Epargner pour la vie, pas seulement pour sa retraite

Edric Speckert, PensExpert SA

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Le peuple suisse souhaite pouvoir financer des pauses professionnelles de manière flexible. Mais cela n’est pas encore possible – contrairement à ce qui existe en Allemagne.

De nos jours, de plus en plus d’employés décident d’interrompre temporairement leur activité professionnelle pour suivre des formations continues ou prendre un congé sabbatique par exemple. Cependant, le système de prévoyance actuel ne prend pas en compte de telles interruptions. Afin de pouvoir financer ces pauses, beaucoup économisent à l’avance et tentent d’obtenir un revenu supplémentaire avec des primes, des heures supplémentaires et des jours de vacances restants. Ces revenus sont néanmoins soumis à des impôts et à des cotisations sociales. De plus, pendant la pause, aucun revenu n’est perçu et les frais d’assurance doivent être pris en charge par les employés eux-mêmes. Enfin, un congé de plusieurs mois peut réduire considérablement l’avoir de retraite, car aucune cotisation n’est versée à la caisse de pension durant cette période.

L’Allemagne a adopté une approche nettement plus flexible. En effet, les comptes épargne-temps permettent aux salariés allemands d’accumuler des heures qu’ils peuvent ensuite convertir en valeur monétaire pour financer des périodes d’interruption de leur activité professionnelle. En règle générale, les heures supplémentaires, les jours de congé, une partie du salaire ou même des primes peuvent être placés sur ce compte de prévoyance spécial.

La politique doit prendre les choses en main

Actuellement, seuls 11 à 14% des employés de l’industrie en Allemagne disposent d’un compte épargne-temps. Dans les petites entreprises, c’est encore moins répandu. Selon les estimations, il existe environ 400’000 comptes épargne-temps à travers tous les secteurs et tailles d’entreprises en Allemagne, dans lesquels ont été versés environ 34 milliards d’euros.

En Suisse, certains employés des CFF ont accès à une sorte de compte d’épargne-temps. Cependant, avec les conditions cadres actuelles, il n’est pas facile de proposer une option similaire à l’échelle nationale. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) permet les retraits anticipés du capital du 2e pilier uniquement pour l’accession à la propriété, en cas d’activité indépendante ou lors d’un départ définitif de la Suisse. Dans le cadre législatif actuel, les entreprises peuvent atteindre un effet semblable à celui du compte épargne-temps en donnant aux employés la possibilité d’acheter des jours de congé.

Pour permettre, par exemple, un retrait anticipé d’une partie du patrimoine de prévoyance pour prolonger le congé de maternité ou de paternité, il faudrait que le législateur se mobilise et rende la LPP plus flexible pour répondre aux nouveaux modes de vie, et permette de d’utiliser une partie des avoirs de prévoyance pour financer une période de congé. Cela correspondrait aux attentes de la population suisse, comme l’a démontré l’étude VorsorgeDIALOG 2022 de la Haute Ecole de Lucerne : 82% des personnes interrogées sont favorables à la possibilité de financer un congé sabbatique avec un compte de prévoyance spécial et supplémentaire. Une telle modification législative permettrait de répondre aux besoins spécifiques des personnes. Les avantages principaux résident dans la flexibilité des retraits et des versements, offrant aux individus la liberté de choisir quand et comment utiliser les fonds accumulés.

épargner progressivement

Un exemple concret permet d’illustrer comment une pause professionnelle pourrait être financée. Romain, dans la vingtaine, perçoit un salaire mensuel brut de 6'000 francs. Avec sa partenaire de longue date, ils envisagent de fonder une famille au début de la trentaine. Romain souhaite non seulement prendre les deux semaines de congé de paternité, mais également s’occuper de leur enfant pendant six mois après la fin du congé de maternité de sa partenaire. Pour ce faire, il verse mensuellement 160 francs de son salaire, 2'000 francs de son bonus annuel, ainsi que cinq jours de congé par an et six heures supplémentaires par mois sur son compte épargne-temps. En seulement quatre ans, Romain a économisé suffisamment pour se permettre un congé sabbatique de six mois tout en percevant 90% de son salaire de 6'000 francs.

Un compte de prévoyance supplémentaire pourrait offrir de nombreux avantages, tant pour les employés que pour les employeurs. En permettant aux employés d’épargner de manière flexible pour des périodes de congés futures, les employeurs augmenteraient l’attrait de leur entreprise et pourraient réduire le taux de rotation du personnel. Face à la pénurie continue de main d’œuvre qualifiée, une telle solution pourrait devenir un atout majeur et décisif pour le recrutement et la rétention de talents. 

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