités des portefeuilles…

Jusqu’en septembre, la compression du rendement bénéficiaire excédentaire des actions découlait principalement de la hausse des taux. A présent que le travail de révisions à la baisse des bénéfices a commencé au gré du chapelet d’avertissements sur résultats des dernières semaines, la dégradation des fondamentaux d’entreprises risque d’apporter de l’eau au moulin des vendeurs. La baisse significative des futures sur dividendes est à ce titre probablement annonciatrice de l’ampleur des corrections que les analystes appliqueront aux résultats escomptés pour les prochains trimestres.

C'est probablement ce constat inquiétant qui a causé la saignée de la semaine qui précédait les chiffres tant attendus de l'inflation américaine en septembre. Quelque 89 milliards de dollars d’actifs risqués ont été cédés en faveur d'une reconstitution des liquidités des portefeuilles…

Les indicateurs de positionnement et de sentiment confirment ce pessimisme historique. Pour autant, ces paramètres techniques ne peuvent à eux seuls justifier un retour agressif du risque dans les allocations. Au mieux présagent-ils de bear market rallyes qui doivent permettre, comme en août, de repositionner les portefeuilles plutôt que de céder à l’engouement momentané et dangereux de ces phases de marchés qui exacerbent les biais émotionnels des investisseurs.

La journée du 13 octobre, au cours de laquelle les marchés ont oscillé entre l’euphorie d’un repli des taux britanniques, la terreur d’un chiffre d’inflation supérieur aux attentes avant d’aboutir 4% plus haut suite au fort rebond des indices américains rappelle que la volatilité évolue à des niveaux extrêmes, ce qui ôtent à tout signal d’achat sa robustesse statistique.

Certes, pour les investisseurs les plus optimistes, la question n’est pas de savoir si mais quand l'inflation et la hausse des taux marqueront les premiers signes d’accalmie. Néanmoins, l’attente de ces marqueurs caractéristiques d’un point bas sur les marchés risque d’être plus longue que prévu. Il incombe toujours aux marchés d’abandonner l’idée d’une baisse des taux de la Fed dès 2023 pour se purger des chimères qui les hantent depuis trop longtemps… C’est à ce moment d’affliction extrême où le moins de voix optimistes s’élèveront que les fruits de la patience pourront être cueillis.

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