Est-il (im)possible d'investir dans la biodiversité?

Lucian Peppelenbos, Robeco

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Les investisseurs privés doivent se concentrer sur la réduction et l'élimination des pressions qui conduisent à la perte de biodiversité.

Un constat s’impose: la plupart des entreprises ont inévitablement un impact négatif sur l'environnement. Cet impact provient de la consommation de ressources naturelles, de l'utilisation d'énergie, de l'émission de gaz à effet de serre, du rejet de substances, de la transformation d'habitats naturels, etc. Les activités économiques qui améliorent la qualité ou la quantité de la biodiversité sont, en principe, assez limitées. Est-il donc possible d'investir dans la biodiversité?

En effet, plusieurs produits d'investissement thématiques pour les actions de la biodiversité ont récemment été lancés sur le marché. Cela soulève toutefois plusieurs questions…Comment ces stratégies investissent-elles dans la biodiversité? Comment la biodiversité est-elle mesurée et quand peut-on parler d'une contribution positive à la biodiversité? Quels sont les critères et les mesures?

Au vu de ces questions, il est évidemment difficile d’investir dans la biodiversité par le biais de titres cotés en bourse. Une analyse exhaustive est nécessaire pour identifier les entreprises leaders qui s’efforcent d’améliorer leurs résultats. Une récente étude de la Banque européenne d'investissement montre que seulement 3% des solutions basées sur la nature proposée sur le marché européen sont soutenues par un important investisseur privé, tandis que le reste est financé par des acteurs publics.

Pour aider la nature, les investisseurs privés devraient se concentrer sur la réduction et l'élimination des pressions à l'origine de la perte de biodiversité, telles que la déforestation, l'assèchement des zones humides, la consommation d’énergie fossiles ou la pollution des rivières et des océans. Si ces pressions sur les écosystèmes cessent ou n'atteignent pas des niveaux excessifs, la nature sera en mesure de reprendre des forces. Cette solution a déjà fonctionné par le passé. En effet, en 1987 la signature du Protocole de Montréal par des gouvernements du monde entier, a permis d’interdire près de 100 substances qui endommagent la couche d’ozone. Cela a permis d’éliminer la principale pression sur la couche d’ozone, qui s’est aujourd’hui presque entièrement reconstituée.

Un univers d'investissement restreint mais en expansion

Certaines entreprises cotées en bourse proposent des solutions qui contribuent à un monde plus respectueux de la nature, mesurés par la réduction de la déforestation, de La consommation d’eau et de leur impact sur un réseau vaste et complexe. Il suffit de penser aux protéines alternatives, aux infrastructures vertes ou aux sociétés qui traitent les eaux usées. Il existe un univers d'investissement adéquat pour ces fournisseurs de solutions, mais il est relativement restreint, tandis que de nombreuses autres entreprises susceptibles d'apporter leur contribution ne sont pas cotées en bourse et se trouvent donc hors de portée des investisseurs en actions.

Néanmoins, dans le domaine du capital-investissement, il existe des start-ups et des entreprises qui opèrent dans des endroits riches en biodiversité dans le monde entier - souvent dans les pays émergents. Le Dutch Fund for Climate and Development (Fonds néerlandais pour le climat et le développement), par exemple, soutient les entreprises du Sud - un vaste groupe de pays en développement d'Amérique latine, d'Afrique et de certaines régions d'Asie - qui s’efforcent de s’adapter au climat et d’en atténuer les effets, en investissant entre 5 et 20 millions d'euros. Le fonds fournit des financements et une assistance technique à des projets dans quatre secteurs clés: l'eau, l'agriculture, la sylviculture et la restauration des écosystèmes.

Des efforts insuffisants

Toutefois, cela ne suffit pas. Les institutions financières ne peuvent pas se contenter de financer des entreprises totalement vertes. Pour une transition systémique vers une économie respectueuse de la nature, tous les secteurs ayant un impact négatif doivent changer. Ces secteurs en transition sont absolument essentiels pour infléchir la courbe de l’érosion de la biodiversité et résoudre cette crise. Il faut s'attaquer aux chaînes de valeur non durables qui sont responsables de la perte de biodiversité et aux pressions qui les sous-tendent.

Il est nécessaire de pouvoir mesurer cette ambition et de se concentrer sur la transition. Dans le cas contraire, il y a un risque de «greenwashing». Actuellement, il n’existe pas de voies de transition scientifiquement fondées pour la nature, comme il en existe pour le changement climatique et la transition nette zéro des industries.

En résumé, certaines entreprises publiques et privées émergentes se concentrent déjà sur des solutions visant à introduire une économie respectueuse de la nature. Toutefois, compte tenu de l'ampleur du problème et de l'opportunité, il est important non seulement d'investir dans ces acteurs, mais aussi d'aider l'économie dans son ensemble à se transformer.

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