La normalisation de l’inflation étant l’ingrédient essentiel d’une poursuite non turbulente du cycle économique, il est bon de se concentrer sur ces données.
Tout d’abord, il convient de noter que les données ont surpris par rapport aux attentes, mais pas au point d’infirmer la tendance à l'apaisement. En effet, on constate qu’en variation annuelle, l’inflation à la consommation a diminué entre décembre et janvier, passant de 3,4% à 3,1%, tandis que l’inflation à la production est bien plus faible et est passée de 1,0% à 0,9% au cours du dernier mois.
Ainsi, l’inflation ne s’accélère pas mais se stabilise aux alentours de 1% pour les prix à la production et aux alentours de 3% pour les prix à la consommation.
Il convient toutefois de noter que pour les prix à la consommation, l’approche des 2%, à partir des 3% actuels, est plus lente que le déclin rapide depuis les pics (aux alentours de 9% pour les États-Unis et de 10% pour la zone euro).
C’est ce que l’on appelle le «dernier kilomètre», le plus lent. C’est la raison principale pour laquelle les banques centrales ne sont pas pressées de déclarer la lutte contre l’inflation définitivement terminée.
Le ralentissement de l’inflation, et non son inversion à la hausse, apparaît clairement lorsqu’on analyse les postes qui composent le panier de prix à la consommation.
Tant aux États-Unis que dans la zone euro, le nombre d’éléments qui connaissent une inflation annuelle modérée est, depuis plusieurs mois, largement supérieur à celui des composantes dont l’inflation est en hausse.
Ces indicateurs qui, au plus fort de la poussée inflationniste, indiquaient une inflexion à la baisse, n’indiquent pas aujourd’hui un retournement à la hausse, mais plutôt une stabilisation.
Tant aux États-Unis que dans la zone euro, il est possible que la stabilisation se fasse à un niveau plus bas qu’actuellement, mais il ne faut pas ignorer que l’approche des 2% sera lente.
L’hypothèse d’une stabilisation (et non d’une inversion à la hausse) est également confirmée par la lecture des marchés. Les estimations de l’inflation obtenues en comparant les taux d’échéance des obligations nominales et réelles montrent des inflations stables pour toutes les échéances aux alentours de 2% depuis de nombreux mois.
Les données sur l’inflation aux États-Unis ont contribué à la poursuite de la réévaluation des attentes en matière de taux, sans les fausser.
Fin 2023, les marchés prévoyaient que la phase d’assouplissement commencerait dès le mois de mars. Aujourd’hui, les futures du marché monétaire laissent présager une première baisse des taux de la BCE et de la Fed en juin. Les prévisions actuelles semblent plus réalistes que celles relatives à la fin de l’année 2023.
Dans une perspective d’avenir, dans les prévisions actuelles des futures, le niveau d’atterrissage des taux de la Fed se situe à 3,0%-3,5% et celui de la BCE à 2,0%-2,5%. Dans les deux cas, il s’agit de 200 points de base en dessous des niveaux actuels, mais bien loin des niveaux les plus bas du cycle précédent.
Ces attentes sont compatibles à la fois avec la fin du choc inflationniste et la poursuite du cycle économique, la combinaison idéale pour le scénario à moyen terme.
Il n’est pas exclu que, dans l’immédiat, la hausse se poursuive, compte tenu de la solidité des données macroéconomiques, mais la stabilisation des anticipations ne devrait pas tarder. Les réunions de mars, celle de la BCE le 7 et celle de la Fed le 20, seront importantes pour guider les investisseurs dans cette direction.
Le scénario combinant stabilisation de l’inflation et poursuite du cycle économique se reflète également dans l’inversion des courbes de taux d’intérêt gouvernementaux.
Les taux courts, plus élevés que les taux longs, tant aux États-Unis que dans la zone euro, laissent penser que les taux des banques centrales sont maintenant à leur maximum et que le prochain mouvement sera à la baisse. Selon les courbes des taux forward, les taux à court terme se situeront, dans un an, un point en dessous des niveaux actuels. À ce moment-là, les courbes d’échéance seront plates, alors qu’elles devraient suivre une tendance positive à la mi-2025, lorsque la normalisation des taux de la Banque centrale sera terminée.
Selon les courbes des taux forward, les taux gouvernementaux à plus long terme seraient peu modifiés par rapport aux niveaux actuels, malgré les baisses de taux des banques centrales. Cette lecture s’explique par l’anticipation d’une poursuite du cycle économique pour les prochaines années. Ellese veut rassurante quant au scénario général et aux perspectives des actifs à risque. Mais cela indique également que le niveau actuel des taux d'intérêt publics à long terme constitue une police d'assurance pratique contre l'éventualité d'un cycle économique plus court que prévu.
Le contexte reste favorable aux marchés des actions, qui ont atteint ces dernières semaines de nouveaux sommets absolus, tant aux États-Unis (indice S&P 500) que dans la zone euro (indice Eurostoxx).
Dans l’immédiat, la réévaluation des anticipations de baisse des taux pourrait freiner le mouvement haussier, même si l’on considère la rapidité de la hausse de novembre à aujourd’hui, mais elle ne semble pas en mesure d’affecter de manière significative la tendance sous-jacente.
Le principal soutien des actions provient de la croissance des bénéfices, récemment confirmée par la saison de déclaration pour le dernier trimestre 2023.
Selon les estimations des analystes, les bénéfices des entreprises devraient augmenter cette année, en 2025 puis également en 2026, à un rythme conforme aux moyennes des cycles précédents. Il s’agit d’hypothèses qui semblent réalistes, dans le cas d’un cycle économique qui a finalement trouvé une stabilité après son démarrage turbulent post-Covid et qui peut désormais poursuivre à sa vitesse de croisière (modérée).