L’ingrédient secret de la transition vers les véhicules électriques

Sasja Beslik, J. Safra Sarasin Asset Management

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Le développement des véhicules électriques dépend du cobalt. Dont seuls deux pays – la RDC et l'Australie – disposent en quantités importantes.

Le cobalt est généralement extrait comme produit dérivé dans les mines de nickel (50%) et de cuivre (44%). En tant que produit dérivé, son prix est traditionnellement lié à la demande de ces métaux primaires. Ce lien pourrait se découpler à mesure que les réserves se tarissent et que la concurrence s'intensifie. Les gisements de cuivre-cobalt se trouvent principalement dans la province du Lualaba en RDC. Ceux-ci contiennent généralement au moins 0,5% de cobalt et 4% de cuivre. La plupart de ces minerais se trouvent à proximité de la surface, ce qui rend possible l'extraction à ciel ouvert, le processus d'extraction le plus rentable. Dans d'autres endroits du monde, le cobalt se trouve sous terre dans des gisements de nickel-cobalt à des concentrations beaucoup plus faibles. À l'échelle mondiale, seuls deux pays – la RDC et l'Australie – disposent d'importantes ressources en cobalt. La teneur moyenne des ressources australiennes en cobalt est de 0,1% par rapport à une teneur moyenne en RDC de 0,5% ou plus. La Chine, le plus grand consommateur de cobalt au monde, est à l’origine de plus de 50% de la demande mondiale de cobalt. La Chine produit seulement 1 % de son cobalt sur le marché intérieur et dépend fortement des importations de matières premières, en particulier de la RDC, où elle achète environ 80% de la production de cobalt. La Chine contrôle également 80% du raffinage mondial du cobalt. Une grande partie des 20% restants est transformée en Finlande, mais les matières premières contenant du cobalt alimentant les raffineurs finlandais proviennent également de la RDC. Compte tenu des besoins intérieurs notables et croissants de la Chine, la question pour la communauté internationale est de savoir comment elle peut se procurer le cobalt supplémentaire dont elle a besoin pour développer l'électrification et atteindre la croissance prévue des VE.

Le développement du transport électrique est perçu comme la clé d'un avenir plus vert. 
Paradoxalement, il pourrait infliger des dommages involontaires à l'environnement.

La croissance rapide de l'adoption des véhicules électriques (VE) a devancé les objectifs ambitieux fixés à Paris. Les batteries des VE devraient désormais représenter au moins 90% du marché des batteries au lithium-ion d'ici 2025. Si les objectifs d'émissions fixés dans les engagements de l'Accord de Paris (COP21) et de l'Initiative pour les véhicules électriques (EVI) doivent être atteints, 20 millions de véhicules devront être déployés au minimum dans le monde d'ici 2030. Les gouvernements du monde entier, dont la France et le Royaume-Uni, ont annoncé leur intention de supprimer progressivement les moteurs à combustion. Ces deux pays interdiront les ventes de véhicules à essence et diesel d'ici 2040. Cela concerne huit des dix plus grands marchés automobiles du monde. La campagne EV30@30 vise une part de marché de 30% pour les VE d'ici 2030. Le scénario EV30@30 table sur un parc mondial de 228 millions de VE d'ici 2030, soit environ 100 millions de plus que prévu actuellement.

Le développement du transport électrique est considéré comme la clé d'un avenir plus vert, mais, paradoxalement, la réalisation de cet objectif pourrait infliger des dommages involontaires aux humains et à l'environnement. Les véhicules électriques peuvent s’avérer plus propres lors de leur exploitation, mais sans une gestion prudente, l'approvisionnement en matières premières pour les batteries dont ils ont besoin pourrait entraîner des coûts sociaux et environnementaux considérables. La question pour les régulateurs, les fabricants et les producteurs de matières premières est de savoir comment stimuler et gérer au mieux la croissance exponentielle des matières premières nécessaires tout en respectant les objectifs environnementaux et en évitant de nuire aux communautés vulnérables. Si les batteries doivent soutenir plutôt qu'entraver le développement durable mondial, l'ensemble de la chaîne de valeur doit être pris en compte. Pour y parvenir, il faudra une coordination internationale et une coopération étroite entre les organisations des secteurs public et privé. Le potentiel d'innovation inexploité est considérable tout au long de la chaîne de valeur. Si l'électrification doit répondre aux objectifs de développement durable, des progrès considérables devront être accomplis pour réduire les coûts de production des batteries, améliorer les performances et maximiser les avantages de l'économie circulaire.

Sur l'ensemble de leur cycle de vie, les véhicules électriques pourraient théoriquement
générer plus d'émissions de carbone que les moteurs à combustion équivalents.

Pour relever efficacement le défi du changement climatique, les ressources en batteries doivent être utilisées aussi efficacement que possible, tout en évitant la pollution et en garantissant un approvisionnement solide en matières premières avec un faible coût environnemental. Le simple fait d’augmenter le parc mondial de véhicules électriques ne produira pas en soi les avantages nécessaires en matière de changement climatique. En effet, tout au long de leur cycle de vie – en tenant compte des matières premières, de la fabrication, de l'utilisation et du recyclage – les véhicules électriques pourraient théoriquement générer plus d'émissions de carbone que les moteurs à combustion équivalents. À titre d’exemple, en moyenne, la construction d'un véhicule électrique coûte actuellement deux fois plus cher en termes d'énergie qu'une voiture équivalente à essence ou diesel. Cela s’explique principalement par le fait que la production de batteries est très énergivore. Les matières premières doivent être extraites, raffinées et transportées, et le processus de fabrication nécessite beaucoup d'électricité. La situation s'améliore grâce aux économies d’échelle, mais l’augmentation des niveaux de production ne suffira pas à elle seule à libérer tout le potentiel écologique de la mobilité en véhicules électriques. Les VE ont généralement un fonctionnement beaucoup plus propre que les moteurs à combustion, mais l'ampleur de cet avantage est dictée par la source d'électricité. Une batterie alimentée par des combustibles fossiles est nécessairement plus polluante qu'une batterie alimentée par des énergies renouvelables. Plus il y a d'énergies renouvelables dans le bouquet énergétique national, plus les réductions d'émissions réalisables sont importantes. Les gouvernements ont donc un rôle important à jouer.

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