Les banques manquent-elles de courage?

Oliver Weber, Crealogix Group

3 minutes de lecture

Google, Apple, Amazon et les néobanques ont intégré le paysage bancaire. Comment les institutions financières traditionnelles doivent-elles réagir?

De nombreux établissements bancaires et financiers ne semblent pas avoir encore réalisé le sérieux de la situation. Ils reconnaissent certes l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché dont les modèles commerciaux simples sont un succès, mais ne voient bien souvent pas la menace directe qu’ils représentent – selon le dernier sondage Crealogix. Les chiffres des néobanques et des prestataires financiers numériques suffisent à confirmer leurs bonnes performances. Ainsi, Revolut en Suisse compte déjà plus de 250’000 clients quand N26 avait déjà, avant lancement, une liste d’attente d’environ 20’000 clients potentiels. Les hommes, jeunes pour la plupart, et les cadres semblent d’après le Swiss Payment Monitor, une étude de HSG et de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW), être particulièrement attirés par ce type d’offres. Néanmoins, les trois-quarts des clients de ces nouveaux arrivants utilisent encore les offres des banques traditionnelles. Les néobanques sont donc pour le moment considérées comme un service additionnel.

De nouveaux modèles sont dans les starting-blocks

Outre les néobanques, d’autres nouveaux acteurs émergent dans l’univers bancaire. S’ils ne le font pas déjà, Google, Amazon, Facebook ou Apple souhaitent également proposer des services bancaires et financiers. Des entreprises chinoises comme Baidu, Alibaba, Tencent ou Huawei sont également présents sur le marché avec de nombreuses offres bancaires. La situation leur est pour le moment favorable, car tous les clients des banques sont également d’une manière ou d’une autre, clients de ces entreprises technologiques. Ces dernières ont donc un accès direct à ce vivier et peuvent donc directement leur proposer de nouvelles offres. Dans un sondage réalisé auprès des banques, Accenture a aussi constaté que dans les cinq prochaines années, les consommateurs envisagent de confier les deux-tiers de leurs besoins, tels que les crédits ou l’épargne, à des établissements non bancaires comme Amazon ou Google.

Ce qui compte pour les banques c’est que les décisions financières des clients
soient importantes et permettent une fidélisation sur le long terme.

Même si ces challengers montrent parfois encore des signes de faiblesse, la menace pour les institutions financières établies est donc réelle. De nombreuses banques se contentent encore de mettre en avant leurs stratégies de numérisation ou donnent tout simplement une touche cosmétique à leurs services d’e-banking. Mais ce qui compte pour les banques c’est que les décisions financières des clients comme, par exemple l’achat d’un logement ou la mise en place d’un plan d’épargne à long terme, soient importantes et permettent une fidélisation sur le long terme.

En Suisse, il existe déjà plusieurs banques de détail qui se positionnent comme prestataires agiles et innovants. Parmi celles-ci, la banque cantonale de St-Gall, leader sur le marché suisse pour l’innovation. La Bâloise également, qui a introduit récemment le Conversational Banking. La banque cantonale d’Argovie propose quant à elle des solutions centrées sur le Multibanking et pour finir la banque Raiffeisen qui entend améliorer considérablement l’expérience client sur les services de digital banking. Dans l’univers des banques privées, on distingue la banque Julius Bär qui se démarque de la concurrence aussi bien en Suisse qu’en Asie. Enfin, le Credit Suisse a récemment lancé un nouveau produit numérique sous l’appellation «CSX». Le modèle commercial et tarifaire de ce dernier s’aligne sur celui des néobanques grâce à sa force de frappe sur le marché. Ces banques dites « traditionnelles » font donc activement face à ces challengers menaçants.

Profiter des faiblesses des outsiders

La plupart des banques sont à la traîne des évolutions sur le marché et peuvent potentiellement perdre pied. Fréquemment pour des raisons structurelles ou financières, mais bien plus souvent par manque de courage ou de stratégie adéquate.

Dans ce contexte, une solution est à portée de main : l’Open Banking. Il s’agit là de l’ouverture des interfaces techniques sur les plateformes bancaires à des offres innovantes de Fintechs ou d’autres entreprises dont les services peuvent générer une plus-value pour les clients. Une banque avec une plateforme bancaire flexible et une architecture ouverte peut ainsi facilement et à coûts avantageux, mettre à disposition de nouveaux services. Techniquement parlant, la procédure est assez simple et consiste à ouvrir les fameuses interfaces API et à utiliser les normes pour l’échange de données. L’obstacle réside dans la culture d’entreprise, autrement dit la crainte que les relations avec la clientèle existantes ne soient mises en danger par le partage d’informations. Cette démarche peut cependant mener à un effet boomerang car elle incite leurs propres clients à considérer d’autres offres et potentiellement à passer directement par des prestataires qui leur proposeraient des services intégrés et simples à utiliser.

La solution de l’Open Banking

Par conséquent les banques qui misent sur l’Open Banking sont plus à-même de fidéliser leurs clients grâce à de nouveaux services pratiques et innovants. Les banques disposant d’une plateforme d’Open Banking peuvent ainsi intégrer un large éventail de produits et analyser les données de leurs clients de manière automatisée afin de leur recommander les services plus appropriés à la situation actuelle. Ces fonctions se monétisent par les taxes prélevées sur les prestataires tiers.

Pour faire face aux néobanques et aux entreprises externes à la branche, qui se muent aussi en prestataires financiers, les banques établies doivent en priorité revoir leur façon de penser. Se reposer sur les modèles commerciaux jusqu’ici fructueux n’est dorénavant plus une option. Le mot d’ordre est donc d’opter pour l’offensive tant que les challengers sont encore en position de faiblesse due essentiellement à leurs offres limitées et au scepticisme des clients.

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