Fin de partie pour Mario

Salima Barragan

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«Lorsqu’il n’y aura plus aucun espoir de baisse des taux directeurs, les actifs obligataires apparaitront trop chers», estime Pascal Gilbert de DNCA.

Rabaissement du taux de dépôt de -0,40 à -0,50 et reprise du programme de rachats d’actifs obligataires à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros dès le 1er novembre «aussi longtemps que nécessaire», Mario Dragui a resservi sa recette aux marchés. Fin d’une longue partie de huit ans pour l’Italien dont le mandat s’achève fin octobre et qui passera la main à la Française Christine Lagarde. Alors que l’Europe qui vacille est en sursis, la mission s’annonce délicate pour la Directrice générale sortante de FMI.

La BCE à bout de souffle

Durant l’été, les rumeurs allaient de bon train et les experts prévoyaient des surprises inédites de la part de la BCE: «Nous nous attendions à de très grandes mesures, mais le marché a été déçu», regrette Pascal Gilbert. La décision non unanime de l’institut de Francfort a été critiquée au sein même de son Conseil des gouverneurs. «Il s’agit du même phénomène observé chez la Fed où la baisse des taux n’a pas fait l’unanimité. Cinq membres étaient en faveur d’une baisse plus importante alors que cinq autres n’en voulaient pas du tout», relève Pascal Gilbert. Ces nouvelles mesures n’ont pas réussi à pentifier la courbe des rendements et les obligations de première qualité se sont même dépréciées.

Tôt ou tard l’inflation sera plus élevée de celle escomptée par les marchés
et les banques centrales seront en retard sur la courbe.

En huit ans de politique monétaire conciliante, la BCE a épuisé son arsenal comme en témoigne son appel de politiques budgétaires de relance aux gouvernements européens. «Son action devient inopérante sur la croissance et l’inflation. Une baisse des taux supplémentaire n’apporte plus rien à ces deux objectifs», estime Pascal Gilbert. Les anticipations d’inflation ainsi que l’inflation réalisée restent basses et la croissance n’a toujours pas décollé. En attendant, le marché est généreusement inondé d’argent frais.

Quid de la liquidité

Les investisseurs obligataires sont restés investis dans l’expectative de baisses des taux. Lorsque la BCE arrêtera d’alimenter les marchés et remontera ses taux, que se passera-t-il? «Lorsqu’il n’y aura plus d’espoir de baisses des taux, les actifs se révèleront beaucoup trop chers et tous les intervenants se bousculeront au portillon pour vendre», estime Pascal Gilbert. «Avec une courbe des rendements plate, les surprises économiques positives pourraient changer les discours des banques centrales», poursuit-il. Les argentiers du monde en sont conscients et devront parvenir à relever les taux long pour offrir une prime avant une probable correction des marchés.

Miser sur l’inflation

A l’heure actuelle, le marché n’anticipe aucune inflation. Des deux côtés de l’Atlantique, l’inflation sous-jacente anticipée (hors éléments volatiles comme la nourriture et l’énergie) est supérieure à celle globale. «Tôt ou tard l’inflation sera plus élevée de celle escomptée par les marchés et les banques centrales seront en retard sur la courbe, car elles ne monteront leur taux que lorsque l’inflation anticipée atteindra le seuil de 2% mais les taux nominaux peuvent remonter plus vite», explique le spécialiste qui est positionné négativement sur la duration.

Dans son fonds obligataire, Pascal Gilbert mène une stratégie contrariant «long» sur l’inflation avec des TIPS (bons du trésor américain indexés sur l’inflation). Cette stratégie semble un peu risquée «mais nous pensons que les barrières tarifaires sont inflationnistes», argumente Pascal Gilbert. D’ailleurs, le PCE (personal expenditure consumption) du mois de août, un indicateur suivi de très près par la Fed, s’est élevé à 1,6% en glissement annuel approchant ainsi de sa cible de 2%. Le gestionnaire détient des bons du gouvernement norvégien dont il attend une hausse des taux directeurs en octobre: «La Norvège est une valeur refuge en Europe et sa couronne rémunère 2% de plus que l’euro». Et son fonds est vendeur d’obligations canadiennes dont le pays affiche une croissance insolente de 3,7% au dernier trimestre: «Le Canada avait commencé son processus de normalisation monétaire en 2017, mais ils sont en pause à cause de la Fed».

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