Janet Yellen s'introduit dans la Casa de Papel

Bruno Jacquier, Atlantic Financial Group

3 minutes de lecture

Ou des multiples façons de tirer profit de la baisse du dollar.

Le billet vert a déjà lourdement chuté l'an dernier, mais cette tendance se poursuivra en 2021. Lors de ses derniers discours, Janet Yellen a tenté de faire illusion en expliquant que les États-Unis ne chercheront pas à affaiblir leur monnaie. Pourtant, la monétisation de la dette se fait à un rythme plus soutenu aux Etats-Unis qu'ailleurs. Cette année encore, les investisseurs accumuleront les principales devises, l'or et l'argent, mais aussi les actions émergentes et les sociétés exportatrices américaines. Il existe de nombreuses manières d'exposer les portefeuilles à cette thématique.

Il n'y a que Janet Yellen qui essaie de rassurer sur le fait que les USA
ne laisseront pas s'effondrer leur devise pour obtenir un avantage compétitif.
LA CHUTE DU BILLET VERT EST DEVENUE CONSENSUELLE

A la différence de 2020, chacun s'accorde sur le fait que le dollar puisse chuter davantage. Il n'y a sans doute que Janet Yellen, la toute nouvelle Secrétaire au Trésor américain, qui essaie de rassurer sur le fait que les Etats-Unis ne laisseront pas s'effondrer leur devise dans l'intention d'obtenir un avantage compétitif. La liste des éléments permettant de justifier une dépréciation additionnelle du billet vert est longue:

  • Pour revenir à sa valeur d'équilibre, telle que définie par la Parité des Pouvoirs d'Achat (PPA), le billet vert devrait céder -10% de sa valeur actuelle. 
  • La surévaluation du dollar est bien connue des investisseurs institutionnels et des fonds spéculatifs. Ces derniers sont donc logiquement vendeurs nets.
  • Le différentiel de rendements, qui permettait d'effectuer des opérations de portage (emprunter en euros pour placer en dollars), n'est plus avantageux.
  • La reprise économique, incite les investisseurs à réduire leur détention d'actifs refuges, dont le dollar fait partie.
  • Les déficits jumeaux croissent plus vite aux Etats-Unis qu'ailleurs : le déficit commercial américain atteint des records et le déficit public, déjà exorbitant, va progresser davantage sous la présidence de Joe Biden.
  • Les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine seront sans doute moins exacerbées mais les démocrates souhaitent, eux aussi, contraindre Pékin à davantage de loyauté commerciale. 
  • La perte d'indépendance de la Fed vis-à-vis de la politique budgétaire (Trésor US) constitue un changement historique, voire disruptif. Une crise de confiance pourrait faire perdre son statut de monnaie de référence internationale au dollar. 
L’argument le plus important est la monétisation de la dette

Pour contrôler le niveau des rendements obligataires, la Réserve fédérale américaine (Fed) achète des volumes colossaux de dette américaine. Pour cela, elle imprime des dollars à un rythme effréné, à faire pâlir d'envie Nairobi, Rio ou Denver dans la Casa de Papel. Cette monétisation est salutaire, car elle soutient l'activité économique, l'inflation et rend la dette soutenable, mais elle est défavorable au billet vert. Comme tout bien échangeable, le prix du dollar (son taux de change) est soumis à l'équilibre entre l'offre et la demande. Il s'apprécie lorsqu'il est rare et chute s'il abonde. Même si toutes les grandes banques centrales ont injecté des liquidités dans les marchés, la Fed l'a fait sans pareil. 

Un taux de change entre l'euro et le dollar au-dessus de 1,30
est à prévoir dès le quatrième trimestre 2021.

Le modèle économétrique d'Atlantic Financial Group, qui s'appuie notamment sur la croissance, l'inflation, le pricing power des entreprises, les déficits publics et les taux d'intérêts, des deux côtés de l'Atlantique, anticipe un taux de change entre l'euro et le dollar au-dessus de 1,30 dès le quatrième trimestre 2021, puis une stabilisation entre 1,27 et 1,36 en 2022 (cf. graphique). Cette analyse, basée sur des variables macroéconomiques, a l'avantage d'être extrêmement fiable pour indiquer la tendance. En revanche, elle n'a qu'un très faible pouvoir prédictif en termes de timing. Pour cela, mieux vaut se fier à l'analyse technique. Or, le Dollar Index (DXY) s’approche d’un support important. S’il cède, le mouvement baissier s’accélèrera. Le signal est similaire pour le taux de change EUR/USD: 1,25 est une résistance clef. Une cassure de ce niveau ouvrirait la porte pour 1,35-1,40.

Il existe de nombreuses manières de profiter de la baisse du dollar

Investir sur les principales devises mondiales, sur l'or ou l'argent, pour se protéger d'une dépréciation du dollar, est tout à fait envisageable. Les couvertures optionnelles permettent également de protéger les portefeuilles à moindre coût. De manière plus exotique, mais permettant de combiner cette vision baissière sur le dollar avec nos vues très positives sur le yuan chinois, il existe différentes solutions capables de capter la hausse du renminbi contre le dollar, avec ou sans protection, et au bénéfice d'une asymétrie très favorable. 

Il existe également d'autres manières d'être exposé à cette thématique:

  • Habituellement, lorsque le dollar faiblit, les actions des pays émergents surperforment à hauteur de 4 pour 1: elles affichent une performance relative de +40% à chaque fois que le dollar concède -10%. Plusieurs éléments permettent d'expliquer cette relation mais la principale est que les sociétés des pays émergents voient le coût du service de leur dette se réduire. 
  • Aux Etats-Unis, les compagnies internationales qui réalisent une part importante de leurs ventes en dehors de la zone dollar s'en sortent nettement mieux que les autres. Elles gagnent en compétitivité et voient ainsi leur chiffre d'affaires augmenter. 
  • En Europe, le phénomène est inversé. Les petites capitalisations et les entreprises qui ont un biais domestique sont relativement peu sensibles à une chute du dollar. Parmi les grandes capitalisations, celles qui produisent à l'international ont également un avantage. Certaines parviennent aussi à profiter d’une diminution de leur facture énergétique.

Les solutions de type «long/short», visant à capter la surperformance des marchés émergents, peuvent facilement être mises en œuvre. De même, les valeurs américaines et européennes qui profiteront le plus de la dépréciation du dollar, identifiées grâce à une analyse approfondie, sont à privilégier. 

Prévisions du taux de change EUR/USD

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