Le vrai défi de la Fed

Mobeen Tahir, WisdomTree

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Au vu de l’importance de ses décisions pour les marchés, la banque centrale américaine pourrait avoir des difficultés à contenir l’inflation.

La Réserve fédérale américaine (Fed) a publié le compte-rendu détaillé de sa réunion des 28 et 29 juillet le 19 août dernier. Même si sa politique est sans changement notable, il semble que la gestion des attentes du marché soit devenue l’une de ses missions implicites: le «bien-être» des marchés financiers dépend en effet de plus en plus du soutien apporté par la politique monétaire.

Dans ce dernier compte-rendu, la Fed a rappelé son intention d’utiliser tous les outils nécessaires au soutien de l’économie américaine. Elle a également précisé les points suivants. Le taux d’intérêt cible des fonds fédéraux sera maintenu entre 0 et 0,25%. L’économie, malgré l’amélioration qu’elle a connue ces derniers mois, reste confrontée à de sérieuses difficultés. L’évolution de la pandémie demeure incertaine et cela pèse considérablement sur les prévisions. L’évolution du marché du travail et celle de l’inflation seront les principaux déterminants de la politique monétaire. Dans l’ensemble, le crédit octroyé aux ménages et aux entreprises sera maintenu à son niveau actuel.

Il paraît improbable que la banque centrale recoure à de nouveaux
instruments de soutien non conventionnels dans l’immédiat.
Les réactions du marché

Le compte-rendu de la Fed fait l’impasse sur l’éventualité de la mise en place de nouvelles mesures de soutien non conventionnelles. Il ne se hasarde pas non plus à aborder le sujet du contrôle de la courbe des taux, lequel aurait permis de plafonner les rendements des bons du Trésor. La politique de la Fed devrait néanmoins influencer les marchés financiers de plusieurs manières.

En poursuivant sa politique monétaire accommodante actuelle, la Fed fait preuve d’une attitude conciliante. Néanmoins, au vu de l’expansion de la masse monétaire et de la croissance du bilan de la Fed cette année, il paraît improbable que la banque centrale recoure à de nouveaux instruments de soutien non conventionnels dans l’immédiat.

En ce qui concerne le marché, sa réaction à la publication du compte-rendu a été modérée jusqu’ici. Les actions se sont légèrement repliées le 20 août, mais il semble peu vraisemblable qu’à l’international, les bourses interprètent le compte-rendu de la Fed comme le signe avant-coureur d’une politique plus restrictive. Les rendements des bons du Trésor restent bas et la devise américaine, faible, deux indices d’une politique monétaire accommodante.

Le plus grand défi auquel la Fed sera confrontée durant les mois à venir
sera d'élaborer une feuille de route en vue de la fermeture du robinet des liquidités.

Le Congrès et la Maison Blanche se disputent actuellement au sujet d’un nouveau plan de relance. La concrétisation de ce dernier serait un élément important pour la future reprise économique. La Fed en est consciente et il est possible qu’elle attende de voir le résultat final des discussions autour de ce plan avant de procéder à une révision substantielle de sa politique actuelle, et ce, à juste titre.

éviter les frayeurs inutiles

Le plus grand défi auquel la Fed sera confrontée durant les mois, voire les années à venir sera d'élaborer une feuille de route en vue de la fermeture du robinet des liquidités. A l'heure actuelle, ce sujet peut encore paraître très théorique, mais au vu du décalage entre la mise en œuvre d’une politique et son impact sur l’économie, décalage dont la longueur peut être variable, la Fed doit nécessairement y réfléchir dès maintenant. La mission de la Fed consiste à encourager l’emploi et à assurer la stabilité des prix, mais ses décisions sont également devenues de véritables moteurs pour les marchés. Or à mesure que le chômage diminue (il se situe à 10,2% actuellement aux Etats-Unis) et que l’inflation, à 0,9% aujourd’hui, se rapproche de la valeur cible de 2% établie par la banque centrale, cette dernière devra nécessairement procéder à un resserrement de sa politique monétaire.

Dans un tel cas de figure, le principal risque serait que les marchés s’effrayent inutilement et ceci n’est pas une crainte exagérée. Il suffit de se souvenir du fameux «taper tantrum» de 2013, lorsque l’annonce par la Fed de la fin de son programme d’assouplissement quantitatif a déclenché la panique sur les marchés. Pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise, la Fed devra gérer les attentes des marchés en lui fournissant des orientations aussi soigneusement formulées que possible. Dans la mesure où ce sont les marchés et non pas l’économie qui dictent la politique monétaire, il pourrait être difficile pour la Fed de contrôler l’inflation dans les années à venir. Les investisseurs qui ont opté pour une stratégie de couverture contre le risque inflationniste au moyen de l’or et des matières premières seraient donc bien placés dans un scénario où l'inflation pourrait franchir le seuil des 2% fixé par la Fed.

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