L’(in)connu article 404 du Code des obligations

Giuliano Bianchi & Isabella Blengini, EHL Ecole hôtelière de Lausanne

2 minutes de lecture

La Suisse est un centre d'arbitrage de choix. Cependant, l'article 404 de son code des obligations et son interprétation par la Cour suprême suisse crée la polémique.

Les contrats d’agence dans le droit suisse

Les contrats constituent la pierre angulaire de la plupart des secteurs et sont particulièrement importants lorsqu'ils impliquent deux ou plusieurs parties de pays différents. La Suisse a acquis la réputation d'être un centre d'arbitrage de choix. Cependant, l'article 404 de son code des obligations et son interprétation par la Cour suprême suisse suscitent de nombreuses discussions.

Le droit suisse définit comme des contrats d'agence, des arrangements juridiques qui impliquent la fourniture de services sans être formellement des contrats de travail. L'article 404, qui s'applique aux contrats d'agence, stipule que ce type de contrat peut être résilié immédiatement.

Modèle mandant-mandataire

Le contrat d'agence lie mandant et agent dans une relation basée sur la confiance, par laquelle le second (l'agent) s'engage à agir pour le compte du premier (le mandant).

Prenons l'exemple d'un contrat liant une patiente et son médecin - dans ce cas le patient - ne peut que faire confiance à l’agent (ici, le médecin), faute d’être suffisamment informé pour juger du comportement du médecin. Il s'agit d'un cas typique d'asymétrie d'information, l'agent ayant un avantage sur le mandant en termes d'information. 

Il semble clair que la question de la confiance entre mandant et agent est au coeur du contrat d’agence.

Le contrat d'agence diffère également des contrats de service et de travail car l'agent n'est pas tenu de produire un résultat spécifique, mais seulement de traiter l'affaire dans le meilleur intérêt du mandant.

Il semble clair que la question de la confiance entre mandant et agent est au coeur du contrat d’agence. Si cette confiance est compromise, alors, selon le droit suisse, le mandant peut rompre le contrat immédiatement.

Résiliation

Selon l'article 404 du Code, «le contrat de mandat peut être révoqué ou résilié à tout moment par l'une ou l'autre des parties», la seule exception étant celle du moment inopportun (par exemple, lorsque le médecin décide de se retirer juste avant une opération).

Cependant, un autre article du même Code - l'article 19 - stipule que «le contrat peut être librement déterminé dans les limites de la loi.»

Mais cette disposition s’applique-t-elle à l'article 404? La Cour suprême a confirmé que l'article 404 est un impératif et ne peut être négocié.

Quelles sont alors ces implications? Cela signifie que chaque fois qu'un contrat d'agence tombe sous le coup du droit suisse, le mandant (ou l'agent) peut rompre le contrat à tout moment, sans avertissement préalable.

Lorsqu'une partie s'écarte du droit chemin, elle paie immédiatement les conséquences de son comportement.

«Cette disposition a été fortement critiquée comme étant une source potentielle d'instabilité entre les entreprises. Si l'on ne peut pas garantir l'intégrité d'un contrat, quel est l'intérêt d'y investir? Quelle est la meilleure façon de se protéger contre ce risque? Cette législation transforme-t-elle la Suisse en un marché peu attractif pour les entreprises internationales?» Comment minimiser le risque d'annulation des contrats, notamment pour l'agent? La réponse: La qualité!

Si l'agent se comporte au mieux des intérêts du mandant, pourquoi ce dernier devrait-il annuler le contrat? Grâce à la menace de pouvoir annuler le contrat, la législation parvient à résoudre efficacement le problème de l'asymétrie d'information en permettant au mandant de punir sans contrainte l’agent.

Solutions

L'industrie a trouvé plusieurs solutions à ce problème.

  1. Aligner les incitations pécuniaires des directeurs et des entreprises en, par exemple, payant les directeurs sur la base des bénéfices ou des actions de l'entreprise (incitation à maximiser les bénéfices).
  2. Le contrat de franchise permet à un hôtel indépendant d’opérer sous le nom d'une marque bien connue. Dans ce cas, le problème mandant-agent est partiellement résolu, car la marque peut accroître sa présence dans le secteur, tandis que dans le même temps, l'hôtel s'efforce d'adopter un comportement optimal et de maximiser ses propres bénéfices. Cependant, cela ne résout pas complétement le problème d’asymétrie d’information (perte de réputation de la marque, non-respect des normes par le franchisé,...)
  3. Le contrat de gestion: le propriétaire de l'hôtel peut déléguer la gestion de l'hôtel à une entreprise spécialisée, qui agira alors dans le meilleur intérêt des propriétaires. Une fois encore, il n’est pas possible d’assurer le comportement optimal de l’entreprise.

L'article 404 du Code suisse des obligations peut renforcer ces types de contrats d'agence, en faisant de la résiliation éventuelle une menace crédible: lorsqu'une partie s'écarte du droit chemin, elle paie immédiatement les conséquences de son comportement.

Cette législation a été accusée de créer de l'instabilité. Mais un contrat ne peut être considéré comme définitivement acquis. La seule façon d'être sûr de ne pas rompre ces arrangements juridiquement contraignants est de garantir un service de qualité supérieure. Nous revenons ainsi aux principes d'Adam Smith: dans un marché concurrentiel, seuls les meilleurs survivent. 

 

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