La finance durable garantit la prospérité

AXA Investment Managers

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Christian Thimann, Président du HLEG, explique comment le secteur de la finance peut contribuer à atteindre les objectifs de durabilité.

Christian Thimann, Senior Advisor du Président d’AXA et Président du High-Level Group on Sustainable Finance de l’Union euro-péenne (HLEG).

La Conférence de Paris sur le climat qui s’est tenue en 2015 a été un important jalon pour l’investissement durable: dans le traité résultant de cette Conférence, il a été établi pour la première fois que le secteur financier jouait un rôle essentiel dans la résolution des problèmes liés à l’environnement. Dans une interview, Christian Thimann, Senior Advisor du Président d’AXA et Président du High-Level Group on Sustainable Finance de l’Union euro-péenne (HLEG), a expliqué ce qu’est le traité de la COP 21 et comment le secteur de la finance peut contribuer à atteindre les objectifs de durabilité.

Quel rôle joue le secteur financier dans la réalisation des objectifs du traité de Paris et de l’agenda 2030 pour le développement durable?

Le secteur financier joue un rôle important. Si tous les pays veulent remplir les objectifs en matière de climat et de développement durable, il faudra que nous investissions d’une toute autre manière au cours des vingt prochaines années. Il faudra se passer largement du charbon et miser moins sur le pétrole et le gaz. Il faudra investir au contraire dans l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les technologies liées. Suite aux défis de la crise financière internationale et de la crise des dettes souveraines qui s’en est suivie, un secteur financier durable est peut-être le meilleur moyen de garantir la prospérité et une croissance économique nuisant le moins possible à l’environnement.

«Le capital et l’investissement sont nécessaires
dans toutes les phases d’un cycle conjoncturel.»

Le secteur financier est présent dans presque tous les domaines de la vie, des processus de production et des services à la consommation, en passant par l’emballage et le transport. Le capital et l’investissement sont nécessaires dans toutes les phases d’un cycle conjoncturel. De plus, il faut gérer des flux de capitaux. C’est pourquoi des services financiers ont été in-tégrés dans le traité. Les flux de capitaux doivent être réorientés. Les banques n’ayant pas encore contribué à un financement de projet ou à un financement plus durable devront rattraper leur retard. Cela vaut également pour les assureurs et les caisses de pension: si les réglementations le permettaient, eux aussi pourraient effectuer plus de placements en fonds propres à long terme et d’investissements dans les infrastructures.

Les Asset Managers pourraient faire en sorte que davantage de capitaux affluent dans des investissements durables. On pourrait par exemple tenir compte de la durabilité via des Stewardship Codes et des accords de gestion des actifs. On pourrait en outre exiger une plus grande transparence de la part des gestionnaires de fonds. On pourrait les contraindre à indiquer comment ils intègrent les facteurs écologiques, sociaux, de gouvernance et les facteurs ESG dans leurs stratégies et comment ils définissent les thématiques ESG. AXA IM est déjà très avancée dans ce domaine.

Quelles modifications du système financier seront nécessaires pour atteindre ces objectifs?

De grands changements et des investissements conséquents seront sans aucun doute né-cessaires. D’après les estimations de l’UE, leur mise en oeuvre pourrait coûter jusqu’à 170 milliards d’euros par an, par exemple pour continuer le développement des énergies renou-velables, l’investissement dans la production locale de biens au lieu du transport mondial de produits intermédiaires et de produits finis ou l’efficacité énergétique et les bâtiments écolo-giques. Cela représente beaucoup d’argent. L’engagement financier élevé sensibilisera les établissements financiers aux risques et aux opportunités en matière de durabilité. Globale-ment, cette thématique n’a été que peu prise en compte jusqu’à présent par la branche, mais aujourd’hui, un changement de mentalité est en cours.

Pour entraîner un véritable changement, les facteurs ESG doivent être pris en compte par la Gouvernance d’entreprise ainsi que dans les principaux indices, normes comptables et nota-tions de la solvabilité. Leur pertinence doit aussi faire partie du rôle des autorités euro-péennes de surveillance, par exemple par le biais de directives communes et d’approches réglementaires uniformes pour une plus grande transparence en matière de critères ESG.

«Le secteur qui détient des actions à très court terme,
comme le secteur des fonds spéculatifs, a fortement augmenté.»

De nombreuses parties du système financier sont actuellement axées sur du très court terme et la création de valeur à court terme est trop fortement encouragée. Cela vaut pour les instruments de capitaux propres qui sont principalement exposés pendant une durée de possession plus longue. Il y a deux décennies, les actions étaient détenues en moyenne pendant huit ans, contre huit mois actuellement; comme il reste néanmoins encore des investisseurs qui misent sur le long terme, cela montre que le secteur qui détient des actions à très court terme, comme les transactions à haute fréquence ou le secteur des fonds spéculatifs, a fortement augmenté. Pour un horizon de placement à aussi court terme, il n’est pas possible de tenir compte d’aspects sur le long terme. Les investisseurs misant sur le long terme s’intéressent de plus en plus aux placements durables, car cela pourrait coûter cher de pas-ser à côté. Pour les décisions de placement à long terme, les coûts des Stranded Assets et des secteurs à hauts risques comme le charbon sont très importants. Le groupe AXA est un précurseur en matière d’abandon des Stranded Assets qui nuisent fortement au climat. Nous sommes convaincus que certains placements doivent être vendus pour décarboniser l’économie mondiale et limiter le réchauffement de la terre à 2 degrés.

Le rapport intermédiaire du HLEG a indiqué des recommandations pour une décarbonisation plus rapide. Comment les investisseurs peuvent-ils en profiter?

Le HLEG est très actif. Il développe par exemple un système pour définir les placements qui sont écologiques et ceux qui ne le sont pas. Il pourrait en résulter une norme européenne et un label pour les fonds verts ainsi que d’autres actifs durables. En outre, nous voulons que l’obligation fiduciaire de l’investisseur inclue également des thématiques de durabilité. Nous souhaitons mettre en place un système de classification pour les actifs durables et contraindre les établissements financiers et les entreprises actives dans le domaine financier à communiquer de manière plus transparente sur les décisions relatives à la durabilité. Nous souhaitons également promouvoir un «test de durabilité» pour la réglementation financière de l’UE et une initiative pour une «infrastructure durable en Europe» afin d’encourager le financement de projets durables. De plus, nous souhaitons renforcer le rôle des autorités européennes de surveillance dans leur évaluation des risques ESG et promouvoir des inves-tissements destinés à améliorer l’efficacité énergétique par le biais de règles comptables.

Dans le meilleur des cas, ces évolutions pousseraient les prestataires financiers à s’engager à prendre en compte les critères ESG et les questions climatiques dans leurs décisions de placement. A long terme, cela aura un impact très positif sur le système financier. Les Asset managers devront élargir leurs compétences dans ces domaines pour pouvoir prendre des décisions plus éclairées pour leurs clients. Ils doivent par exemple se demander quelles sont les conséquences des investissements dans le charbon et d’une production de pétrole parti-culièrement nuisible à l’environnement.