Jeunes diplômés: Wall Street a besoin de vous!

Christopher Smart, Barings

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Oui, une carrière dans la finance a du sens. Surtout maintenant que la révolution est à portée de main.

©Keystone

«Mettez de la crème solaire» pourrait bien être le meilleur conseil jamais prodigué à de jeunes diplômés. Largement attribuée à l’auteur Kurt Vonnegut, cette phrase vient en fait d’une parodie de discours de remise de diplômes rédigée par une certaine Mary Schmich, chroniqueuse à la Chicago Tribune. En cette période de célébrations académiques virtuelles, hybrides, ou plus modestes que de coutume, l’envie me prend de formuler à mon tour quelques suggestions.

Soyons clairs, je n’ai pas encore été invité à prononcer un véritable discours de remise de diplômes. Mais avec une nouvelle diplômée à la maison cette semaine, je me sens regorger de bons conseils, de suggestions pratiques, et d’importantes recommandations morales (demandez seulement à ma fille). 

Nous ne reconnaissons peut-être pas assez tout le mal que nous avons causé, mais
nous hésitons aussi à expliquer comment nous donnons du sens à ce que nous faisons. 

Mon message à tous les nouveaux diplômés est simple: cap sur Wall Street!

Sur les estrades de nombreux campus, c’est probablement sur cette seule invite que les huées commenceraient ou qu’une partie du public quitterait les lieux en guise de protestation. Plus probablement encore, les sièges seraient déjà à moitié vides en raison du boycott organisé contre le panégyrique d’une industrie financière devenue synonyme de cupidité, d’égoïsme et d’enrichissement illégitime. 

Aux diplômés de la volée de 2021, loin de moi l’idée de détourner l’attention de vos remarquables succès, alors que vos familles ici réunies débordent de fierté. Mais nous autres professionnels de la finance parlons bien trop rarement de notre métier. Nous ne reconnaissons peut-être pas suffisamment tout le mal que nous avons causé, mais nous hésitons aussi à expliquer comment nous donnons du sens à ce que nous faisons. 

Dans des circonstances normales, j’attendrais un autre jour pour m’immiscer dans ces controverses. Mais c’est maintenant que nous avons besoin de vos talents. Et si je ne me hâte pas de présenter mes arguments, vous choisirez tous des carrières qui aideront à guérir le cancer, à explorer l’espace ou à éduquer les enfants. Ces objectifs sont certes louables, mais contribuer à orienter les flux financiers internationaux l’est tout autant.

Permettez-moi donc de commencer par les torts pour lesquels le secteur des services financiers devrait être tenu responsable. En tête de liste, il y a sans aucun doute une longue série de crises financières qui ont permis l’enrichissement d’un petit nombre et provoqué l’appauvrissement de beaucoup. Il y a également la complexité diabolique des fonds de placement, des prêts hypothécaires et des cartes de crédit, qui semblent souvent conçus pour semer la confusion et justifier ainsi des commissions plus élevées. Et enfin, il y a bien sûr cette priorité absolue donnée au profit et qui va fréquemment à l’encontre du collectif ou de la simple décence. 

Sans épargne, ni investissements ou assurances,
nos vies seraient entièrement dépendantes des caprices des dieux.

Or, il suffirait d’une réglementation plus stricte et de meilleures recrues pour corriger ces défauts. Examinons maintenant en quoi la finance rend le monde meilleur.

  • La finance nous protège des catastrophes. Sans épargne, ni investissements ou assurances, nos vies seraient entièrement dépendantes des caprices des dieux, toujours sur le fil du rasoir, à deux doigts de la ruine. 
  • La finance nous permet de voyager dans le temps. Concrètement, la finance se projette dans l’avenir en regroupant les revenus de demain pour nous permettre d’acheter aujourd’hui une voiture ou une maison. Au moment de la retraite, elle effectue le processus inverse pour réorienter les salaires passés canalisés dans l’épargne. 
  • La finance crée une prospérité collective. Sans la capacité de mettre en commun et d’investir les ressources d’une communauté toute entière, et qui vont bien au-delà de ce qui est possible pour le simple individu, nous n’aurions ni armées, ni recherche médicale, ni parcs de quartier. 
  • La finance favorise le progrès. Elle rend possible la réalisation de nouvelles idées, de nouveaux produits et de nouvelles entreprises qui constituent des étapes significatives dans l’expérience humaine. C’est le cas de la machine à vapeur, du canal de Panama et d’Internet, mais aussi de la pizzeria du coin et de l’atelier artisanal du sous-sol. 
  • La finance est en première ligne d’une révolution désormais imminente. Les pressions sociales et l’innovation technologique l’ont en effet amenée au seuil d’un changement radical.

Cette dernière affirmation peut paraître excessive, à moins que l’on ne prenne en compte le fait que des investisseurs qui gèrent aujourd’hui plus de 100'000 milliards de dollars sont désormais engagés dans des stratégies qui tiennent compte de critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG). Une telle industrie a besoin de bien plus que de simples spécialistes du chiffre guidés par l’avidité. Il lui faut des esprits analytiques, qui ont à cœur de mettre l’argent au service de la protection de la vie privée, de l’inclusion et de la lutte contre le changement climatique. 

Les modèles d’affaires actuels de la banque,
de l’investissement et de l’assurance sont sur le point d’exploser.

La révolution simultanée des monnaies numériques, de l’intelligence artificielle et de la technologie de la chaîne de blocs signifie que les modèles d’affaires actuels de la banque, de l’investissement et de l’assurance sont sur le point d’exploser. L’analyse crédit, la négociation de contrats et la relation clients auront complètement changé d’ici une décennie. Ce sont là des défis passionnants pour quiconque pourvu de la moindre fibre entrepreneuriale et d’une envie de progrès. 

A vous, jeunes diplômés qui sortez de cette période de pandémie et d’enfermement, je ne peux offrir de meilleur conseil que celui de donner un but et une cohérence à vos vies. Pour la plupart d’entre vous, je sais que cela mènera à des carrières remarquables dans des laboratoires, des usines, des écoles ou des magasins.

Mais j’espère que certains d’entre vous envisageront la finance – ce que nous appelons paresseusement Wall Street –, alors que cette dernière entre dans une nouvelle phase de transformation. Nombre de ses défauts sont encore à corriger, mais si vous faites preuve de créativité et souhaitez réellement rendre le monde meilleur, le coup d’œil en vaut la peine. 

Et si vous arrivez à la conclusion que la finance n’est définitivement pas pour vous, le conseil au sujet de la crème solaire reste valable!

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