Est-ce que l’économie américaine croît trop vite?

William De Vijlder, BNP Paribas

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Les inquiétudes du marché à l’égard d’une accélération de l’inflation pourraient refaire surface et conduire à un environnement plus volatil, rappelant celui de février dernier.

Les chiffres récents sur l’économie américaine ce trimestre indiquent une croissance solide et qui devrait le rester au vu des fondamentaux qui soutiennent la demande et du coup de pouce lié aux baisses d’impôts. On a, dans une certaine mesure, l’impression que l’économie «croît trop vite»: les inquiétudes du marché à l’égard d’une accélération de l’inflation pourraient refaire surface et conduire à un environnement plus volatil, rappelant celui de février dernier. Compte tenu de la robustesse de la croissance actuelle et d’un taux de chômage déjà très bas, le marché du travail pourrait finalement limiter le rythme de la croissance. En effet, comme les données historiques le montrent, lorsque le taux de chômage cesse de reculer, la probabilité d’une récession dans un avenir relativement proche se renforce sensiblement.

Les statistiques économiques récentes aux Etats-Unis ont été, dans l’ensemble, particulièrement bonnes. Les chiffres sur le marché du travail, publiés au début du mois, ont dépassé les prévisions avec l’excellent dynamisme des créations d’emplois. Les indices ISM manufacturier et non-manufacturier ont encore augmenté, dépassant également les attentes.

L’estimation de croissance en temps réel sur le trimestre résume assez bien les flux de données. D’après la Fed d’Atlanta, sur la base des données récentes, la croissance annualisée en glissement trimestriel est estimée à 4,8 %.

La Fed de New York, qui utilise un autre modèle, estime la croissance à 3,3 %, en deçà de la Fed d’Atlanta, mais cela reste une excellente performance.

Même si le bon sens voudrait qu’une telle performance soit saluée, les économistes se montrent prudents.

N’oublions pas que l’économie, qui croît déjà au-dessus de son potentiel, va connaître une nouvelle accélération avec les baisses d’impôts. Il faut donc s’attendre à une nouvelle augmentation de l’utilisation des facteurs de production, ce qui, compte tenu d’un chômage déjà très bas, devrait conduire à une accélération des hausses de salaires et, plus généralement, à une remontée de l’inflation.

Cela pourrait entraîner un mouvement de balancier sur le marché qui, début février était obsédé par une inflation supérieure aux prévisions mais qui, récemment, a été soulagé devant des créations d’emplois aussi fortes. On peut supposer qu’avec des données toujours aussi robustes, les gardiens du « temple » obligataire ne manqueront pas de réagir, entraînant un retour de la volatilité sur les marchés.

Autre source de préoccupation, quoique moins immédiate : le taux de chômage a atteint un niveau si bas qu’à un moment donné, il se situera à la limite inférieure, de quoi limiter la croissance. Et il ne s’agit pas là d’une construction théorique: en Europe, nous observons déjà ce type d’évolution en Allemagne, de même que dans le secteur de la construction.

Certes, un accroissement du taux d’activité pourrait permettre la poursuite des créations d’emplois mais leur rythme finirait par ralentir, ce qui pèserait, à son tour, sur la confiance en général, d’autant plus que, entretemps, la Fed aura encore relevé les taux.

Le point critique sera atteint lorsque le chômage recommencera à augmenter par rapport à l’année précédente car, comme le montre l’expérience, ce type d’évolution annonce une récession prochaine.

Aussi, un taux de croissance légèrement plus lent à court terme ne serait pas une mauvaise chose.