Halte aux fausses craintes

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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L’Union européenne veut simplement que la Suisse respecte ses règles lorsqu’elle agit sur son marché.

Les négociations entre la Suisse et l’Union européenne sur un nouveau paquet d’accords ont débuté le 18 mars 2024. On espère qu’elles se termineront le plus vite possible. Pendant qu’elles se déroulent, les partisans de ces accords se taisent et attendent, tandis que leurs opposants déversent leurs slogans réducteurs. A l’occasion des 25 ans des accords bilatéraux (les premiers ont été signés le 21 juin 1999), il paraît nécessaire de rappeler certains faits pour contrer des craintes infondées.

La Suisse a désormais plus de 140 accords avec l’Union européenne, qui apportent tous des avantages à l'économie suisse, qui peut ainsi exporter facilement environ la moitié de sa production vers l’Union européenne. Chacune et chacun d'entre nous profite de la croissance stable et continue qui en découle (environ 1% par année en moyenne), même si certaines grandes villes souffrent d’un manque d’infrastructures (logements, crèches, routes, etc.) qui complique la vie de leur population. La libre circulation des personnes a aussi donné le droit aux citoyens suisses d'apprendre, de vivre et de travailler partout au sein de l'Union européenne, ce dont profitent plus de 500’000 d’entre eux.

La mise à jour de certains accords et les nouveaux accords actuellement en cours de négociation sont essentiels pour le maintien de notre qualité de vie en Suisse.

Il est important de préciser qu’il n’est plus question de devenir membre de l’Union européenne; la Suisse a retiré sa demande d’adhésion il y a huit ans déjà. C’est ce qui explique les attentes renforcées de l’Union européenne vis-à-vis de la Suisse, qui restera un pays tiers. La mise à jour de certains accords et les nouveaux accords actuellement en cours de négociation sont essentiels pour le maintien de notre qualité de vie en Suisse. L’alternative ne serait pas le statu quo, mais une dégradation de nos accords actuels.

L’UDC veut l’indépendance de la Suisse, mais personne ne veut le contraire. Elle a l’impression que la Suisse n’est pas traitée d’égal à égal par l’Union européenne, alors qu’avec les accords bilatéraux, la Suisse a une solution taillée sur mesure pour elle, que l’Union européenne n’a accordée à aucun autre Etat. Et cela ne changera pas avec les nouveaux accords en cours de négociation.

La Suisse ne devra pas automatiquement adopter le droit de l’Union européenne, son Parlement restera souverain et le peuple aura le dernier mot en cas de référendum. La Suisse pratique d’ailleurs déjà depuis plus de vingt ans une politique d’adaptation autonome aux règles européennes, dans l’intérêt de sa population et de ses entreprises, sans provoquer plus que quelques votations populaires. Le dernier exemple date d’il y a deux ans, quand 71,5% des citoyens et tous les cantons ont accepté d’augmenter la participation de la Suisse au corps de garde-frontières Frontex, pour que notre pays reste dans l’espace Schengen. Pas sûr qu’un tel score aurait été atteint dans beaucoup d’Etats européens!

La Suisse ne devra pas non plus se soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci n’interviendra que si le tribunal arbitral le lui demande, pour interpréter le droit européen en matière d’accès au marché (mais pas les exceptions concédées par accord à la Suisse), tout comme le tribunal arbitral se référera au Tribunal fédéral pour interpréter le droit suisse. Au final, c’est le tribunal arbitral seul qui tranchera un éventuel litige. On peut faire un parallèle avec la circulation routière dans l’Union européenne : il faut respecter les règles locales; on peut bien sûr aller plus vite, mais il faut alors s’attendre à une amende.

On sait que la grande crainte de l’UDC est une immigration incontrôlée, même si aucun élément concret ne la rend vraisemblable: il est toujours prévu que seules les personnes qui travaillent auront droit à un séjour permanent, afin d’éviter l’immigration dans l’aide sociale. Le Conseil fédéral travaille aussi au maintien du niveau des salaires en Suisse, tant avec l’Union européenne qu’avec les partenaires sociaux.

Enfin, la Suisse ne devra pas verser régulièrement «des milliards» à l’UE. Elle discute simplement de pérenniser, en l’augmentant un peu si elle obtient satisfaction sur d’autres points, sa contribution à la cohésion de l’Union européenne. Celle-ci s’élève actuellement à 130 millions par an, alors que la Suisse devrait payer 20 à 30 fois plus si elle participait au budget de l’Union européenne en tant qu’Etat membre.

Il y a déjà assez de troubles géopolitiques dans le monde sans que la Suisse se fâche avec ses voisins. Puisque la moitié de son commerce a lieu avec eux, il est important de s’entendre sur les conditions d’accès à leur marché. Aucun accord ne peut garantir qu’il n’y aura aucun conflit dans son application, ce qui n’empêche pas les gens de se marier. Car sans accord, un concubin peut se faire jeter hors du ménage commun – en l’occurrence hors du marché intérieur de l’Union européenne.

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