Le point sur les marchés des dettes subordonnées – 2024

Paul Gurzal & Jérémie Boudinet, La Française AM

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L’année 2024 a été excellente pour les dettes subordonnées, avec des performances positives sur tous les gisements.

Environnement de marché 

L’année 2024 a été excellente pour les dettes subordonnées, avec des performances positives sur tous les gisements, et notamment pour les dettes Additional Tier 1 CoCos libellées en EUR, qui terminent l’année à +13,6%, soit une nette surperformance par rapport à leurs homologues libellées en USD (+10,5%) qui ont de leur côté sous-performé nettement en amont de l’élection de Donald Trump à partir de mi-octobre, du fait d’un découplage accru entre les marchés de taux euro et américains. Les spreads des AT1 européennes libellées en USD sont très proches de leur plus bas historiques et terminent l’année à 284bp d’OAS (vs. 415bp en début d’année), tandis que les AT1 EUR s’établissent à 343bp de spread (contre 517 bp en début d’année). La performance est d’autant plus notable que les deux premiers mois de l’année avaient été marqués par la résurgence de craintes sur l’immobilier commercial américain, qui avaient fait dévisser la banque américaine NY Community Bancorp, et, dans son sillage, les banques allemandes Deutsche Pfandbriefbank et Aareal Bank, très exposées à l’immobilier commercial américain et européen, avant que leurs valorisations ne se normalisent progressivement. Les dettes Corporate Hybrids achèvent l’année sur une performance de +7,5%, à un niveau proche des dettes subordonnées d’assurance libellées en EUR (+7,6%).

Ces fortes performances sont la résultante des niveaux de portage significatifs des classes d’actifs en début d’année 2024, d’un mouvement de resserrement des taux sur la partie euro et d’une forte compression des spreads. Ce fort appétit pour les gisements a été visible durant la majeure partie de l’année, avec des flux entrants réguliers et élevés constatés sur les fonds crédit de manière générale, avec des investisseurs à la recherche de rendements obligataires confortables, dans un environnement macroéconomique moins porteur et avec des cibles d’inflation en baisse.

Les dettes AT1 CoCos ont connu une année marquée par des niveaux record d’émissions primaires dans le but de pré-financer les exercices de remboursements anticipés des titres en 2024, mais aussi au S1 2025. Un changement de paradigme s’est opéré cette année, avec la multiplication de lancements de nouveaux titres assortis d’offres de rachat sur les titres existants, ce qui a permis une très forte normalisation de la courbe des rendements des AT1, qui était encore inversée à l’orée de l’année 2024. Cela a permis aux investisseurs de moins se questionner sur les exercices de «calls» à venir, tandis que les émetteurs n’avaient plus à payer de double charge d’intérêts durant plusieurs mois (entre l’émission nouvelle et le «call» à exercer). Nous n’anticipons pas de changement majeur dans la réglementation des AT1 pour l’année 2025, et ce malgré la décision du régulateur australien de se passer progressivement des AT1 dans la structure de capital des banques locales à partir de 2027, qui ne devrait, selon nous, pas faire d’émules.

En termes de structuration des obligations, nous notons une complexification sur le gisement des Corporate Hybrids (émissions subordonnées émises par des entreprises en dehors des secteurs bancaire et assurantiel). Moody’s a en effet modifié sa méthodologie de notation pour permettre aux émetteurs de placer des dettes Hybrides avec des maturités finales de 30 ans, une première date de call au moins au bout de 5 ans et une obligation de reprendre les éventuels coupons différés (et cumulables toujours) au bout de 5 à 10 ans. Ces obligations peuvent être notées seulement un cran en dessous de la notation senior d’un titre, à condition qu’il n’y ait pas d’autre titre Hybride respectant les dispositions de S&P ou à condition que ces dernières deviennent explicitement subordonnées contractuellement à celles émises via la méthodologie de Moody’s. En cas de présence des deux formats, le titre est noté 2 crans en dessous de la dette senior (comme chez S&P dans la plupart des cas) et est pari passu avec les autres dettes Hybrides «classiques» existantes, du moment que ces dernières existent. Cette couche supplémentaire de subordination potentielle se développe chez plusieurs émetteurs, avec la coexistence des deux formats d’émission désormais. 

La plus grande thématique de l’année 2024 pour le secteur financier a été le retour des fusions et acquisitions dans une optique de course à la taille et aux parts de marché. Du côté des banques, le deuxième semestre a été animé par le feuilleton entre UniCredit et Commerzbank, puis entre UniCredit et Banco BPM, provoquant la réaction de Crédit Agricole (actionnaire de Banco BPM), tandis que Banco BPM s’est par ailleurs renforcé aux côtés d’Anima (sur lequel Banco BPM a lancé une OPA) au capital de Banca Monte dei Paschi di Siena. Nous avons régulièrement commenté les tractations en cours, qui impliquent donc plusieurs banques et dont l’issue est encore très incertaine. En Espagne, BBVA attend toujours de savoir si son OPA sur Banco Sabadell sera acceptée, et, si oui, sous quelles conditions. Au Royaume-Uni, les fusions entre Nationwide et Virgin Money, et Coventry Building Society et Co-op Bank ont été validées par les instances de régulation britanniques. Enfin, la banque danoise Nykredit a annoncé en décembre se porter acquéreuse de Spar Nord Bank, afin de former le troisième groupe bancaire au Danemark. Du côté des compagnies d’assurance, BNP Paribas Cardif devrait intégrer les activités de gestion d’actifs d’AXA IM, et Aviva va acquérir Direct Line au Royaume-Uni. Cette thématique de consolidation devrait se poursuivre en 2025, avec notamment un accord attendu notamment entre Generali et Natixis autour de leurs activités de gestion d’actifs.

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