La hausse de l’or depuis le début de l’année a été spectaculaire. Sur base de beaucoup d’indicateurs, l’or est aujourd’hui suracheté et une correction est évidemment possible et pourrait même être considérée comme saine. Une telle correction pourrait être déclenchée par un ralentissement ou un arrêt temporaire des achats des banques centrales, par une accalmie au niveau des tensions géopolitiques ou commerciales, ou tout simplement par des prises de bénéfice. Les achats des banques centrales sont généralement peu sensibles au cours, mais la rapidité avec laquelle ce cours a récemment monté pourrait néanmoins les inciter à ralentir ou à temporairement arrêter leurs achats. Par le passé, la demande d’or a par ailleurs souvent montré des effets saisonniers, avec un ralentissement à partir de mai et une reprise notable en automne. Une éventuelle correction du cours de l’or constituerait une opportunité d’achat. Les perspectives à long terme du métal jaune restent favorables pour les raisons que nous avons à maintes reprises développées dans notre publication Perspectives au cours des dernières années:
- Tout d’abord, pour les raisons exposées supra, l’offre d’or ne pourra pas beaucoup monter dans les années à venir. En même temps, l’offre de monnaies-papier ne fera que croître.
- Les développements géopolitiques, marqués par la fragmentation de l’économie mondiale en deux, voire plusieurs blocs et la perte de confiance dans le dollar, de plus en plus considéré comme une arme géopolitique utilisé par les Etats-Unis, continueront à plaider en faveur de l’or. Les achats des banques centrales orientales font partie d’une stratégie pour recycler leurs excédents commerciaux par des canaux autres que les emprunts d’Etats américains qui ont perdu leur éclat en tant qu’actifs sûrs et neutres.
- Comme indiqué supra, la demande financière est revenue dans la seconde moitié de 2024. Cette demande pourrait s’avérer d’autant plus importante qu’une éventuelle nouvelle hausse de l’inflation mettrait les banques centrales dans la situation désagréable de devoir choisir entre combattre l’inflation ou limiter le coût du service de la dette (paiements d’intérêts sur la dette existante). L’or constituant une protection contre l’inflation dans la sphère monétaire plutôt que dans l’économie réelle, tout retour des banques centrales vers des politiques monétaires beaucoup moins restrictives, voire vers un nouvel assouplissement quantitatif serait de nature à stimuler le cours du métal jaune. L’histoire a montré que les périodes d’endettement publics particulièrement élevés s’accompagnent toujours de taux réels (taux d’intérêt ajustés pour l’inflation) négatifs. Le recours à l’inflation permet de diminuer le coût réel de l’endettement, à condition de faire en sorte qu’une inflation plus élevée n’entraîne pas une remontée équivalente des taux d’intérêt.
- Parmi les fonctions généralement attribuées à une monnaie - unité de compte, moyen de paiement, et réserve de valeur -, l’or remplit essentiellement celle de réserve de valeur. A titre d’exemple, depuis le début de ce siècle, le taux d’inflation aux Etats-Unis s’est établi en moyenne à 2,6 % par an (sur base de l’indice des prix à la consommation. De nombreux observateurs estiment que cet indice sous-estime fortement la véritable augmentation du coût de la vie). Il en résulte que le dollar a perdu quelque 50 % de son pouvoir d’achat depuis 2000. Sur la même période, le métal jaune s’est apprécié de 10 % par an contre le dollar. Autrement dit, le billet vert, tout comme l’euro, a perdu 90 % de sa valeur contre l’or. Ce dernier a par contre non seulement protégé, mais augmenté le pouvoir d’achat de l’investisseur.
- Il y a eu des périodes plus ou moins longues où cette qualité de réserve de valeur de l’or n’a pas été recherchée, et où le métal jaune a été considéré comme une relique du passé. Il s’agit généralement de périodes pendant lesquelles les autorités monétaires se soucient de maintenir le pouvoir d’achat de leur monnaie et où les autorités fiscales font preuve de rigueur budgétaire. Durant de telles périodes, la fameuse remarque de Warren Buffett sur l’or est clairement valide : « Gold gets dug out of the ground in Africa, or someplace. Then we melt it down, dig another hole, bury it again, and pay people to stand around guarding it. It has no utility. Anyone watching from Mars would be scratching their head. » Entre 1980 et 2000, le cours de l’or s’est ainsi déprécié de plus de 50 % par rapport au dollar. A l’origine de cette baisse fut la décision de la Réserve fédérale sous Paul Volcker de procéder à un resserrement monétaire sans précédent pour combattre l’inflation. A noter que cette période fut également marquée par des déficits budgétaire limités dans les principaux pays industrialisés, les Etats-Unis enregistrant même un surplus budgétaire sous la présidence de Bill Clinton, et par le rôle important joué par la Bundesbank en Europe. Les temps ont clairement changé. En 2024, la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne ont ainsi relâché leur politique monétaire, alors que le taux d’inflation est resté supérieur à l’objectif qu’elles se sont elles-mêmes fixé. L’objectif de la stabilité des prix ne semble clairement plus prioritaire.
Pour conclure, les conditions pour une poursuite du mouvement haussier sur l’or semblent réunies. On entend souvent la remarque qu’après la forte hausse des dernières années, le cours de l’or est trop élevé et qu’il est trop tard pour acheter. Dans le cas de l’or, ce genre de considération n’a toutefois aucun sens. Trop élevé par rapport à quoi? Il est vrai que le cours du métal jaune est à un plus-haut historique, mais si on compare son évolution depuis 1980 par rapport à celle de variables économiques ou financières telles que les PIB des pays industrialisés, les masses monétaires, l’endettement public, les prix des maisons, les marchés boursiers, l’or reste largement à la traîne. En termes réels, la progression de l’or est par ailleurs nettement moins spectaculaire: ajusté pour l’inflation, les 850 dollars que l’or avait atteints en janvier 1980 durant une période d’inflation et de tensions géopolitiques élevées correspondrait à environ 3000 dollars aujourd’hui, niveau que le métal jaune n’a que récemment atteint.
Un investissement dans l’or devra toujours être vu comme une assurance et non pas comme un placement à court terme. Dans le contexte actuel, une autre citation de Warren Buffett semble à cet égard très pertinente: «Gold is a way of going long on fear, and it has a pretty good track record in that respect. But you really have to hope people become more afraid in a year or two than they are now. And if they become more afraid you make money, if they become less afraid you lose money, but the gold itself does not produce anything.»
Les entreprises aurifères
Dans la mesure où elles amplifient souvent les mouvements de l’or, les entreprises aurifères offrent un effet de levier pour les investisseurs confiants dans les perspectives à moyen et long terme du métal jaune. Il reste néanmoins que dans l’ensemble, ces entreprises n’ont que faiblement participé à la hausse des dernières années. L’indice des mines d’or se trouve ainsi quelque 25 % en-dessous de son niveau de septembre 2011, alors que le cours de l’or se situe entretemps plus de 70 % au-dessus de son cours de l’époque. La capitalisation d’Apple à elle seule représente plus de trois fois la capitalisation boursière totale du secteur.
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