La finance décentralisée, nouveau fer de lance des actifs numériques

Stéphane Marrache, Coinhouse

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. Il existe dans l’écosystème des cryptoactifs un secteur encore confidentiel qui surperforme depuis quelques semaines.

S’il y a un secteur qui a été faiblement impacté par la guerre économique globale latente ou la crise du Covid, c’est bien celui des actifs numériques. Il profite même de la numérisation de nos économies, effet collatéral de la crise du Covid. Si le NASDAQ affiche une hausse de 14% sur les trois derniers mois, ce qui est loin d’être négligeable, Bitcoin, lui, en est à +26%.

Il existe dans l’écosystème des cryptoactifs un secteur encore confidentiel, mais qui surperforme depuis quelques semaines: la finance décentralisée, dite «DeFi», dont la proposition de valeur est d’offrir des services financiers décentralisés. Des systèmes de crédit, des produits dérivés sur une large diversité d’actif, des marchés prédictifs, des options et contrats à terme, ou encore des produits d’assurance... Ce marché est actuellement en pleine explosion et de nouveaux projets sortent chaque jour.

Les particularités des projets DeFi

Tout d’abord, l’interopérabilité de tous ses composants: utiliser un service de DeFi ne nécessite pas de s’authentifier ni de fournir des documents, mais uniquement de se connecter via un portefeuille Ethereum, la seconde cryptomonnaie la plus capitalisée. Chaque service est immédiatement disponible et connecté à l’ensemble. Il est ainsi possible de prendre un prêt, changer les fonds en d’autres actifs, et les investir dans d’autres services, le tout en quelques clics seulement.

Une autre particularité de la finance décentralisée est la sécurité, gérée intégralement par la blockchain Ethereum. Interagir avec ces projets revient à interagir avec du code informatique infalsifiable, et non avec des gestionnaires humains prompts à l’erreur ou aux manipulations.

Des solutions sont trouvées et l’écosystème
Defi apprend de ses erreurs...

Il y a tout de même eu du piratage sur certains de ces projets, notamment en mars 2020, qui ne remettent pas en doute la sécurité de la blockchain Ethereum mais uniquement les smart contracts utilisés par des projets spécifiques. Là encore, des solutions sont trouvées et l’écosystème Defi apprend de ses erreurs...

Le boom des services de la Defi

Ces services offrent aux utilisateurs des niveaux de rendement sans commune mesure avec ce que peut offrir la finance traditionnelle et ont vu leurs actifs sous gestion bondir de $700 million à plus de $1,8 milliard cette année. Les valorisations des protocoles utilisés ont également augmenté, permettant de générer les premiers retours sur investissement fructueux aux fonds VC qui ont investi dans la DeFi.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène:

  • Tout d’abord, la création en octobre 2018 du Wrapped BTC (WBTC), un jeton ERC-20 représentant un Bitcoin détenu sous séquestre sur la blockchain Ethereum. L’émergence du WBTC a largement contribué à l’augmentation des volumes investis dans l’univers de la DeFi et a permis de créer une première passerelle entre deux mondes qui ne se parlaient pas: les investisseurs en Bitcoin et la communauté Ethereum et ses protocoles de la DeFi. Un bon nombre d’investisseurs long terme («Hodler») en Bitcoin en ont profité pour pouvoir générer un rendement complémentaire sur les plateformes de la DeFi tout en conservant une position sur leur actif de prédilection.
  • L’augmentation de l’utilisation de stablecoins - des cryptomonnaies programmées pour suivre la valeur d’une monnaie fiduciaire -  sur la blockchain Ethereum, au premier rang desquels Tether et USDC, a également amené de la liquidité et de nouveaux investisseurs dans l’écosystème. La décision de MakerDAO d’autoriser le stablecoin centralisé USDC comme collatéral de ses crédits est un événement marquant et souligne une convergence entre les acteurs de la décentralisation et des projets plus traditionnels.
  • L’écosystème DeFi se renforce aussi avec de nouveaux acteurs qui lancent des produits d’assurance destinés à couvrir certains risques comme les problèmes de codage de smart contracts encore inhérents à la jeunesse de la technologie sous-jacente utilisée. Bien que les montants et la nature des risques couverts soient encore limités, c’est certainement un élément de nature à accélérer l’adoption des protocoles DeFi.
  • Mais c’est surtout le “yield farming” qui fait exploser ce secteur dernièrement. Il s’agit d’une stratégie d’investissement qui consiste à emprunter des fonds et les placer simultanément sur des protocoles DeFI pour en retirer un profit. Les rendements proposés sont actuellement stratosphériques du fait de la politique de distribution gratuite par certaines plateformes de leurs propres tokens (eg Balancer ou Compound) aux investisseurs qui utilisent leurs services. Certains utilisateurs peuvent atteindre des rendements dépassant les 100%.

Les distributions de tokens de ces plateformes auront bien entendu tendance à diluer la valeur de ces actifs, et il est à parier que ces aubaines ne dureront pas dans le temps. Il est probable, comme Vitalik Buterin - le créateur d’Ethereum - le soulignait, que les rendements offerts par la DeFi soient rapidement amenés à converger vers ce qu’on peut trouver dans la finance traditionnelle.

En attendant, cette vague DeFi fait parler d’elle et attire tous les jours de nouveaux investisseurs et traders qui tirent parti des protocoles et des services proposés. C’est peut-être là l’essentiel dans l’optique d’une adoption de masse pour les prochaines années, même si un arrière-goût de bulle spéculative commence à s’instaurer dans tout cela.

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