La Blockchain: moteur du secteur en croissance des Regtechs

Alexander Dembitz & David Delmi, Wecan Group

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Chronique blockchain. Le secteur des regtechs, ces entreprises usant de la technologie pour améliorer la conformité des banques et acteurs financiers, est en plein essor.

Une simple recherche Google du terme «fintech» résulte à plus de 80 millions de résultats. Si ce néologisme de finance et technologie est depuis bien des années passé dans le glossaire de la finance, peu imaginent que ce dernier est plus âgé qu’internet.

La première utilisation du mot fintech remonte en effet à près de 50 ans, en 1972 dans les pages du magazine spécialisé en gestion Interfaces. Abraham Leon Bettinger, vice-président de la banque américaine Manufacturers Hanover Trust Company signe un article s’intitulant “Fintech: une série de 40 modèles à temps partagé utilisés à la Manufacturers Hanover Trust Company”. Il faudra bien évidemment attendre les années 2000 et l’essor des startups financières pour démocratiser le terme, et plus particulièrement 2015  selon KPMG, année où plus de 47 milliards de dollars ont été levés dans ce secteur désormais incontournable.

Plus récent et moins connu que son grand frère, le mot-valise regtech (3 millions d'occurrences Google contre 80 millions pour fintech) prend de l’ampleur cette année. Ce néologisme désignant les fintechs spécialisées dans les solutions utilisant des données en conformité avec les nouvelles exigences légales est en phase d’expansion.

L’étude Regtech menée par Sia Partners et AEC Fintech1 en 2018 sur 80 regtechs européennes affirmait que 86% d’entre elles avaient été créées après 2008. Plus récemment, en juin 2021, Deloitte2 s’est penché sur la question au travers d’un listing de près de 440 entreprises actives dans le domaine. Selon ce dernier, 181 sont actives dans la compliance, 91 dans la gestion et le contrôle d'identité, 72  dans le reporting, 59 dans le risk management et seulement 36 dans le suivi des transactions. Les technologies utilisées sont de l’ordre de sept avec les API (Application Program Interface), le Big Data, la Blockchain, le cloud computing, la robotique, les smart contracts ainsi que les technologies de reconnaissance vocale ou textuelle.

Les solutions regtechs basées sur la blockchain offrent un outil efficace aux entreprises dans leurs efforts pour se conformer à la réglementation fiscale par exemple.

Parmi ces dernières, une technologie en particulier catalyse le secteur: la Blockchain. Les solutions regtechs basées sur la blockchain offrent un outil efficace aux entreprises dans leurs efforts pour se conformer à la réglementation fiscale par exemple. La nature immuable de cette technologie garantit l'exactitude de ces enregistrements, ce qui permet à cette dernière d'être utilisée comme pièce justificative pour les déclarations déposées par les organisations auprès des autorités fiscales compétentes.

Cette innovation technologique continuera à prendre de l'ampleur à mesure que les réglementations évoluent et que les attentes en matière de réglementation augmentent. La Blockchain s'attaque à des points critiques des institutions financières, qui sont obligées de se conformer à des réglementations complexes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et de KYC. Le domaine bancaire étant particulièrement impactés par ses changements ces dernières années, la pertinence de la blockchain comme technologie de base dans les regtechs est accrue.

En Suisse, plusieurs startups ont développé des solutions regtech basées sur la Blockchain. L’entreprise zurichoise Indagia développe par exemple une solution logicielle qui utilise l'apprentissage automatique ainsi que la Blockchain pour permettre aux auditeurs financiers et aux comptables de travailler plus efficacement en capturant toutes les données des reçus et des factures et en les traitant automatiquement pour les comptabiliser.

Autre exemple avec Wecan Group et ses solutions Wecan Comply pour les banques dépositaires et les gérants de fortune indépendants, ou encore Wecan Act issu d’une collaboration entre institutions publiques et chambres de notaires cantonales. Cette solution permet l’échange de données entre notaires et registre publics. Les deux logiciels sont eux aussi construits sur la blockchain afin de garantir une immutabilité, une traçabilité ainsi qu’un horodatage des données.

Le domaine des regtechs prend une ampleur qui n’est pas passé inaperçu auprès des investisseurs.

La regtech prend également de l’ampleur dans le domaine des crypto-monnaies. Des entreprises comme Chainalysis, Coinfirm ou KYC-Chain fournissent des logiciels de lutte contre le blanchiment d'argent pour les transactions en bitcoin en offrant une diligence renforcée.

Autre exemple avec la regtech danoise NewBanking dont l'objectif est d’enrichir en data KYC et en informations de compliance les paiements traditionnels sur tous les principaux systèmes de carte en utilisant là aussi la blockchain.

Le domaine des regtechs prend une ampleur qui n’est pas passé inaperçu auprès des investisseurs. KPMG confirme cette tendance . Au cours de l'année 2020, l'intérêt pour les solutions regtech a explosé. Les entreprises s'efforcent de numériser rapidement leurs processus afin de soutenir la demande croissante des consommateurs. Ces dernières ont donc cherché des moyens efficaces et rentables de gérer les exigences réglementaires relatives à la digitalisation de leur données.  

Cet intérêt croissant a fait grimper le financement dans les regtechs à 10,6 milliards de dollars US pour l’année 2020, soit près de 10 fois plus qu’en 2017 où l'ensemble du marché  avait reçu 1,5 milliards de dollars US de financement.

Nous pourrions imaginer que cette croissance exponentielle témoigne uniquement d’un nombre croissant d'investissements dans le secteur. Ce point n’est que partiellement vrai. En 2017, les investissements VC, PE et M&A totalisant 1,5 milliards de dollars US correspondaient à 146 deals. En 2020, les 10.6 milliards de dollars US correspondaient à 191 deals. La rentabilité, la maturité et le potentiel de ces startups augmentent drastiquement la valorisation du secteur, à la satisfaction des early investisseurs des Serie A et B.

L'acquisition par Roper Technologies de l'entreprise Vertafore, spécialisée dans les logiciels de conformité des assurances, pour 5,3 milliards de dollars US en septembre 2020 met en évidence l'importance croissante accordée aux regtechs par les investisseurs stratégiques, ainsi que la maturité croissante des entreprises du secteur. Avec l’accroissement des réglementations financières,  les regtechs ont encore de belles années devant elles.

 

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