ESG: au-delà des effets taux et hype

Luis Ferreira, BCV

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Les indices ESG paient leur exposition aux valeurs de croissance et leur haute valorisation, mais restent stratégiques dans un portefeuille à long terme.

Star des investissements en 2020, les produits estampillés ESG, soit répondant aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, brillent globalement moins depuis le début de l’année. La composition et la valorisation des indices les exposent au changement en cours de régime des taux. Mais cet univers en formation gagne en granularité – et donc en potentiel de diversification – pour les investisseurs.

L’intégration stratégique de l’investissement durable dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels et privés s’est poursuivie durant la crise sanitaire. Plusieurs chiffres récemment parus permettent de donner un ordre de grandeur à un mouvement qui s’impose comme une tendance de fond. Ainsi, en 2020, quelque 75 milliards de dollars ont afflué dans des produits indiciels estampillés ESG, soit trois fois le volume de l’année précédente. A fin 2020, les actifs totaux alloués aux ETF ESG dépassaient 100 milliards de dollars. Et les premiers chiffres de ce début d’année confirment cette forte accélération.

Offre en croissance

Si la demande croît, l’offre aussi. A titre d’exemple, le nombre de produits indiciels a augmenté de 50% offrant ainsi une couverture à la granularité toujours plus grande de ce vaste ensemble. Parmi les produits les plus demandés en 2020, ceux s’engageant dans une thématique précise ont suscité beaucoup d’intérêt. C’est notamment vrai pour tout ce qui touche aux énergies propres. Conséquence, une concentration sur certains produits ou titres. Ainsi, les cinq plus gros produits indiciels dédiés aux énergies renouvelables pèsent désormais environ 20 milliards de dollars d’actifs cumulés. Cette situation se retrouve aussi dans la gestion active. Dans le même segment de durabilité environnementale, certains fonds ont ainsi dû restreindre leur capacité, victimes de leur succès.

Le choix de la variante ESG de l’indice permet d’améliorer
la note ESG d’un portefeuille sans en altérer la performance.

Côté performance, l’analyse démontre que les écarts par rapport aux indices de référence diffèrent au gré du mode d’exposition à l’ESG. Sur cinq ans, les indices mondiaux MSCI All Country World Index (ACWI) ESG Leaders et le MSCI ACWI suivent, à 10 points de base près, la même trajectoire. Avec un tracking error annualisé de 1,3% sur cette période, le choix de la variante ESG de l’indice permet d’améliorer la note ESG d’un portefeuille sans en altérer la performance. Un zoom sur la courbe à partir du 15 février, date qui marque la remontée des taux réels aux Etats-Unis, montre une certaine sensibilité à l’environnement macroéconomique actuel. Mais cette réaction est moins marquée que celle du MSCI ACWI SRI, un indice caractérisé par une approche plus sélective encore de l’univers ESG.

Sensibles aux taux

En comparaison avec le MSCI ACWI, cet indice montre sur cinq ans un tracking error annualisé de 2%. Il surperformait son benchmark avant la crise sanitaire et a repris une marche en avant également plus dynamique dès la reprise. Après une année 2020 de forte progression, il a en revanche tout aussi fortement réagi dès le 15 février. Il a rétrocédé quelques gains tout en préservant une performance supérieure. Les raisons? Si son allocation géographique et son allocation sectorielle ne diffèrent pas de celles de son indice de référence, sa plus grande exposition aux valeurs de croissance et aux grandes capitalisations boursières l’a davantage exposé à la hausse des taux.

Ruée sur l’or vert

Le mouvement accélère encore lorsque l’analyse se porte sur les produits thématiques, notamment les produits traitant des énergies propres. La surperformance est impressionnante et la réaction en ce début d’année est plus marquée que dans les deux autres cas, car ces produits se concentrent généralement sur des actions américaines, dont certaines technologiques, et sur des titres très demandés dans le secteur – aux valorisations pouvant aller jusqu’à 100 fois les bénéfices attendus sur 12 mois. A l’effet taux s’ajoute ainsi l’effet hype.

Le mouvement haussier des actions devrait globalement se poursuivre,
il devrait en revanche se montrer irrégulier dans la seconde partie de l’année.

Si la plupart des produits ESG surperformait l’indice monde à la fin de l’an dernier, aujourd’hui, nombre de stratégies présentent une contre-performance relative et absolue assez marquée. C’est notamment vrai pour celles présentant un biais valeurs de croissance appuyé. Ce qui est vrai à l’extérieur du monde ESG, l’est aussi à l’intérieur. A brève échéance, le marché des actions reste lié au fragile équilibre entre le niveau des valorisations, la croissance des bénéfices et l’évolution des taux. Le mouvement haussier des actions devrait globalement se poursuivre, il devrait en revanche se montrer irrégulier dans la seconde partie de l’année.

Investissement stratégique

La croissance de l’offre dans les produits ESG atténuera-t-elle cet effet que l’on pourrait qualifier de moutonnier en favorisant la diversification? Et jusqu’à quand durera la revanche des actifs inflationnistes enregistrée depuis l’automne dernier et qui s’est accentuée depuis février? Au-delà de ces mouvements de court terme des marchés, les placements ESG gardent du potentiel à longue échéance au vu des investissements nécessaires à la réalisation des objectifs climatiques et sociaux. 

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