Le nouveau Japon

Salima Barragan

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Selon Joël Le Saux, gérant du fonds Oyster Japan Opportunities chez SYZ Asset Management, le Japon souffre de préjugés qui relèvent du passé.

 

En 2017, la performance du Nikkei (plus de 21%) fut une belle surprise. A fin mars, une allocation en actions japonaises d’un portefeuille en base dollar a gagné 1% grâce à l’appréciation du yen. Selon Joël Le Saux, responsable des actions japonaises, la composante devise va continuer à offrir un rendement décorrélé aux marchés boursiers. 

Saison des résultats annuels

Fin mars coïncide non seulement avec la saison des cerisiers en fleurs, mais aussi avec la fin de l’exercice fiscal des entreprises japonaises. Les publications des résultats sont attendues entre fin avril et mi-mai. Les attentes des analystes quant aux perspectives 2018 pour les  grandes multinationales et sociétés exportatrices sont modérées voir à la baisse compte tenue de la force du yen. «Le rendement des actions japonaises est de 2% plus 1% lié aux rachats de titres ainsi qu’un ROE (Return on Equity) de 10%» prévoit Joël Le Saux. Pour l’année 2018-2019, le consensus s’attend à une modeste hausse de 4% des bénéfices ainsi qu’une augmentation très graduelle des dividendes.

«Les chiffres du Tankan de mars étaient positifs pour les PME nippones.»

En revanche, les sociétés domestiques offrent de bien meilleures perspectives. «Les chiffres du Tankan de mars étaient positifs pour les petites et moyennes sociétés nippones». Joël Le Saux s’intéresse davantage à celles-ci qu’aux grandes sociétés fortement liées au cycle global. «Cet environnement est favorable car nous trouvons des sociétés à des niveaux d’évaluation faibles et des perspectives de croissances inchangées», explique le gérant. Son thème favori c’est les entreprises ferroviaires qui jouissent de bons fondamentaux. «JR Central, l’opérateur du Shinkansen qui relie Tokyo à Osaka, connait une hausse constante de la fréquentation». A contrario, le gérant évite les sociétés exposées à la Chine, thème particulièrement  porteur en 2017. «Il y a peu de visibilité sur les biens d’équipements et la robotique en particulier dont les niveaux de valorisation sont déraisonnables en comparaison à leurs fondamentaux».

La fin d’un Japon purement exportateur

En 2017 les exportations en termes de volume ont progressé de plus de 10% vers la Chine et d’un peu moins de 10% vers les Etats-Unis malgré la hausse du yen. «Les variations de change n’ont aucun impact sur les exportations des entreprises japonaises. Ce sont les rapatriements des bénéfices des filiales étrangères traduits en yen qui impactent les sociétés», explique Joël Le Saux. Ces dernières années, les multinationales ont fortement délocalisé leur production hors de l’archipel, notamment en Asie du Sud-Est et en Chine. A titre d’exemple, Honda réalise plus de 80% de sa production d’automobiles en dehors du Japon.

La tendance haussière du yen n’est pas prête à s’infléchir. Une balance commerciale excédentaire de 4% du PIB maintient sa force. De plus, il est sollicité pour son statut de monnaie refuge en période de troubles.

Changement de paradigme

Après 15 années de déflation, l’inflation sous-jacente (hors éléments volatils) est enfin repartie en hausse depuis un an. Elle est de 0,5% par an et l’inflation globale est de 1,5% par an. La banque centrale du Japon table sur un objectif de 2%. «1% d’inflation semble un objectif plus raisonnable compte tenu des spécificités du pays», commente Joël Le Saux. Le vieillissement de la population réduit le potentiel de croissance qui à son tour réduit la hausse des prix. La croissance est donc essentiellement liée aux gains de productivité. Pour cette raison, un objectif de 2% d’inflation tel qu’aux Etats-Unis ou en Europe est inapproprié. 

«La baisse des capacités de production au profit de l’Asie du Sud-Est a été la cause de cette longue déflation que le Japon a connue», explique le gérant. Ces réformes douloureuses et lentes dont le pays avait besoin pour accroitre sa compétitivité sont désormais achevées. Le bilan de cette période noire qu’a connu le pays est aujourd’hui positif. «Les coûts manufacturiers ont été réduits. Les délocalisations ont résorbé les capacités excédentaires et les entreprises emploient une force de travail flexible». L’entrée des femmes et des séniors dans le marché du travail a augmenté la masse de travail de 0,6% par an pour un taux de chômage de 2,5%. Un autre constat important: la consommation des ménages a repris. Le Japon a bel et bien changé.