Hausse du pétrole, explosion du tourisme, succès de l’Expo 2020, réformes structurelles: tout semble sourire aux Emirats.
Les années 2010 à 2020 peuvent être considérées comme une décennie perdue pour les Emirats Arabes Unis: la baisse du prix du pétrole et la crise immobilière ont pesé sur la croissance qui fût atone pendant des années avant de s’effondrer en 2020 suite à la crise du COVID 19. La pandémie avait alors frappé de plein fouet ce riche pays de moins de 10 millions d’habitants. Les flottes impressionnantes des compagnies aériennes d’Emirates et de Etihad avaient été clouées au sol. Les hôtels grands luxes et «Malls» géants avaient fermé leurs portes d’un même élan. Et en avril 2020, les cours de l’or noir s’effondraient, avec des perspectives dramatiques en ce qui concerne les dépenses budgétaires des pays du Golf, dont Abu Dhabi, 6ème producteur mondial de pétrole.
Une «double peine» qui risquait alors de sonner le glas pour un marché immobilier à la peine depuis plusieurs années déjà, en raison d’une offre excédentaire de projets immobiliers et d’hôtels.
Mais deux années après, les Emirats Arabes Unis semblent figurer parmi les «gagnants» de la pandémie. La vie est revenue à la normale dès 2021 grâce notamment à la très bonne gestion de la crise du Covid: dispositions sanitaires strictes (et respectées à la lettre), test PCR à grande échelle dans le pays mais aussi aux frontières (l’un des premiers pays à le faire), traçages réguliers du personnel dans de nombreuses sociétés, etc. Les Emirats ont également mis en œuvre une campagne de vaccination de masse très bien réussie. Ces mesures ont permis aux Emirats d’ouvrir leurs portes aux touristes dès le mois d’octobre 2020, au moment où de nombreux pays fermaient leurs frontières.
Résultat: Dubaï est devenu une destination incontournable pour de très nombreux touristes. L’expo 2020 – qui a ouvert ses portes en 2021 – a été un immense succès avec près de 24 millions de visiteurs (celle de Milan avait attiré 21.5 millions dans un monde sans Covid).
L’aéroport de Dubaï – véritable «hub» de l’aviation et le plus important du monde de par le trafic – devrait voir cette année le nombre de passagers y transitant quasiment doubler par rapport à 2021 avec 55 millions de passagers attendus. Le niveau record de 2019 devrait être dépassé en 2024.
En ce qui concerne la marche des affaires, le port commercial de Jebel Ali profite de la forte reprise des échanges mondiaux, avec une croissance du chiffre d’affaires de DP World en hausse de 26% en 2021.
Le Centre financier de Dubaï – le DIFC – enregistre ses meilleurs résultats depuis sa création il y a 16 ans avec une hausse de 36% des inscriptions en 2021. Près de 1,000 nouvelles sociétés ont été enregistrées l’année dernière, ce qui constitue un nouveau record.
Les EAU combinent également innovation technologique et initiatives juridiques pour se positionner comme le premier hub régional de la crypto-finance.
Quant aux recettes liées au secteur de l’énergie, elles profitent de l’embellie des cours du pétrole. Les dépenses gouvernementales ont de fortes répercussions sur l’économie des Emirats et la hausse des recettes permettent donc une certaine générosité budgétaire qui bénéficie directement à Abu Dhabi et indirectement à Dubaï, très visitée par ses voisins du Golfe (Arabie Saoudite, Kuweit, Iraq, Oman, Bahreïn, etc.)
A la surprise de nombreux observateurs, le marché immobilier est en pleine reprise. En 2021, le volume de transactions a atteint un niveau record de 300 milliards de Dirhams, soit une augmentation de 72% par rapport à 2020.
L'immobilier à Dubaï poursuit son envolée au premier trimestre 2022: les prix moyens des objets vendus ont bondi de 11,3% au cours du premier trimestre, selon un rapport de CBRE.
Et il ne s’agit pas que d’une reprise cyclique de la demande d’immobilier. En effet, les investisseurs reprennent confiance, saluant notamment des avancées géopolitiques ainsi que des réformes qui devraient pousser encore davantage de particuliers et d’entreprises à élire domicile à Dubaï ou dans d’autres Emirats.
Sur le plan géopolitique, citons par exemple la normalisation des relations avec Israël. Au mois de septembre 2020, les Emirats ont signé les accords d’Abraham avec l’Etat hébreu. Ces accords incluent des relations diplomatiques et commerciales. Les relations se normalisent également avec le Qatar, pays avec lequel les Emirats étaient en froid depuis 2017. Dernier «coup de pouce» à la reprise immobilière: l’arrivée en masse des russes, les Emirats figurant parmi les quelques pays prêts à les accueillir depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions qui sont depuis lors appliquées envers les citoyens russes.
