La baleine masquée

Maxime Alimi, Silex

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La «baleine du Nasdaq» a jeté une lumière nouvelle sur la surperformance de la tech. Le dégonflement pourrait se poursuivre.

Tous les investisseurs qui accusent les banques centrales du comportement irrationnel des marchés peuvent être rassurés. La performance exceptionnelle de la tech américaine pourrait en fait être liée à un investisseur géant et ses achats d’options, la banque japonaise Softbank. Un tel pari de la part d'un seul investisseur privé explique en grande partie la déconnexion entre les marchés boursiers et l'économie, ainsi que l'écart de valorisation entre les actions technologiques et le reste du marché.

Softbank peut être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Bien sûr, le COVID a accéléré la tendance vers la consommation et les services numériques. Un QE massif et prolongé pousse la valorisation des actions à la hausse et favorise le facteur momentum et les grandes capitalisations. Une nouvelle vague d'investisseurs particuliers, la «génération Robinhood», amplifie également l'évolution des prix des actions à la mode. Mais le fait qu'un investisseur privé institutionnel très important prenne en plus de telles positions implique un positionnement massif et global sur les méga-caps technologiques. Il va probablement devoir être nettoyé.

La question clé est donc de savoir si d'autres parties du marché peuvent résister dans un scénario de correction prolongée dans la tech. Notre réponse est oui pour plusieurs raisons. Premièrement, les risques macroéconomiques sont plutôt favorables aux secteurs cycliques et traditionnels. Si un vaccin réduit le risque futur de COVID, il devrait surtout profiter à ces derniers. Si les tensions géopolitiques augmentent, la technologie pourra être affectée de manière disproportionnée. Deuxièmement, les valorisations ne sont pas un problème pour la plupart de ces actions, qui se négocient plutôt en dessous de leur moyenne historique. Troisièmement, les investisseurs sont largement sous-pondérés dans ces secteurs et ont surtout repris une exposition actions par le biais d'un nombre restreint de valeurs depuis avril.

La vague d'introductions en bourse de ces dernières semaines
(Palantir, Asana, Snowflake) élargit l'univers d'investissement.

En conséquence, notre préférence va à une exposition aux actions par le biais d'une stratégie «barbell». D'un côté, sortir de la thématique de disruption digitale semble déraisonnable. La transition vers une économie numérique et une ère entrepreneuriale a été accélérée par la pandémie et de nombreuses sociétés semblent appelées à bénéficier des opportunités qui en découlent. La vague d'introductions en bourse de ces dernières semaines (Palantir, Asana, Snowflake) élargit l'univers d'investissement de nouveaux arrivants. Toutefois, cette stratégie devra être prudente afin d'éviter les valeurs surévaluées, ce qui implique de rester dans les zones de petites et moyennes capitalisations et à l'écart du marécage de l'investissement passif.

En revanche, nous voyons un potentiel dans une seconde stratégie axée sur la reprise cyclique. Les secteurs plus traditionnels de l'économie ne souffrent ni de cherté ni de crowding et pourraient bénéficier du rebond économique et du vaccin. Des entreprises saines dans les mauvais secteurs, frappés par la pandémie, semblent particulièrement attractives.

Alors que le marché actions est tendu, nous considérons que l’obligataire ne devrait pas constituer un relais important à la performance. Selon nous, les rendements obligataires à long terme sont excessivement bas et devraient remonter dans les prochains mois, en particulier aux États-Unis. Premièrement, les anticipations d'inflation pourraient continuer à s'ajuster à la fois à des prix plus élevés et à une plus grande tolérance à l'inflation par la Fed. Deuxièmement, les mesures de soutien budgétaire se traduisent par des émissions de dette sans précédent qui ne seront digérées que par des rendements plus élevés. Si les bons du Trésor américains reviennent à 1% ou plus, cela implique des rendements négatifs pour la dette souveraine et le crédit IG. Nous préférons donc les spreads aux taux, à savoir le High Yield par rapport à l'Investment Grade et l'Europe par rapport aux Etats-Unis.

Notre scénario macro global est cohérent
avec la poursuite de la tendance baissière du dollar.

Notre scénario macro global est cohérent avec la poursuite de la tendance baissière du dollar. Malgré son récent recul, le billet vert reste cher par rapport à la plupart des devises du G10 et plus encore par rapport aux devises émergentes. Une reprise cyclique et un retour à la recherche de rendement sont plus susceptibles de favoriser une nouvelle faiblesse. Le portage relatif s'est également fortement détérioré. Toutefois, le court terme pourrait être dominé par le positionnement et la dynamique actuelle semble déjà très défavorable au dollar. En conséquence, une consolidation de l'euro par rapport au dollar dans la zone 1,18-1,20 pourrait être la plus probable pour l'instant avant que l'euro ne puisse reprendre sa progression.

Pour terminer, l'or semblait trop beau pour être vrai en juillet. Des capitaux spéculatifs importants étaient entrés sur la classe d'actifs et un éclatement de la mini-bulle semblait devoir se produire. Nous pensons qu'il pourrait aller un peu plus bas, en particulier si les taux d'intérêt montent. Ce sera une opportunité de revenir sur ce marché car l'or reste un actif de choix dans un portefeuille multi-actifs.

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