Démystifier la gestion quantitative

Salima Barragan

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«La robustesse de la construction de portefeuille constitue un des atouts majeurs», estime Michael Malquarti de Quaero Capital.

 

Beaucoup de mystères entourent la notion de gestion quantitative (ou systématique), qui s’appuie sur la puissance de calcul des ordinateurs pour automatiser les décisions d’investissements. D’abord réservée à une clientèle institutionnelle, elle suscite l’intérêt croissant des clients privés. Pour tenter de démystifier ses concepts, Allnews lui consacre cette semaine une série d’interviews avec des experts de la place financière genevoise. Michael Malquarti, gestionnaire de portefeuille senior chez Quaero Capital, répond à nos premières questions.

Quels sont les grands principes de la gestion quantitative?

La gestion quantitative est intrinsèquement liée au développement de l’informatique. Elle consiste essentiellement à acquérir un nombre, généralement important, de données, le cas échéant à les nettoyer et à les réorganiser, puis à les combiner de manière à obtenir des instructions d’achats et de ventes sur un portefeuille poursuivant un objectif donné. En règle générale, cette approche permet de couvrir un univers d’investissement bien plus large que celui couvert par un gestionnaire en chair et en os. Il convient toutefois de noter que la gestion quantitative n’exclue pas les contrôles humains, voire des interventions directes, à divers stade du processus. Ainsi, la gestion quantitative s’étend de la simple automatisation de tout ou partie d’un processus d’investissement auparavant réalisé manuellement à l’exécution de stratégies qui n’auraient jamais pu être envisagées sans certains développements technologiques. Au fur et à mesure que les technologies évoluent, certaines stratégies quantitatives deviennent obsolètes, car banalisées, et d’autres émergent.

Il est courant qu’une stratégie quantitative incorpore une analyse
de la valeur des titres sur la base de données historiques comptables.
Que sont exactement ces modèles mathématiques et économétriques sur lesquels repose la gestion quantitative, et quels sont les plus répandus?

La gestion quantitative couvre un champ tellement vaste de stratégies qu’il est impossible de la réduire à quelques modèles particuliers. Cela va de la réplication d’indices (gestion passive) aux stratégies alternatives les plus sophistiquées, dont les modèles ne sont bien évidemment pas publics. On peut néanmoins identifier quelques grandes classes de modèles présents dans la plupart des stratégies. Premièrement, et c’est vraisemblablement là que l’on trouve l’origine des premières stratégies quantitatives, l’analyse de l’évolution des prix (analyse technique) est quasiment toujours présente, avec la plupart du temps une approche qui consiste à suivre les mouvements de marché. Deuxièmement, en particulier pour les actions, il est très courant qu’une stratégie quantitative incorpore une analyse de la valeur des titres (analyse fondamentale) sur la base de données historiques comptables ou économiques et de projections d’une multitude d’analystes, de sociétés et d’organisations, sur leurs évolutions futures. Enfin, toute gestion quantitative se doit d’avoir une procédure de construction de portefeuille qui lui permette de combiner des signaux sur les instruments traités afin de viser un objectif donné en tenant compte de critères de gestion des risques et des coûts de transaction. La robustesse de la construction de portefeuille est souvent négligée lorsque l’on parle de stratégie d’investissement, mais elle constitue en fait un des atouts majeurs de la gestion quantitative.

Comment se comportent les portefeuilles quantitatifs lors de crash ou de période de volatilité?

L’hétérogénéité de l’univers des stratégies quantitatives est telle qu’il est impossible de généraliser. Toutefois l’approche quantitative a cela d’intéressant qu’elle peut être «back-testée», c’est-à-dire qu’on peut étudier le comportement hypothétique d’une stratégie quantitative lors d’événements passés et ainsi, à défaut d’être immunisé contre les pertes, d’avoir au moins une idée de ce qu’elles auraient pu être. Cela permet ainsi de formuler de manière plus précise des attentes quant au profil de rendement et de risque d’une stratégie donnée et ainsi d’éviter des surprises désagréables. Le revers de la médaille est que la possibilité de tester une stratégie sur une période passée représente également un risque pour les gestionnaires quantitatifs qui pourraient négliger le fait qu’ils ont bénéficié de l’avantage de la rétrospection lors de l’élaboration de leur stratégie et ainsi faire preuve d’un optimisme excessif quant à sa performance future.

Quelles sont les classes d’actifs couvertes par les stratégies quantitatives?

La vaste majorité des stratégies quantitatives couvrent essentiellement deux types d’actifs : les contrats à terme (sur indices actions, bons du trésor, taux courts, devises et matière premières) et les actions. Il existe néanmoins des stratégies quantitatives qui couvrent également les options (sur toutes les classes d’actifs, mais le plus souvent sur les actions) ainsi que les obligations d’États ou d’entreprises. Une des contraintes principales pour la gestion quantitative est la liquidité des titres traités et, c’est souvent lié, la qualité et la quantité d’informations disponibles pour le développement de modèles. Ainsi, plus on s’éloigne des grandes classes d’actifs liquides, moins la gestion quantitative est présente.

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