Le bitcoin sous le coup de la répression chinoise

Stéphane Ifrah

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. La Chine aurait-elle abandonné une place de choix dans l’écosystème crypto au profit de son plus grand rival économique, les USA?

Un véritable choc vient d’avoir lieu dans les dernières semaines sur les capacités de minage en Chine. Ce qui s’est passé est sans précédent en termes de rapidité et d’impact. Pour rappel, les autorités chinoises ont pris la décision d’interdire toutes les activités de minage sur leur territoire et ont fait pression sur les fournisseurs d’électricité d’une part et sur les banques d’autre part pour l'implémentation de ces mesures. On peut légitimement se poser la question du timing de cette interdiction avec le lancement imminent du Yuan numérique par la Banque populaire de Chine. Ce n’est pas la première fois que les autorités tapent du poing sur la table mais c’est la première fois qu’elles vont jusqu’au bout de leur démarche.

Le résultat de cette répression est sans précédent car le minage en Chine représentait plus de 50% de la capacité mondiale. Cette chute violente de l’offre a plusieurs conséquences. Le protocole a été conçu pour générer un nouveau bloc de transactions toutes les dix minutes en moyenne. Le protocole adapte automatiquement la difficulté à générer un bloc en fonction de la puissance totale de calcul disponible. Pour des raisons pratiques, ce paramètre de difficulté n’est revu que tous les 2016 blocs, (environ deux semaines). Il vient de subir son ajustement à la baisse le plus important jamais enregistré (-28%). Le prochain ajustement prévu risque d’être d’un ordre de grandeur similaire. Malgré cet ajustement sans précédent, la blockchain bitcoin a continué de fonctionner sans interruption, mais avec quelques ralentissements, ce qui démontre sa résilience et sa robustesse.

La capacité restante de puissance de calcul est tout à fait suffisante
pour assurer la sécurité et l’immuabilité de la blockchain bitcoin.

Les mineurs encore en opération ont enregistré une augmentation de leurs revenus du fait de la diminution de la compétition, compensant en partie la baisse des cours de ces dernières semaines. On a même pu observer une augmentation des stocks de bitcoins des mineurs, qui ont recommencé à accumuler sur ces dernières semaines. Contrôlant environ 1,8 million de bitcoins (10% de la masse monétaire), ils sont naturellement vendeurs pour couvrir leurs frais. Ce sont aussi les investisseurs parmi les plus avertis du marché.

Il faut rappeler que le minage sert à ajouter de nouvelles transactions à la blockchain, et à les rendre immuables. On peut donc considérer qu’il représente le budget sécurité du réseau bitcoin. L’inquiétude peut donc naître face à cette baisse drastique de la puissance de calcul disponible. En fait il n’en est rien: la capacité restante est tout à fait suffisante pour assurer la sécurité et l’immuabilité de la blockchain bitcoin.

Un nombre croissant de voix s’élèvent aujourd’hui contre le caractère polluant du minage, par le biais de son importante consommation électrique. Ces fermes de minage sont opérées comme de grands data centers à l’intérieur desquels du matériel informatique spécifique fonctionne en continu. Comme plus de la moitié de ces fermes étaient installées en Chine où l’électricité est encore fortement carbonée, cette fermeture massive est une opportunité unique de reverdir l’image du bitcoin.

L’énergie utilisée à l’avenir sera probablement
plus verte que celle produite en Chine.

Les mineurs chinois comptent bien redéployer leurs machines dans des pays plus accueillants. C’est d’ailleurs une des explications possibles à la chute récente de bitcoin. Ces mineurs ont dû liquider une partie de leurs stocks pour financer leur déménagement. Il semblerait que les Etats Unis, et le Texas en particulier, puissent être une destination de choix. L’énergie utilisée à l’avenir sera probablement plus verte que celle produite en Chine, ce qui pourrait lever un certain nombre de critiques à l’encontre de la cryptodevise.

On peut cependant se demander si cette activité de minage pourrait à terme devenir obsolète. Un nombre croissant de protocoles crypto existent aujourd’hui - ou sont en cours de développement - qui n’utilisent plus le minage pour vérifier les transactions, mais des technologies différentes qui ne consomment qu’une quantité d’électricité négligeable. Il est à parier qu’un nombre croissant de projets vont subir cette évolution qui relève du bon sens.

On peut s’interroger sur le bien-fondé stratégique des décisions récentes des autorités chinoises. Le gouvernement a toujours fait fonctionner son réseau internet en vase clos, avec ses propres moteurs de recherche et ses propres réseaux sociaux. Mais si le bitcoin venait à prendre une place prépondérante dans la finance mondiale, la Chine aurait abandonné une place de choix dans l’écosystème au profit de son plus grand rival économique, les Etats Unis.

Fait unique dans l’histoire des monnaies, cette blockchain sans autorité centrale, construite dès le premier jour pour résister à toutes les attaques, démontre encore une fois une capacité d’adaptation et de résilience extraordinaires, et la force d’une gouvernance collective. A n’en pas douter, la valeur de ce réseau est amenée à augmenter fortement dans les mois et les années à venir. Les grands acteurs de la finance traditionnelle ne s’y trompent pas et continuent d’ouvrir de nouveaux départements pour répondre à cette demande, Citigroup étant le dernier en date à franchir le pas.

A lire aussi...