Investir: allier décarbonisation et protection de la biodiversité

Thomas Höhne-Sparborth, Lombard Odier

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La prise de conscience du double enjeu changement climatique/perte de biodiversité monte en force. De nouvelles approches pour y répondre en même temps voient le jour.

Le monde est aujourd’hui confronté à la double crise du changement climatique et de la perte de biodiversité. Le réchauffement climatique expose des millions de personnes à des canicules extrêmes et l’élévation du niveau de la mer pourrait affecter jusqu’à un milliard d’habitants. La hausse des températures menace aussi l’environnement naturel, qui souffre déjà de la perte d’habitat et de la surexploitation. Environ un million d’espèces animales et végétales sont actuellement menacées d’extinction.

Or, les efforts fournis pour résoudre ces problèmes sont pour l’instant décorrélés: d’un côté, de nouvelles sources d’énergie propre et, de l’autre, une protection accrue des derniers espaces sauvages. Mais une nouvelle approche émerge, qui appelle à des investissements afin de répondre aux deux enjeux en même temps.

Des solutions pour protéger, restaurer et gérer les écosystèmes de façon soutenable afin de répondre aux défis sociétaux et de promouvoir le bien-être humain.

Parfois appelées «solutions naturelles» ou «solutions climatiques naturelles», ces stratégies visent à contrer à la fois la crise climatique et la perte de la biodiversité, en évaluant les impacts que les politiques mises en œuvre dans un domaine sont susceptibles d’avoir sur l’autre. Dans l’idéal, les résultats doivent être positifs à la fois sur les plans de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la protection des écosystèmes naturels. Ces solutions consistent à protéger, restaurer et gérer les écosystèmes de façon soutenable afin de répondre aux défis sociétaux et de promouvoir le bien-être humain, tout en impliquant les communautés locales. Des solutions gagnantes pour tout le monde.

Deux objectifs pour faire face à une même réalité

Cette approche pourrait être très efficace. Les scientifiques estiment que l’investissement dans les solutions naturelles pourrait couvrir 37% des mesures rentables qui permettront de réduire les émissions de CO2 afin de maintenir le réchauffement en dessous de 2°C d’ici 2030. Il s’agit, entre autres, de renforcer le piégeage du carbone et de réduire les émissions de carbone et autres gaz à effet de serre grâce à la conservation, à la restauration et à l’amélioration des pratiques de gestion des macroécosystèmes (forêts, zones humides et surfaces vertes).

Prenons, par exemple, les forêts qui stockent de vastes quantités de carbone. Pour atténuer le changement climatique, il est donc nécessaire non seulement de réduire les émissions dues aux combustibles fossiles mais aussi de prévenir la dégradation des forêts et la déforestation. Les forêts accueillent 80% de la biodiversité de la planète. Ainsi, investir dans la protection des forêts permet de répondre à la fois au changement climatique et à la perte de biodiversité.

Net zéro et protection de la biodiversité

Pour les investisseurs, il n’y a pas de contradiction à aligner les portefeuilles sur une stratégie net zéro et une économie positive pour la nature, tout en sécurisant les rendements. Il s’agit d’un changement à partir d’une économie qui détruit de la valeur vers une économie qui en créée. Le mouvement vers une économie décarbonisée est une partie d’une vision globale, mais nous ne devons pas oublier que l’économie n’existe pas indépendamment de la nature: c’est la biosphère et les apports de la nature qui supportent notre économie.

Alors que l'accord de Paris couvre le changement climatique, un accord similaire est nécessaire sur les aspects plus larges de la nature et le défi de la biodiversité.

La transition vers une économie nette zéro et plus respectueuse de la nature reléguera inévitablement certains modèles commerciaux au passé, mais créera aussi des opportunités de croissance pour de nouveaux modèles disruptifs. La bioéconomie circulaire est un domaine potentiel où nous pourrions trouver une telle croissance, comprenant des activités impliquant le remplacement de produits industriels par des alternatives et des matériaux d’origine organique (biomasse). Les entreprises permettant une meilleure conception grâce à des technologies assistées par ordinateur, de meilleurs processus de production grâce à la fabrication additive, ou une meilleure gestion des déchets en aval grâce à des systèmes de tri ou de désassemblage automatisés, ne sont qu'un petit échantillon des opportunités potentielles.

Alors que l'accord de Paris couvre le changement climatique, un accord similaire est nécessaire sur les aspects plus larges de la nature et le défi de la biodiversité. Cette année, en octobre, la COP15 sur la biodiversité, tant reportée, aura enfin lieu, espérons-le, en Chine. L'objectif de ces réunions est clair. Pour les investisseurs et les autres parties prenantes, un résultat positif sera déterminant et attirera l'attention sur la nécessité d'une transformation fondamentale de notre économie.

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