Outre les arrivées de ces riches expatriés, d’importantes réformes mises en place par le gouvernement ont renforcé la confiance des investisseurs et des utilisateurs finaux sur le marché immobilier. Il s’agit aussi bien d’avancées sur le plan sociétal (possibilité pour les couples non-mariés de cohabiter, assouplissement des lois sur l’alcool, nouveaux types de visa avec un «Golden Visa» d’une durée de 10 ans, etc.) que des réformes dans le secteur économique (alignement sur le «week-end universel», du samedi au dimanche, possibilité pour les étrangers de détenir 100% d’une société émirienne, etc.).
L’activité économique des Emirats profitent de tous ces vents favorables puisque le PIB réel devrait progresser de 4,6% en 2022 contre 3,4% en 2021.
Les marchés locaux ont intégré cette embellie et anticipent des jours encore meilleurs. En 2021, l'indice d'Abu Dhabi a progressé de 76% alors que la bourse de Dubaï affiche un gain de 32%. En 2022, les actions des Emirats Arabes Unis continuent leur marche en avant avec des gains à deux chiffres, ce qui leur permet de figurer parmi les marchés les plus performants au monde.
La hausse des prix de l’immobilier bénéficie aux entreprises de développement et aux banques – deux secteurs très fortement représentés dans l’indice S&P UAE (environ 60%).
La composition sectorielle de l’indice ainsi que la sensibilité de la région aux prix des hydrocarbures continuent d’attirer les investisseurs «value». Après la forte hausse des 12 derniers mois, l'indice S&P UAE se traite à environ 16 fois les bénéfices attendus. Le rendement moyen du dividende est proche de 4%.
Pour la première fois depuis de très nombreuses années, on assiste à un affût de nouvelles introductions en bourse. La semaine dernière, l’IPO de Dewa, société de services publics, a connu un franc succès. Une dizaine de sociétés contrôlées par l’Etat sont appelées à entrer en bourse en 2022. Citons notamment SALIK, Tecom, Empower, Dubai Duty Free, Jumeirah Group et même potentiellement Emirates Airlines. Les entreprises détenues par des familles locales sont également encouragées à entrer en bourse et le groupe Al Habtoor/ Al Futtaim pourrait envisager de coter certains de ses actifs. Combiné à l'augmentation des limites de détention par les étrangers, ces IPO devraient augmenter le poids des EAU dans les indices marchés émergents et de ce fait attirer les investisseurs internationaux.
En effet, le marché des actions des Emirats Arabes Unis est un marché niche au sein des pays émergents. Les volumes traités restent faibles – même en comparaison avec les standards des marchés émergents – et les bourses locales ne pèsent que très peu (1,2% pour 9 titres) dans l’indice MSCI Emerging Markets.
Cependant, après des années de sous-performance, les marchés d’actions aux Emirats semblent devoir bénéficier des vents favorables cités ci-avant. Dans un monde professionnel qui fait la part belle au travail à distance, les Emirats pourraient devenir une destination de choix pour de nombreux entrepreneurs, gérants de fonds, société de capital-risque, etc. Autant de développements macro-économiques qui devraient bénéficier aux titres actifs dans l’immobilier, la finance, les services et le tourisme.
Il n’existe que peu de possibilités pour investir en actions UAE. Certains brokers permettent d’investir dans les plus grandes capitalisations mais les clients doivent être en possession d’un NIN (National Identification Number) – un processus chronophage pour les intermédiaires financiers.
Parmi les grandes capitalisations citons notamment Emaar Properties (EMAR: DFM), Emirates NBD (ENBD: DFM) et First Abu Dhabi Bank (FAB: ADX).
Il existe également quelques fonds ou ETF mais tous ne sont pas accessibles aux investisseurs internationaux. Les asset managers Emirates NBD, ADCB, FAB et Al Mal Capital commercialisent des fonds investis sur la région et gérés de manière active. L’ETF iShares MSCI UAE (UAE US) s’échange sur la bourse du Nasdaq et a une capitalisation boursière de 40 millions de dollars.
Si les actions des Emirats arabes unis bénéficient actuellement d'un contexte macroéconomique et géopolitique favorable, les risques de baisse subsistent. Tout d'abord, les actions du Moyen-Orient restent tributaires - du moins dans une certaine mesure - des prix du pétrole. Une forte correction de l'or noir aurait un impact négatif sur la situation budgétaires des EAU et par ricochet sur les marchés boursiers locaux. Le dirham émirien est lié au dollar américain par un taux de change fixe, ce qui signifie que la banque centrale des EAU doit suivre les pas de la Fed en matière de politique monétaire. En tant que tel, les hausses de taux par la Fed impliquent un mouvement équivalent dans les EAU. Cela pourrait peser sur la consommation mais aussi sur le marché immobilier par le biais de la hausse des taux hypothécaires. En outre, la région continue d’être exposée aux risques géopolitiques. Les valorisations sont moins attrayantes qu'il y a un an. Enfin, la liquidité du marché des actions locales reste relativement faible et les opérations sur titres doivent donc être négociées en conséquence.