L’obligataire n’est plus un refuge – sauf s’il est activement géré

Daniel Claringbull, DNCA

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L’environnement exige une gestion active, sélective et agile: obligations de haute qualité, duration flexible, faible volatilité.

©Keystone

 

Pendant des années, les investisseurs exposés aux actions américaines ont été bien servis, notamment grâce à la performance exceptionnelle d’un petit groupe de géants technologiques. En 2024, les «Magnificent Seven» représentaient à eux seuls 30% du S&P 500. Mais cette concentration s’est révélée fragile. L’annonce d’un nouveau régime tarifaire par Donald Trump a suffi à faire trembler les marchés et à ébranler ces valorisations élevées.

Déjà, l’émergence de concurrents comme DeepSeek dans le domaine de l’intelligence artificielle commençait à assombrir les perspectives du secteur tech américain. Puis, la guerre commerciale déclenchée par les hausses de droits de douane a amplifié l’incertitude, sur fond de tensions géopolitiques persistantes. Résultat: un cocktail détonant de volatilité.

Dans ce contexte, les obligations apparaissent comme un refuge naturel. Mais attention aux faux amis: tous les investissements obligataires ne se valent pas. Chercher à diversifier son portefeuille via cette classe d’actifs nécessite aujourd’hui plus de discernement que jamais.

Pendant des décennies, la mécanique était simple: des taux et rendements en baisse faisaient grimper les prix des obligations, offrant une couverture efficace face aux actifs risqués. Mais le retour de l’inflation a tout bouleversé. Taux en hausse, volatilité accrue, risques géopolitiques, changement climatique, vieillissement démographique...Le rôle traditionnel des obligations souveraines comme actif refuge est remis en question.

Et les marchés actions vacillent. Le Nasdaq a chuté de 21% entre janvier et début avril, avant de limiter sa perte à -13%. Le S&P 500, lui, affichait encore -9% au 11 avril. L’obligataire, longtemps perçu comme un amortisseur naturel, ne protège plus automatiquement.

En 2022, il a même connu sa pire année en plus d’un siècle. Et aujourd’hui, la volatilité des rendements des Treasuries inquiète à l’échelle mondiale.

Réagir face à la nouvelle donne des taux

Dans ce nouveau paysage, les investisseurs doivent repenser leur approche. Avec des rendements obligataires attractifs, la tentation est grande. Mais une approche passive ne suffit plus. L’environnement exige une gestion active, sélective et agile: obligations de haute qualité, duration flexible, faible volatilité. Bien pensée, une telle stratégie peut faire de l’obligataire une véritable source d’alpha.

Les flux vers les fonds obligataires ont atteint des sommets en 2024 (600 milliards de dollars), portés par la baisse de l’inflation et l’espoir de rendements élevés. Mais les banques centrales ont été plus prudentes que prévu sur les baisses de taux, et début 2025, les perspectives restent incertaines. La guerre commerciale pourrait cependant accélérer un retour à des politiques monétaires plus accommodantes. À moins que le spectre de la stagflation ne vienne tout compliquer.

Faire de l’obligataire un vrai levier de diversification

Dans ce contexte, la corrélation positive entre actions et obligations pourrait perdurer, remettant en cause le rôle de l’obligataire comme rempart contre la volatilité. Une gestion passive n’offre ni agilité, ni protection suffisante. À l’inverse, une gestion active permet de capter les opportunités et de s’ajuster rapidement face aux changements de régime.

Miser sur les obligations souveraines, enrichies de générateurs d’alpha, peut s’avérer une stratégie gagnante pour viser une performance supérieure au monétaire, dans des environnements variés. Cela implique de gérer la volatilité sur l’ensemble du cycle, quitte à sacrifier un peu de performance dans les bonnes années, pour mieux préserver le capital dans les phases difficiles.

Les stratégies liquides sont les plus à même de tirer parti des dislocations de marché – comme l’a montré la crise du Covid. Et pour qu’un investissement obligataire joue pleinement son rôle dans un portefeuille aujourd’hui, il doit être réellement décorrélé non seulement des actions, mais aussi des autres classes obligataires.

La gestion active permet de mieux répartir les risques, là où les approches passives tendent à enfermer l’investisseur dans une vision unique.

C’est pourquoi les stratégies obligataires flexibles et liquides gagnent du terrain dans le monde entier. Pour les investisseurs, durement touchés sur leurs portefeuilles actions, il est temps de faire de l’obligataire un axe stratégique – mais avec une approche active.

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