Depuis des décennies, le dollar américain s'est imposé comme la monnaie de référence sur les marchés mondiaux, symbole de stabilité et de puissance économique. Le président américain Donald Trump a souvent exprimé son désaccord avec la politique d'un dollar fort. Selon lui, un dollar trop fort nuit à la compétitivité des entreprises américaines. Quarante ans après l’accord du Plaza, est-il possible que l'histoire se répète et que les grandes puissances interviennent à nouveau de façon concertée afin d’affaiblir le dollar?
L’accord du Plaza
Au début des années 1980, le dollar s'apprécie fortement – sa valeur double en cinq ans – en raison de la politique monétaire de la Fed. La lutte de la Réserve fédérale contre l’inflation rend les exportations américaines de plus en plus chères et elles menacent de déstabiliser le système financier international.
Face à cette situation, en septembre 1985, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des États-Unis, du Japon, de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni se rencontrent à l’hôtel Plaza à New York. Ils signent un accord visant à dévaluer le dollar face aux autres monnaies pour rééquilibrer les échanges commerciaux et réduire le déficit des États-Unis. C’est l’accord du Plaza.
Mais suite à cette entente, la dépréciation du dollar est si forte que les marchés financiers s’en inquiètent. Pour les rassurer, le même groupe se réunit en 1987 et conclut un nouvel accord (dit du Louvre) afin de coordonner les interventions et maintenir l'équilibre monétaire mondial.
De New York à Palm Beach
En novembre 2024, Stephen Miran, conseiller principal au département du Trésor américain, publie un rapport proposant une refonte du système commercial mondial. Il a pour objectif de remédier aux déséquilibres économiques causés par la «surévaluation persistante du dollar» et par son impact sur la compétitivité des exportations américaines. Comme dans l’accord du Plaza, Stephen Miran suggère la mise en place d'un arrangement multilatéral pour coordonner les interventions des principales puissances économiques et déprécier le dollar.
Depuis, son idée a été soutenue par des membres clés de l'administration Trump, notamment le vice-président Vance et le secrétaire au Trésor Bessent, qui voient dans cet accord potentiel un moyen de revitaliser l'industrie manufacturière américaine.
Ces dernières semaines, l'idée de signer un tel accord à Mar-a-Lago, dans la résidence de Trump en Floride, a suscité un intérêt croissant à Wall Street. Ironie de l’histoire, c’est un certain Donald Trump, qui avait racheté l'hôtel Plaza à New York en 1988.
Les défis d’un potentiel accord sur le dollar
A mesure que le projet anime les investisseurs, il est essentiel d'examiner les défis que soulève cette proposition. Une difficulté consiste à concilier une économie américaine résiliente, une inflation maîtrisée, une Fed indépendante et un dollar faible. Toute tentative d’affaiblir le dollar risque fort de produire un effet boomerang. Comme la consommation américaine dépend fortement des importations, un dollar plus faible entrainera une hausse de l'inflation. La Fed, en toute indépendance, adoptera une politique plus restrictive pour la maitriser, renforçant le dollar et minimisant ainsi l’impact de l'intervention initiale.
Par ailleurs, les pays avec lesquels les Etats-Unis étaient en situation de déficit commercial ont bien changé. Alors qu’en 1985, le Japon et l’Allemagne représentaient presque la moitié du déficit (Japon 38%, Allemagne 9%), ils ont été remplacés, au cours des quarante dernières années, par la Chine (32%) et le Mexique (19%). Cette nouvelle situation rend la conclusion d’un potentiel accord bien plus incertaine. Les intérêts de la Chine et du Mexique ne peuvent être comparés aux intérêts économiques et géostratégiques du Japon, de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni qui, en 1985, accueillaient un quart des bases militaires américaines. Il parait assez évident que la Chine aurait peu intérêt à accepter un arrangement similaire qui entraînerait une appréciation significative de sa devise. De plus, Pékin perçoit l’accord du Plaza comme un facteur ayant contribué, du moins en partie, à la stagnation économique prolongée du Japon.
En conclusion, il convient de rappeler que la réduction des coûts d'emprunt et le contrôle de l'inflation restent des priorités pour l'administration Trump. Or, une dépréciation agressive du dollar pourrait produire exactement l’effet inverse. Il est donc peu probable qu’un accord, dit de «Mar-a-Lago», voie le jour avant que l'inflation ne soit durablement maîtrisée, et que le cycle d'assouplissement de la Fed soit plus avancé.